jeudi 17 juin 2010

Robin Hood

Robin Hood, mouture 2010, une vaste blague ?





Quand Ridley Scott a avoué à la Terre entière qu’il aimait se badigeonner le canal déférent avec de la crème fraîche chaque dimanche après-midi, et qu’il allait réaliser une nouvelle version de Robin Hood, une légende britannique qui a connu de nombreuses adaptations, tout le monde a retenu son souffle, comme à la piscine, quand on faisait semblant de couler, histoire d’être écarté.
The Adventures of Robin Hood de Curtiz, Robin Hood de Reitherman (ou la version Disney) et Robin Hood, Prince of Thieves de Reynolds étaient – parmi la multitude de films sur le héros – ceux considérés comme références principales, et un énième opus ne semblait guère légitime.
Pour la plupart des gens, le film de Reynolds mettant en scène Kevin Costner était même vu comme une référence optimale – la conjugaison du comique et du dramatique avec une pincée de romanesque se mariant aussi bien que Charles et Camilla -, ne nécessitant pas une nouvelle version.
Alors, forcément, quand Ridley Scott a présenté son projet, l’emballement du public n’y était pas. Un nouveau Robin Hood, pourquoi faire ? On a déjà des baladeurs mp3 qui peuvent être vibromasseurs, alors quel intérêt ?!
Russell Crowe aurait même décliné le rôle de Robin, dans un premier temps, jugeant que cette nouvelle version n’avait pas lieu d’être, et qu’en plus, le scénario s’était fait sans historiens ou autres rats de bibliothèque fort utiles lorsqu’il s’agit de composer une oeuvre un minimum fidèle à l’histoire. Après des mois de lectures, de recherches, Crowe a finalement accepté le rôle, et le film a pu se faire, après une révision complète du scénario (ce qui rappelle l’histoire de Terminator 4).

Que vaut le film en lui-même? Il raconte l'histoire d'un hors-la-loi (forcément, c'est toujours une histoire de bad boy), enfin, d'une tête brûlée, Robin Longstride, qui, en France, assiste au décès de Richard Lionheart (un gros connard sans humour), et un peu plus tard, à une embuscade orchestrée par des français - aidés par Godefroy, un membre du gratin anglais, un peu traître sur les bords - visant à récupérer la couronne avant son arrivée en Angleterre, histoire que les français puissent niquer le prince Jean en toute beauté. Longstride et ses compagnons donnent des gros coups de pied au cul des français, font fuir Godefroy, et après une petite promesse à un noble mourant du nom de Locksley, ils décident de partir avec le bateau royal qui attendait les autres, comme ça, ils ne devront pas glander un an en France avant de rentrer sur leur île tant aimée. Un gros quiproquo digne d'un vaudeville - avec un peu plus de sang quand même - se déroule, Robin Longstride devenant magiquement Robert de Locksley. La troupe d'usurpateurs fait une entrée royale en Angleterre, en faisant du prince Jean le nouveau roi, bien malgré eux, mais comme ce sont de bons comédiens, ils jouent le jeu.
Robin, pris d'une crise de culpabilité, parce qu'en plus, il doit aller à Nottingham pour voir le père de Robert Locksley, décide d'honorer la promesse qu'il a faite à Robert, alors qu'il était mourant. A partir d'ici, l'intrigue se centre sur l'arrivée de Robin à Nottingham, ainsi que son installation là-bas, tandis que le spectateur assiste également à une représentation géopolitique de l'Angleterre : entre les caprices burlesques de Jean, et les crasses que Godefroy fait en dupant tout le monde, c'est un véritable portrait de la société, des problèmes politiques de cette période que le film Robin Hood dresse, avec beaucoup d'humour (à travers le personnage du prince Jean).

Russell Crowe mène la danse, offrant une composition à mi-chemin entre celle de 3:10 To Yuma et celle de Gladiator. Les mauvaises langues vont également dire que l'association Crowe-Scott est comparable à celle de Tim Burton et de Johnny Deep, et que Russell Crowe, il est sur son bateau et il tabasse les gens (si vous n'avez jamais vu d'épisodes de South Park, vous ne pouvez pas comprendre cette référence, dansons pour ne pas mourir).
Cate Blanchett a déjà eu des rôles du genre "femme forte, prête à tout, dure comme un roc anglais", dans Elizabeth, par exemple. Mark Strong, est habitué aux rôles de gros connard machiavélique de service, son visage reptilien aidant sûrement : dans Stardust, il terrorisait tout le monde, prêt au pire pour poursuivre son but, et, dernièrement, dans Sherlock Homes, il jouait les fauteurs de troubles.
William Hurt a un rôle certes important au niveau symbolique, mais presque pas présent, très sage, qui essaye de raisonner le prince Jean, l'irresponsable de service.
Seul bémol dans ce casting sans faute : Léa Seydoux, une actrice française jouant une française, qui a toujours la même expression blasée et le même jeu, quel que ce soit le film dans lequel elle joue.

Robin Hood n'a pas été bien accepté, du point de vue des critiques. On reproche au film d'aller dans tous les sens, de ne pas se centrer assez sur Robin, de ne présenter que la partie de l'histoire qui a précédé la légende, alors que ce qui intéresse Josiane, c'est la légende, l'homme derrière l'arc. Cette surexploitation du contexte historique pose également question : les gens voulaient du romanesque, de la poudre aux yeux.
Et il semblerait que ce ne soit pas la faute à Ridley Scott en particulier, mais aux adaptations de légendes : on va vers le plus réaliste, le plus contextualisé, le plus explicatif, on renonce au fantastique : comme exemple, King Arthur, en 2004, de Fuqua, qui oubliait les délires pornographiques de la fée Morgane, les tours de passe-passe de Merlin, le scénario peuplé d'orgies entre chevaliers, chevaux et dames. Bref, il semble que les légendes n'ont plus lieu d'être, qu'elles vont être remaniées, dans une version plus réaliste, un peu comme la télé-réalité, mais sans les nichons refaits.
Maintenant, l'autre problème est celui de la légitimité : comme dit précédemment, les films sur Robin Hood sont aussi nombreux que les opérations de chirurgie esthétique de Cher, certains des films faisant l'unanimité plus que d'autres. Alors que les affiches et les bandes-annonces commençaient à fleurir comