vendredi 10 septembre 2010

sunshine cleaning


« There's not a lot that I am good at. But I'm good at getting guys to want me. Not date me, or marry me, but want me »
(Il n'y a pas beaucoup de choses pour lesquelles je suis bonne. Je suis bonne pour me faire désirer par les hommes. Pas pour les faire sortir avec moi, ni m'épouser, juste me désirer)

Rose Lorkowski, début de la trentaine, passe son temps à récurer les maisons pour quelques bouchées de pain. Lorsqu'elle ne travaille pas comme femme de ménage, elle s'occupe de son fils, Oscar, un gamin plutôt malin, mais relativement incompris à son école. Et quand elle veut aller faire des galipettes avec son ex dans un motel pourri, sa jeune soeur, Norah, vient s'occuper d'Oscar et lui raconte des histoires effrayantes.
Le père de Rose, Joe, est dans tous les coups fumeux qui peuvent rapporter un peu d'argent, sans jamais réussir son coup, ce qui a tendance à lasser ses filles.
Un jour, suite à un problème à l'école avec Oscar, Rose décide de l'envoyer dans une école privée, même si pour ça, elle n'a pas l'argent. Elle contacte son ex, Mac, avec qui elle couche, pour qu'il l'aide à trouver un boulot. Il lui suggère de s'occuper du nettoyage des scènes de crime, un boulot avec lequel on peut se faire un fric monstrueux pour pas grand-chose.
Rose et Norah (qui vient de se faire virer de son boulot) deviennent donc nettoyeuses de scènes de crime, adoptant le nom de Sunshine Cleaning pour leur société.

Sunshine Cleaning est un film dans la lignée de Little Miss Sunshine – il a d'ailleurs bénéficié des mêmes producteurs -, Juno, Away We Go, de toutes ces petites comédies indépendantes made in USA qui proposent de remettre un peu de baume au coeur, en montrant que même dans des situations pas terribles, on peut s'en sortir, toujours de façon cocasse.
L'angle de la comédie est même d'ailleurs préférable, pour éviter de sombrer directement dans la morosité que la situation de Rose inspire : elle dit à tout le monde qu'elle pourrait travailler dans une agence immobilière, que son travail de femme de ménage n'est que temporaire, mais pourtant, elle s'enlise dedans. Elle s'embourbe dans les emmerdes avec son ex, Mac, qui, même s'il l'aime toujours autant qu'à l'époque du lycée, ne l'aime pas assez pour l'avoir épousée, ou pour divorcer de sa femme. Situation pécuniaire, sentimentale et professionnelle qui craint un maximum, voilà le lot de Rose, une femme qui se répète devant son miroir qu'elle est forte, pour ne pas perdre ce qui lui reste de dignité.
Norah, la jeune soeur de Rose, est une sorte de rebelle, peu perméable à l'autorité : elle pratique le sarcasme comme certains s'allument une clope, et semble atteinte d'un maux qui ne sera divulgué qu'à un moment du film, au travers du souvenir d'un évènement traumatisant.

Lorsque les deux soeurs se mettent à travailler ensemble, leurs personnalités les éloignent directement : Rose prend en main l'affaire, accumule les bonnes idées, les investissements, et Norah suit. La différence se marque particulièrement lorsqu'elles nettoient la caravane d'une femme dont le cadavre n'a pas été retrouvé tout de suite : Norah trouve une pochette avec les documents d'identité de la défunte et également les photos de sa famille, dont sa fille. Alors que Rose insiste pour que Norah jette les documents, Norah les garde en lui disant que la fille de la défunte a le droit de savoir. Norah retrouve la trace de la fille, et par peur, lui ment alors que celle-ci lui demande si elle la suivait depuis son immeuble. Une relation se noue entre les deux femmes, amenant son lot de révélations.

Amy Adams joue Rose avec brio. La réputation de l'actrice n'est plus à faire, elle a pu notamment s'illustrer dans des films comme Julie & Julia, Charlie Wilson's War, Doubt. Elle joue avec beaucoup de caractère le rôle d'une femme qui lutte depuis toujours, depuis un évènement traumatisant qui l'a poussée à devoir prendre sa vie complètement en charge, et même celle de sa jeune soeur Norah. Qu'on se rassure, le regard pétillant d'Amy Adams reste toujours là, même s'il est souvent éclipsé par des expressions plus matures.
Emily Blunt, jeune actrice anglaise aux regard diaphane, peut se vanter de magnifiquement interpréter Norah, avec toute sa sensibilité. Sa carrière d'actrice a pris son essor après son rôle dans The Devil Wears Prada, et The Jane Austen Book Club. Le rôle de Norah étant tout en émotivité, tout en mystère, il fallait qu'Emily Blunt soit capable d'émouvoir rien qu'avec un regard, ou de faire comprendre ce qui lui traversait la tête en une expression ; défi relevé et bien mené, on ne peut détacher son attention de cette prestation fort intéressante (sans doute grâce à la sophistication du personnage en lui-même).
Alan Arkin, inoubliable grand-père pervers dans Little Miss Sunshine est ici une sorte de "Huggy les bons tuyaux", relativement solitaire et fermé.
A noter : Steve Zahn apparaît dans le rôle de Mac.

La réalisation de Christine Jeffs (son précédent film était Sylvia, sur Sylvia Plath, avec Gwyneth Paltrow, Daniel Craig et Michael Gambon) est empreinte d'une certaine sensibilité, qui va parfaitement avec les états d'âme des personnages principaux. Chapeau au directeur de la photographie, et aux décorateurs, pour cette impression de "coin paumé des USA où le soleil brille avec tellement de beauté qu'on voudrait bien y vivre et y boire une margarita".
Même si le ton du film pourrait paraître triste, grâce au scénario drôle, aux actrices bluffantes, au côté très humain de cette histoire, on ne peut sortir de cette expérience qu'avec un grand sourire. Cleaning Sunshine est une comédie dramatique émouvante, qui nous emmène aussi bien sur les scènes de crime que dans tout le reste, finalement.