mardi 14 septembre 2010

virgin suicides de sofia coppola

No one could understand how Mrs. Lisbon and Mr. Lisbon, our math teacher, could produce such beautiful creatures
(Personne ne comprenait comment madame Lisbon et monsieur Lisbon, notre professeur de mathématiques, avaient pu engendrer des créatures aussi belles)



Dans l'état du Michigan, en 1974, les cinq filles Lisbon, Cécilia, Lux, Bonnie, Mary, et Thérèse, alimentent les fantasmes de leurs voisins, qui ne pourront jamais les oublier, même des années après leurs suicides.
Au cours de l'été, Cécilia, la plus jeune des filles Lisbon, âgée de treize ans, tente de se suicider, en se tailladant les veines dans son bain. L'affaire ébranle le quartier, les jeunes voisins, et également la famille, que ce soit madame Lisbon ou les autres filles.
Suivant les conseils d'un psychiatre, les Lisbon permettent à leurs filles d'organiser la seule et unique fête de leurs courtes vies, au cours de laquelle Cécilia réussit enfin à se suicider. A partir de ce moment, tout prend une direction inexorablement funeste pour les quatre filles restantes, couvées et surprotégées par leur mère, véritable monstre d'autorité et de rigidité.
En même temps que tout commence à foutre le camp, Lux fait la rencontre de Trip Fontaine, le bellâtre de l'école qui tente tout pour la séduire.

Qu'est-ce qu'être adolescent? Éprouver du désir, le besoin de s'évader, d'enlever un certain mal-être qui siège en soi, de jongler entre le sexe, l'amour, l'obsession, la peur, la mort?
Virgin Suicides est un des meilleurs films sur les adolescents, ne présentant pas le côté « cul-cul » de la chose, mais privilégiant une approche remplie de mystères, sans prétention d'expliquer ou de comprendre ce qui se passe réellement dans leur tête, en effleurant des possibilités de réponse, en se contentant de montrer des faits.
Avant d'être un scénario écrit par Sofia – la fille de – Coppola, il s'agissait d'un roman de Jeffrey Eugenides, qui décrivait l'histoire d'un narrateur, visiblement toujours sous le charme de cinq filles dont il n'a jamais pu expliquer les suicides.
Comme il est très tôt suggéré dans le livre, ainsi que dans le film (qui est très fidèle au roman), le narrateur et ses amis, les voisins des soeurs Lisbon, n'ont pas pu faire une croix sur les filles, même vingt ans après leurs décès. Dès qu'ils se croisent, ils essayent encore d'assembler les pièces du puzzle, en se souvenant de ce qu'ils ont vu, des objets qu'ils ont collectés, etc. L'obsession dont ils ont été victimes, alors adolescents, subsiste toujours à l'âge adulte.
Il s'agit d'un amour d'adolescent qui résiste à tout, même au temps.

Les soeurs Lisbon n'ont physiquement pas résisté au temps. Le titre du film, le ton même de l'histoire est indicateur du fait qu'il est inévitable que les jeunes filles devront toutes mourir, jeunes et belles, parce qu'aussi non, il n'y aurait pas une telle obsession autour d'elles plus tard, dans l'esprit de leurs voisins. Leurs suicides deviennent un mythe collectif, comme l'histoire de Marilyn Monroe, ou encore de Laura Palmer dans Twin Peaks.
S'il faut évoquer Laura Palmer, autant dire que c'est à cause de Lux. Lux, à quatorze ans, est interprétée par Kirsten Dunst, jouant avec malice, sensualité. L'adolescente est l'âme du livre, du film : on ne parle que d'elle. Tout est prétexte au sourire mi-ange mi-démon de Lux, à sa fossette adorable, à son malaise intérieur qui devient grandissant au fur et à mesure du dénouement de cette tragique histoire de famille. Comme l'icône de Twin Peaks, Lux est une énigme, une équation à deux inconnues, dont on ne comprend pas toujours les faits et gestes. Elle fait croire que non, que oui, que peut-être, elle se joue des uns et des autres. Lux est aussi, comme Laura Palmer, une adolescente à la sexualité débridée. Elle change de partenaire aussi vite que son ombre, est très portée sur « la chose », et, d'ailleurs, contraste particulièrement avec ses soeurs sur ce point, car, ses aînées sont plus sages.



Le suicide de Cécilia, au début de l'histoire, influence particulièrement madame Lisbon, qui, agit avec une poigne de fer sur ses quatre filles, les rendant cafardeuses, alors qu'elle sombre elle-même dans une dépression extrêmement grave. On pourrait pardonner à madame Lisbon la décision qu'elle prend envers ses filles, dans le dernier tiers du film, mais pourtant, quelque chose nous en empêche. Sa réponse démesurée envers une bourde de Lux enferme les quatre adolescentes dans un ennui, une douleur paroxystique qui mène à l'acte suprême de sabotage de leurs propres vies, si on peut dire qu'elles ont encore un semblant de vie. C'est madame Lisbon qui pousse, sans le vouloir, ses filles au suicide.

La légende veut que Sofia Coppola ait adoré le livre de Jeffrey Eugenides au point de demander à son père d'acheter les droits du bouquin. Même en s'appelant Francis Ford Coppola, papa n'a pas pu acheter ce que Sofia convoitait tant. Malgré ce bémol, Sofia Coppola s'est attelée à la rédaction du scénario de Virgin Suicides – même si son père lui répétait qu'elle ne pouvait se faire que du mal, que ça ne servait à rien – et l'a présenté finalement aux gens en possession des droits. Véritablement enthousiasmés par ce scénario fidèle, intelligent, ces derniers lui ont permis de réaliser son premier film, Virgin Suicides, en 1999.
Sofia Coppola, issue d'une des plus puissantes familles d'Hollywood, a pu compter sur son père pendant quelques jours du tournage pour des conseils techniques. Le frère de la réalisatrice, Roman, est venu l'aider pour la réalisation, et enfin, divers membres de sa famille, ses cousins principalement, sont venus donner un coup de main que ce soit pour jouer, ou entraîner les acteurs.
A noter : une amie de Sofia Coppola, Leslie Hayman, joue le rôle d'une des filles Lisbon.



Le casting de Virgin Suicides est alléchant : James Woods devient monsieur Lisbon, un prof de math effacé qui vit dans son monde, pour éviter sans doute l'oppression de sa femme, madame Lisbon est campée par la tyrannique Kathleen Turner, qui, devient la mère étouffante des jeunes filles. Les adolescentes sont interprétées par Hanna R. Hall pour Cécilia (elle jouait Jenny enfant dans Forrest Gump), Kirsten Dunst pour Lux, Chelse Swain pour Bonnie (la soeur de Dominique Swain, qui jouait Lolita dans la version de 1997), A. J. Cook pour Mary (elle joue dans la série Esprits Criminels), et finalement, Leslie Hayman dans le rôle de Thérèse (son seul rôle au cinéma). Josh Hartnett, alors presque inconnu à l'époque du tournage, est Trip Fontaine, le joli coeur de ses dames, fou amoureux de Lux. Les voisins des filles sont joués par notamment Jonathan Tucker, Robert Schwartzman (le cousin de Sofia Coppola). Giovanni Ribisi prête sa voix au narrateur.
Ce casting se révèle extrêmement efficace pour faire croire au spectateur à l'histoire qui se tisse sous ses yeux. Les quatre filles étincellent même dans leur noirceur, au point, qu'au final, on est transporté par leurs sourires, leur bonheur éphémère à un moment du film.

Ce premier film de Sofia Coppola est bourré de poésie, d'émotions. Il se déguste parfaitement, ne tombe jamais dans le cliché, ni d'ailleurs dans le mélodramatique. Il regorge d'instants volés (puisque le film est raconté du point de vue d'un narrateur, d'une personne externe), d'indices, de pièces du puzzle, malheureusement incomplètes. La musique originale du film, signée par le groupe Air, oscille entre le sinistre, l'affectif, la mélancolie, et les passions adolescentes qu'on aimerait revivre un instant. Coppola a elle-même sélectionné les chansons des années septante qui figurent sur le deuxième cd.
Attention, le risque de tomber sous le charme de Virgin Suicides est extrêmement grand.

Doctor: What are you doing here, honey? You're not even old enough to know how bad life gets.
Cécilia: Obviously, Doctor, you've never been a 13-year-old girl

(« Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas encore assez âgée pour savoir à quel point la vie peut devenir horrible »
« Manifestement, docteur, vous n'avez jamais été une fille de treize ans »)


vendredi 10 septembre 2010

sunshine cleaning


« There's not a lot that I am good at. But I'm good at getting guys to want me. Not date me, or marry me, but want me »
(Il n'y a pas beaucoup de choses pour lesquelles je suis bonne. Je suis bonne pour me faire désirer par les hommes. Pas pour les faire sortir avec moi, ni m'épouser, juste me désirer)

Rose Lorkowski, début de la trentaine, passe son temps à récurer les maisons pour quelques bouchées de pain. Lorsqu'elle ne travaille pas comme femme de ménage, elle s'occupe de son fils, Oscar, un gamin plutôt malin, mais relativement incompris à son école. Et quand elle veut aller faire des galipettes avec son ex dans un motel pourri, sa jeune soeur, Norah, vient s'occuper d'Oscar et lui raconte des histoires effrayantes.
Le père de Rose, Joe, est dans tous les coups fumeux qui peuvent rapporter un peu d'argent, sans jamais réussir son coup, ce qui a tendance à lasser ses filles.
Un jour, suite à un problème à l'école avec Oscar, Rose décide de l'envoyer dans une école privée, même si pour ça, elle n'a pas l'argent. Elle contacte son ex, Mac, avec qui elle couche, pour qu'il l'aide à trouver un boulot. Il lui suggère de s'occuper du nettoyage des scènes de crime, un boulot avec lequel on peut se faire un fric monstrueux pour pas grand-chose.
Rose et Norah (qui vient de se faire virer de son boulot) deviennent donc nettoyeuses de scènes de crime, adoptant le nom de Sunshine Cleaning pour leur société.

Sunshine Cleaning est un film dans la lignée de Little Miss Sunshine – il a d'ailleurs bénéficié des mêmes producteurs -, Juno, Away We Go, de toutes ces petites comédies indépendantes made in USA qui proposent de remettre un peu de baume au coeur, en montrant que même dans des situations pas terribles, on peut s'en sortir, toujours de façon cocasse.
L'angle de la comédie est même d'ailleurs préférable, pour éviter de sombrer directement dans la morosité que la situation de Rose inspire : elle dit à tout le monde qu'elle pourrait travailler dans une agence immobilière, que son travail de femme de ménage n'est que temporaire, mais pourtant, elle s'enlise dedans. Elle s'embourbe dans les emmerdes avec son ex, Mac, qui, même s'il l'aime toujours autant qu'à l'époque du lycée, ne l'aime pas assez pour l'avoir épousée, ou pour divorcer de sa femme. Situation pécuniaire, sentimentale et professionnelle qui craint un maximum, voilà le lot de Rose, une femme qui se répète devant son miroir qu'elle est forte, pour ne pas perdre ce qui lui reste de dignité.
Norah, la jeune soeur de Rose, est une sorte de rebelle, peu perméable à l'autorité : elle pratique le sarcasme comme certains s'allument une clope, et semble atteinte d'un maux qui ne sera divulgué qu'à un moment du film, au travers du souvenir d'un évènement traumatisant.

Lorsque les deux soeurs se mettent à travailler ensemble, leurs personnalités les éloignent directement : Rose prend en main l'affaire, accumule les bonnes idées, les investissements, et Norah suit. La différence se marque particulièrement lorsqu'elles nettoient la caravane d'une femme dont le cadavre n'a pas été retrouvé tout de suite : Norah trouve une pochette avec les documents d'identité de la défunte et également les photos de sa famille, dont sa fille. Alors que Rose insiste pour que Norah jette les documents, Norah les garde en lui disant que la fille de la défunte a le droit de savoir. Norah retrouve la trace de la fille, et par peur, lui ment alors que celle-ci lui demande si elle la suivait depuis son immeuble. Une relation se noue entre les deux femmes, amenant son lot de révélations.

Amy Adams joue Rose avec brio. La réputation de l'actrice n'est plus à faire, elle a pu notamment s'illustrer dans des films comme Julie & Julia, Charlie Wilson's War, Doubt. Elle joue avec beaucoup de caractère le rôle d'une femme qui lutte depuis toujours, depuis un évènement traumatisant qui l'a poussée à devoir prendre sa vie complètement en charge, et même celle de sa jeune soeur Norah. Qu'on se rassure, le regard pétillant d'Amy Adams reste toujours là, même s'il est souvent éclipsé par des expressions plus matures.
Emily Blunt, jeune actrice anglaise aux regard diaphane, peut se vanter de magnifiquement interpréter Norah, avec toute sa sensibilité. Sa carrière d'actrice a pris son essor après son rôle dans The Devil Wears Prada, et The Jane Austen Book Club. Le rôle de Norah étant tout en émotivité, tout en mystère, il fallait qu'Emily Blunt soit capable d'émouvoir rien qu'avec un regard, ou de faire comprendre ce qui lui traversait la tête en une expression ; défi relevé et bien mené, on ne peut détacher son attention de cette prestation fort intéressante (sans doute grâce à la sophistication du personnage en lui-même).
Alan Arkin, inoubliable grand-père pervers dans Little Miss Sunshine est ici une sorte de "Huggy les bons tuyaux", relativement solitaire et fermé.
A noter : Steve Zahn apparaît dans le rôle de Mac.

La réalisation de Christine Jeffs (son précédent film était Sylvia, sur Sylvia Plath, avec Gwyneth Paltrow, Daniel Craig et Michael Gambon) est empreinte d'une certaine sensibilité, qui va parfaitement avec les états d'âme des personnages principaux. Chapeau au directeur de la photographie, et aux décorateurs, pour cette impression de "coin paumé des USA où le soleil brille avec tellement de beauté qu'on voudrait bien y vivre et y boire une margarita".
Même si le ton du film pourrait paraître triste, grâce au scénario drôle, aux actrices bluffantes, au côté très humain de cette histoire, on ne peut sortir de cette expérience qu'avec un grand sourire. Cleaning Sunshine est une comédie dramatique émouvante, qui nous emmène aussi bien sur les scènes de crime que dans tout le reste, finalement.



comment expliquer le succès de twilight?


Comment expliquer le succès de Twilight?

D'abord nous devons commencer par quelques statistiques.
Ainsi, nous débutons avec le public visé : de 11 à 17 ans ; 68% des données se trouvent comprises dans cet espace. Très peu de données aberrantes à gauche de la distribution (les moins de onze ans) mais beaucoup de données à droite, jusque 22 ans. Ensuite, quelques données aberrantes (=extrêmes). La moyenne d'âge tourne autour de 14-15 ans.

Passé ce passage très mathématique, nous pouvons conclure comme suit : il ne faut pas un cerveau pour regarder Twilight mais la probabilité de tomber sur une adolescente de 14 ans qui aime les films est très proche de 1 (p = 0.9). Et en probabilités, on considère qu'un évènement a une probabilité de 1 s'il est certain qu'il va se produire (exemple : qu'Edward va dire à Bella qu'il est puceau -> p = 1)

Qu'est-ce que ce passage nous apprend? Que le public visé est donc jeune dans sa tête, encore bien mielleux, malléable, et sans doute propice à croire aux contes de fées.
Les contes de fées moderne diffèrent bien sûr des anciens : avant, il fallait tomber sur le bon mec, perdre sa petite culotte hello kitty avec, lui faire trois gosses et espérer que vingt ans plus tard, il ne finisse pas par troncher une gamine de dix-neuf ans dans la voiture familiale pour sa crise de la quarantaine. Le conte de fées moderne, c'est relatif, d'abord à l'éternité (qui (n')a (pas) peur de Virginia Woolf ou de la mort?), ensuite à la fantaisie, il faut sortir de ce monde désenchanté, tout est KO à côté, tous les idéaux, les mots. C'est un peu ça. Manque plus que Woody Allen fasse des films à l'eau de rose et bam, ça va faire des chocs qui piquent.
L'histoire de vampires gentils et aimants bourrés de fric tombe au bon moment : la crise fait peur, les maladies aussi, et la prof d'anglais quand elle oblige les anglophones à lire Pride and Prejudice, c'est la merde, it is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune, must be in want of a wife (comme quoi Jane Austen avait tout compris).
Twilight répond donc aux attentes des adolescentes actuelles : une rencontre surnaturelle, du fric, pas de vieillissement dégueulasse incluant seins pendants et peau du cou très "sharpei", un type qui ne va pas coucher le premier soir et larguer comme une vieille chaussette après, une volvo rapide, du fric, une belle-famille sympa, et des nanas à poil (ah non, je délire, dommage).

Ceci n'explique qu'une partie de l'histoire ; Twilight véhicule d'autres images; nous commencerons donc par le Moyen-Age, parce que l'Antiquité, à part un ou deux mythes qu'on connait tous par coeur, il n'y a rien à dire.
Au cours du Moyen-Age, il y a eu la Chanson de Geste (encore appréciée par les ricains, et exploitée dans leurs films de guerre d'ailleurs), et l'Amour Courtois.
La Chanson de Geste n'ayant pas vraiment de valeur ici – si ce n'est pour relater comment la grosse fight finale a lieu entre les vampires et les vampires – nous parlerons plutôt de l'Amour Courtois.
L'Amour Courtois, c'est l'art d'aimer, de faire la cour, tout en restant chaste et pur, en laissant l'amour se consumer dans l'esprit, mais jamais en appliquant ses désirs dans un lit. L'homme doit faire une série de choses pour la femme, lui prouver son amour, mériter l'amour de la femme, et se raser ses testicules hirsutes de chevalier. L'auteure de Twilight semble avoir compris cette définition de l'Amour Courtois puisqu'elle l'applique parfaitement dans ses romans, à travers deux personnages : Edward et Jacob (parce que mine de rien, le petit loup-garou est aussi un grand romantique). Ces deux "chevaliers" vont d'ailleurs s'affronter pour gagner le coeur de Bella, diminutif d'Isabella, comme Isabelle de Castille ou Isabelle Adjani, ou alors je dois m'emporter, pardon.

Bref, deux histoires d'amour croisées, un choix rudement difficile à faire (entre un fromage blanc et des muscles, que faut-il choisir) et des tergiversations gamines qui durent des heures, même des centaines de pages pour ceux qui ont lu les romans. Tout ça pour choisir à qui donner son hymen.
Parce que bien sûr, Bella est aussi vierge que Sandrine, ta voisine qui ressemble à un bouledogue anglais un soir de St-Patrick, qui n'a jamais pu se faire sauter par Stéphane, parce que Stéphane, il préfère les blondes, les brunes ne comptent pas pour des prunes. Deux explications s'offrent à nous : ou Stephenie Meyer voulait écrire un hommage à l'Amour Courtois en dix mille pages pour un baiser chaste, ou, encore mieux, Stephenie Meyer, dans sa condition, est une grosse coincée du cul qui n'a pu résister à l'envie d'écrire son histoire d'amour parfaite pour faire rêver ses copines qui ont eu des histoires sentimentales aussi loseuses que les siennes?
Même si les connaisseurs répliqueront que Bella veut se faire prendre l'oignon - et même les tomates - par son cher Edward, il n'en reste pas moins qu'il faut un temps considérable avant que l'action se déroule.

Cette vieille valeur ancestrale du mariage refait surface quand Edward demande à Bella de l'épouser, pour pouvoir copuler en toute légalité, et même plus si elle s'épile l'entre-cuisses.
Il n'y a qu'aux USA qu'on croit encore véritablement au "je reste vierge jusqu'au mariage et je prie avant chaque repas", ce qui donne une touche anachronique à ce récit de vampires végétariens, forcément qu'on me dira, après tout, ils vivent à travers plusieurs époques, et Bella, dans un premier temps est aussi enthousiasmée par cette idée de mariage que Jean-Pierre Coffe par un régime sans sucre et sans gluten.
Edward est né dans une époque qui n'est plus : regardez le grand-tonton Gaston, qui n'a plus qu'une dent, et qui parle encore avec nostalgie de l'époque où les femmes portaient des corsets,- non pas pour faire les putes- mais parce qu'elles n'avaient pas trente-six solutions. Quand la vieille mentalité rencontre la nouvelle, ça fait des étincelles.
Et plus encore quand on parle de mariage.
Stephenie Meyer, une mormone, qui écrit une saga sur l'amour courtois, la fidélité, le mariage, c'est un peu comme Sarkozy qui parle de nettoyer au Karcher son appartement : un discours certes plausible, mais qui, cache bien plus qu'une simple tranche de rigolade.
Bon, la thèse selon laquelle Meyer voulait écrire un guide d'éducation sentimentale/sexuelle est sans doute absurde. Mais peut-être pas tant que ça, en fait.
(On me spoile que Bella et Edward finissent par baiser, mais que cela se fait dans la douleur pour la demoiselle : une preuve de plus que, le sexe, selon Twilight, c'est mal)

Au-delà de ces considérations sur les vieilles valeurs remises au goût du jour pour des adolescents de plus en plus fragiles et à moitié cons, n'oublions pas le poids non-négligeable de l'attractivité de l'immortalité.
Vous voulez survivre? Alors trouvez un vampire, le seul inconvénient c'est que vous devez dire adieu à tout le monde, à vos amis. Sinon, ils seront jaloux et il faudra les transformer aussi ; le bordel en perspective est tellement grand, que finalement, tant pis pour la tante Simone, de toute façon, on ne bouffera plus ses tartes au citron.
Être immortel, c'est bien, on ne change plus, pas de rides, et surtout pas la dégradation physique et mentale que les grands-parents doivent affronter un jour ou l'autre. Un autre facteur de malaise dans la société, dans la vie, tient au fait de l'incertitude de l'existence : personne ne peut être sur de vivre jusqu'à 80 ans, il y a les maladies, les accidents et autres qui peuvent survenir à n'importe quel moment. La solution de devenir vampire quand on le veut, ou de pouvoir l'être dans un moment critique, se veut rassurante pour les gens : au moins, on ne souffrira pas plus longtemps, et on peut être sûr de vivre tout ce qu'il y a à vivre sur cette Terre, du cinéma bidon aux chanteuses excentriques. Sauf que le premier plaisir, celui du palais, de l'estomac, ne sera plus possible. Mais pour être beau/belle, on peut se priver de bouffer, ce n'est pas ce que font les anorexiques?!

Tout ceci n'explique que partiellement le succès de Twilight, il y a d'autres variables à prendre en compte, dont celle de Robert Pattinson, considéré comme le "plus beau mec de la Terre hihi" par les adolescentes qui n'ont jamais été des références en matière de goût. Ou même Taylor Lautner, qui a pris du muscle et du zizi, ce qui n'est pas pour déplaire à pas mal de jeunes donzelles.
Les niaiseries adolescentes ont toujours existé, que ce soit les yéyés des sixties, ou encore Premiers Baisers/Hélène et les Glaçons début des années nonante. Il semble donc que les adolescents aiment les bêtises, comme Justin Bieber, Hannah Montana, Twilight, qui représentent bien leur univers bourré d'hormones et d'illusions puériles. Sans doute un autre moyen de s'évader du monde qui est trop dur pour eux.

jeudi 9 septembre 2010

le chevalier du cinéma

Tout le monde (ou presque) a déjà lu sur internet les différents types de chevaliers en fonction du genre de musique (principalement, metal). Et s'il en existait aussi pour le cinéma?
(Pour les styles de musique et de metal, il suffit de chercher dans google avec les mots-clefs suivants : chevalier princesse dragon metal)

L'histoire est toujours simple : Un chevalier doit arriver au château, tuer le dragon, et, délivrer la princesse (voire l'épouser, ça dépend des cultes).

Le chevalier à la Tarantino : le chevalier arrive en Dodge Charger (modèle 1970 R/T Magnum 440), parle au dragon du fait qu'ils mangent de la mayonnaise avec leurs frites en Europe, tout en écoutant les Stealers Wheel et leur chanson « Stuck in the Middle with you ». C'est grâce à un superbe katana venant d'Okinawa, merci Hattori Hanzo, que le chevalier, dans sa combinaison jaune moutarde extermine le dragon. Alors qu'il arrive en haut du donjon, la princesse l'envoie se faire foutre, elle est hôtesse de l'air et s'appelle Jackie. Le chevalier, emmerdé par cette pouffiasse, l'insulte longuement, et finit par lui faire un scalp. Connasse.

Le chevalier à la Romero : le chevalier arrive, par un moyen quelconque au château, où il découvre que le dragon est entrain de se faire dévorer par une horde de zombies. Cédant à la panique, il se barricade dans le château, avant d'aller voir si la princesse se porte bien. Il trouve la princesse devenue zombie, arrive à la re-tuer (ben oui, elle est déjà morte une fois si elle est zombie), après s'être fait mordre. Le chevalier se transforme en zombie, seul dans le donjon.

Le chevalier à la Lynch : Le chevalier se pointe en tracteur-tondeuse au château. Après avoir sombré dans un souvenir à moitié schizophrénique (mettant en scène l'assassinat de sa femme, une dénommée Renée), un nain parlant bizarrement s'approche de lui et lui murmure qu'il a besoin de café et de tarte à la cerise. Dérouté par cette nouvelle, le chevalier s'avance timidement vers le dragon endormi, en regardant nerveusement de part et d'autre de la créature : des oreilles coupées fleurissent sur le sol. A l'instant même où il se sent prêt à tuer le dragon, une bande de Fremen débarquent et font le boulot à sa place. Heureux, le chevalier monte pour délivrer la princesse qui s'avère être une blonde ténébreuse accro à la coke, appelée Betty. Après un échange de paroles relativement bref, le chevalier et la princesse se mettent à baiser en écoutant Rammstein.
Ils se retrouvent de façon inexpliquée dans la Black Lodge avec Nicolas Cage.

Le chevalier à la Woody Allen : le chevalier, un intellectuel coincé, d'à peu près soixante-cinq ans, arrive en râlant devant le dragon. Embêté de perdre son temps dans une futilité pareille, il explique à la créature que le jazz, New-York, et le théâtre, ça vaut mieux qu'un combat épique. Finalement, le dragon s'éprend du chevalier et la princesse, heureuse, peut s'enfuir épouser un voleur de tableaux.

Le chevalier à la Star Wars : le chevalier arrive au château à bord du Millennium Falcon, avec son ami Chewbacca. Il sort son sabre laser pour tuer le dragon, quand, tout d'un coup, la princesse arrive avec son armée de rebelles. Ils finissent par tuer le dragon tous ensemble, et partent tous vers une galaxie très très très lointaine.

Le chevalier à la Indiana Jones : le chevalier arrive sur un moyen de locomotion emprunté à Sallah. Il décode très vite les mystères qui peuplent le château et peut ainsi réussir à comprendre que pour tuer le dragon, il faut l'arche d'alliance. Quand il revient avec la précieuse arche, il tombe sur les nazis qui lui en font voir de toutes les couleurs. Une fois qu'il s'est débarrassé des nazis, des soviétiques, et de ce foutu dragon, il peut enfin aller dans le donjon, où il tombe sur son père qui n'arrête pas de l'appeler Junior et de lui dire que la princesse – qui n'est autre que Marion Ravenwood - s'est enfuie, lassée de devoir l'attendre.

Le chevalier à la Batman (Burton) : le chevalier arrive dans sa batmobile, escalade les murs du château sans se faire voir par le dragon, et pénètre dans le donjon. Il perçoit une ombre proche du lit... Il s'agit de la princesse catwoman qui lui envoie la dérouillée de sa vie avant de l'embrasser langoureusement. Tous deux se débarrassent du dragon avant de recommencer leur relation amour-haine.

Le chevalier à la Batman (Nolan) : le chevalier arrive dans son char d'assaut, descend le dragon avec une arme développée par Lucius, et sauve la princesse qui se révèle être Rachel, son amie d'enfance dont il est éperdument amoureux, mais, elle, elle préfère Aaron Eckhart.

Le chevalier à la Frères Coen : Le chevalier arrive avec un bébé qu'il a kidnappé, histoire de le donner à bouffer au dragon. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'Anton Chigurh, le mal personnifié, le suit de près. Le chevalier, assiste impuissant et caché, au meurtre du dragon par Chigurh, à l'aide d'un pistolet à projectile captif. Malgré une envie pressante de jouer au bowling, le chevalier se retient et fonce pour délivrer la princesse. Celle-ci lui confie qu'Ulysse Everett McGill a déjà essayé de la sauver une fois, mais qu'elle préfère aller voir des conventions sur le divorce à Las Vegas. Lassé de cette emmerdeuse ressemblant à Catherine Zeta-Jones, le chevalier décide d'aller consulter quelques rabbins.

Le chevalier à la sauce « films d'actions » : le chevalier, en gros dur, est arrivé au château avec un bazooka, quelques AK-47 et une bonne dose d'humour. Après quelques pirouettes et l'utilisation de son arme la plus puissante, il défonce le cul de ce putain de dragon, démolit partiellement le château, et arrive enfin près de la princesse. Celle-ci est une bonnasse de type 175 centimètres, 55 kilogrammes, 85 C. Cédant à ses hormones, le chevalier l'attrape et la met sur son épaule pour la ramener chez ses parents, en espérant que sur le chemin, elle acceptera de lui faire une bonne petite pipe, et plus si elle n'a pas ses règles.

Le chevalier à la sauce « comédie romantique » : le chevalier, sur le point de se marier, est dépêché par le roi pour sauver sa fille du terrible dragon. Quelque peu embêté, le chevalier va néanmoins sur place, histoire de briller. Il tue le dragon par hasard, sans le faire exprès, et tombe amoureux de la princesse. La princesse et le chevalier passent une semaine merveilleuse avant de rentrer au royaume, où, après une dispute violente (le chevalier avait caché à la princesse qu'il avait déjà une gonzesse), ils se séparent. Le jour du mariage du chevalier, la princesse se pointe et balance au chevalier qu'elle n'est peut-être pas aussi bien que celle qu'il va épouser, mais qu'elle suce vraiment bien, promis juré, non pas craché, ce n'est pas son genre. Le chevalier se rend compte à ce moment-là qu'il doit épouser la princesse, largue sa future femme devant l'autel et épouse en grandes pompes la princesse.

Le chevalier à la sauce « films indépendants dramatiques » : le chevalier qui vient de perdre son emploi, sa femme, et sa dignité vient sauver la princesse qui est une lesbienne qui ne s'assume pas. Tous deux partent dans un voyage initiatique à travers le désert, qui va révéler qu'en fait, il en faut peu pour être heureux, je voudrais marcher comme vous, ouh ouh. Le dragon les rejoint également, lassé de son comportement de carnivore sadique.
Finalement, ils montent une société de pompes funèbres.

Le chevalier à la sauce « film d'auteur » : Plan sur la princesse de trente minutes : on peut la voir s'épiler, soupirer, écrire dans un cahier, aller pisser. Plan de dix minutes sur le visage du chevalier lorsqu'il arrive au château. Plan de vingt minutes sur le chevalier qui doit se décider à tuer le dragon. Plan de trente minutes sur la princesse qui guette, du haut du donjon, le chevalier. Puis, plus rien, plus d'argent, plus de plan, et pas de pierres, pas de palais.

lundi 6 septembre 2010

Shortcuts 1

J'inaugure la catégorie "shortcuts" des mini reviews qui vont droit au but, et qui mettent des cotes sur 5, soyons fous, Simone.


Nine ( 3/5) :


Guido Contini, célèbre réalisateur italien, n'arrive pas à écrire son nouveau film, appelé sobrement Italia, tant attendu par la presse et par le peuple. Son inspiration est bloquée par l'apparition fantasmagorique de sa défunte mère, sa relation conflictuelle avec son épouse Luisa, les sens en effervescence de sa maîtresse, et les souvenirs, les fantasmes qu'il traîne derrière lui, inlassablement. Guido ne vit plus que dans des fantasmes, que chacune des femmes campe.

Rob Marshall, il y a quelques années d'ici, avait enchanté la terre entière avec la comédie musicale Chicago. En 2008, il avoue préparer Nine, l'adaptation en comédie musicale de Huit et Demi de Fellini. Il dit d'ailleurs que son film sera un hommage au cinéma italien.
Promesse tenue : Nine est un hommage à proprement parler, c'est un film sur le cinéma italien, avec une légère touche américaine décelable. Daniel Day-Lewis est Guido Contini, ne fait plus qu'un avec le personnage, et embarque le spectateur dans une épopée émotionnelle, une fable psychologique sur un réalisateur qui en veut toujours plus. Le seul bémol? Les chansons. Alors que les chansons dans Chicago se retenaient facilement, collaient parfaitement, les chansons de Nine laissent un arrière-goût amer : on arrive pas à rentrer dedans, à l'exception de la chanson "Be Italian". Les actrices sont parfaites, Nicole Kidman taquine, Penélope Cruz est le sexe même, Marion Cotillard joue la lassitude, et Judi Dench brille de sagesse.
Il y avait de l'idée, une bonne réalisation, mais le problème réside vraiment dans les chansons.



Kick-Ass (4/5) :



Dave Lizewsk est une sorte de paumé qui, suite à une inspiration presque divine (grâce aux geeks qu'il fréquente on pourrait dire), prend la décision de devenir un super héros, même s'il n'a aucun pouvoir. Il devient Kick-Ass, qui, par chance, réussit à gagner un combat dans la rue, ce qui le propulse comme super héros star de New-York city, même mieux que Carrie Bradshaw et ses copines réunies. Tout se corse pour Dave quand à cause d'un gros quiproquo burlesque, un gros pseudo-mafioso se retrouve à ses trousses. C'est sans compter sur l'aide de Big Daddy, un ancien flic et Hit Girl, une gamine de onze ans qui pourrait casser la gueule à Mike Tyson en claquant des doigts pour ainsi dire.

Si vous vous attendez à un film de vrais supers héros, passez votre chemin, il ne s'agit que de gens "réels" qui veulent juste filer quelques coups de pied au cul des méchants trous de culs qui peuplent NY. Le film est très second degré, et dès lors, il faut prévenir les uns et les autres qu'il s'adresse à un public averti et perméable à l'absurde, et aux références "comics".
Plus du film : Mark Strong joue encore un gros dégueulasse méchant, on va finir par croire qu'il l'est dans la vie réelle tant il est convaincant.

heavenly creatures peter jackson


Si Peter Jackson a un jour décidé de s'atteler à l'écriture et la réalisation d' un film sur Juliet Hulme et Pauline Parker, c'est uniquement parce que son épouse, Fran Walsh, lui avait suggéré de faire un film sur le fait divers qui avait rendu ces deux noms « célèbres » en Nouvelle-Zélande. En 1954, Juliet Hulme et Pauline Parker, deux adolescentes de seize ans, sont coupables d'un meurtre horrible. L'affaire ébranle la Nouvelle-Zélande : comment deux adolescentes ont pu commettre un tel acte irréparable et, surtout, cruel?
Pour reconstituer cette histoire macabre, Jackson et Walsh s'inspirent principalement du journal de Pauline Parker, qui relate les pensées intimes de la jeune fille et l'odyssée de son amitié avec Juliet Hulme. En plus de cette source importante d'informations, le duo de scénaristes interviewe des anciens camarades de classe des deux jeunes filles, des policiers, des voisins, toute personne susceptible de détenir un élément explicatif de l'affaire.

Lors du tournage, Jackson filme – bien entendu – en Nouvelle-Zélande, mais surtout, aux véritables lieux de la tragédie : la scène du meurtre a été tournée à l'endroit même où, presque quarante ans plus tôt, Juliet et Pauline ont accompli quelque chose d'irrémédiable.

Pauline Paker (Melanie Lynskey), une jeune fille effacée, fait la connaissance de Juliet Hulme (Kate Winslet), une anglaise fantasque, venue s'installer avec ses parents en Nouvelle-Zélande quelques mois plus tôt. Les deux adolescentes, attirées l'une par l'autre, tissent un lien extrêmement puissant et maintenu par leurs imaginations fertiles qui brodent en permanence un univers fantasmagorique où les deux jeunes filles s'évadent progressivement et de façon irréversible, de la réalité.
Ce qui est au début innocent devient de plus en plus fou, pour devenir malsain et morbide.


Juliet Hulme et Pauline Parker proviennent de deux environnements distincts : l'une est née dans une famille aisée, où la distance parent-enfant est de mise, alors que l'autre souffre d'une impression d'étouffement dans son entourage, constitué de ses parents et de personnes qui cohabitent avec sa famille. Leur rencontre, sur les bancs de l'école, prend son essor lorsqu'elles comprennent qu'elles partagent les mêmes envies, les mêmes peurs, les mêmes délires. Juliet est douée pour l'écriture (d'ailleurs, elle est connue aujourd'hui sous le nom d'Anne Perry et a déjà été publiée à maintes reprises), pour le modelage de figures en pâte à modeler, et Pauline, elle, brille par son imagination débordante.
Le problème des deux jeunes filles est assez simple : elles se détachent de la réalité, refusent de vivre hors de leur fantasmes.


La psychose est définie dans un premier temps, par E. Feuchterleben comme « l'ensemble des troubles mentaux graves qui affectent le sens de la réalité et dont le caractère morbide n'est pas reconnu par le malade ». Peu après les développements de la psychanalyse, on définit la psychose par opposition à la névrose, comme « mode d'organisation de l'activité mentale caractérisé par un déni de la réalité, un repli narcissique de la libido (...), des mécanismes spécifiques de défense contre les conflits intrapsychiques qui en dépendent (projection, clivage)... ».
La projection, est un mécanisme de défense psychologique, mis inconsciemment en action par une personne, comme suit : la personne projette ses sentiments, des choses qu'elle considère comme inconcevable sur quelqu'un d'autre.
Le clivage, est une séparation en deux de la personnalité du psychotique : il y a une partie qui considère la réalité, et l'autre qui l'ignore (puisque sujette aux délires hallucinatoires) ; ces deux parties ne « communiquent » pas entre elles, ce qui signifie que les deux personnalités du sujet peuvent s'exprimer dans une conversation, en abordant un thème quelconque.

Dans le cas de Juliet Hulme et de Pauline Parker, il est certain qu'il s'agit d'une psychose. Leur détachement de la réalité, est tel qu'elles en oublient les conventions, les normes sociales, les obligations. Le principe de plaisir triomphe, écrasant le principe de réalité dans le psychisme de ces demoiselles.
La projection est présente, et souvent, sur les parents. Mais également sur le monde de Borovnia, que les jeunes filles imaginent avec tellement de foi qu'il devient pour ainsi dire la seule réalité qu'elles connaissent. Le clivage est un mécanisme que Juliet apprivoise notamment par son père (qui n'assume pas la relation bizarroïde de sa fille avec Pauline).

Heavenly Creatures aborde également d'autres sujets, comme l'homosexualité ; le père de Juliet est persuadé, en les observant, que Pauline est homosexuelle et amoureuse de sa fille. Les parents de Pauline vont même consulter un médecin qui leur dit que leur fille est homosexuelle. A l'époque, l'homosexualité était reconnue comme une maladie en Nouvelle-Zélande. Certains gestes que les filles ont entre elles sonnent comme des manifestations d'une homosexualité latente (prendre des bains ensemble, etc), mais malgré cela, Pauline a des relations sexuelles avec un homme (bien qu'elle passe le temps du coït à fantasmer sur Borovnia et Juliet). Il y a plus de moments de complicité, et de relation platonique que de passage à l'acte à proprement parler. Jackson et Walsh n'ont que faiblement évoqué ce sujet, sans doute à cause de la portée qu'il pourrait avoir (le film est sorti en 1994, et même si l'homosexualité n'était plus considérée comme une maladie à ce moment-là, il fallait toujours prendre avec des pincettes un sujet pareil).

C'est dans ce film que Kate Winslet épouse son premier vrai rôle, comme Melanie Lynskey. Les deux jeunes femmes brillent dans leurs interprétations : Kate Winslet agit avec folie, représente le pôle extraverti du duo tandis que Melanie Lynskey est le calme, l'introversion. Les deux actrices vont bien ensemble, leur couple est relativement plausible. La première scène du film représente bien ce qui va se dérouler sous les yeux des spectateurs : Juliet court, en tête, et Pauline la suit, dans les bois. Toutes deux sont couvertes de sang, et semblent déboussolées, leurs esprits sont en désordre total. Elles hurlent, soit par nervosité, soit parce que le clivage fonctionne et qu'elles se rendent compte de ce qui vient de se passer. C'est le chaos le plus total.
Juliet est toujours en tête, c'est elle qui mène Pauline, parfois consciemment, parfois inconsciemment. Pauline boit les paroles, les actes de Juliet avec la ferveur d'une croyante. Pauline est sans doute amoureuse de Juliet. Mais Juliet, elle n'est amoureuse que d'elle-même, que de sa fausse réalité, même si elle tient énormément à Pauline. Kate Winslet interprète magnifiquement ce contraste d'amour/attachement, se rendant fondamentalement nécessaire à Melanie Lynskey.


En une heure quarante, Jackson plonge le spectateur dans une histoire sordide, en se basant principalement sur l'établissement, et le développement de l'amitié entre les deux adolescentes jusqu'à la catastrophe finale. La relation entre les deux jeunes femmes glace d'effroi même les plus téméraires : il est étonnant de voir jusqu'où leur maladie mentale peut aller, repoussant les limites du malsain. Heavenly Creatures a eu son petit succès au box-office, et dans les critiques : que ce soit aux Academy Awards, ou au festival du film de Venise, tout le monde a vu le potentiel du film de Peter Jackson, qui s'appuie sur une réalisation certes banale, mais menée avec brio. Le studio Weta (qui était tout frais à l'époque), s'est même chargé des effets spéciaux du film, qui, apparaissent dans le monde imaginaire des jeunes filles.

Le film de Peter Jackson ne se regarde pas facilement. Le sujet peut sembler inoffensif au premier abord, mais il n'est pas si simple que ça : la psychose devient de plus forte, et les distorsions cognitives des deux adolescentes ne peuvent laisser de marbre, surtout que ces distorsions mènent au meurtre. C'est un film difficile, au sens propre comme au figuré, un film qui se regarde avec des questionnements, qui ne peut se savourer qu'une fois vu en entier, par la réflexion qu'il procure.

Anecdote : un épisode des Simpsons rend hommage au film : Lisa the Drama Queen, l'épisode neuf de la saison vingt.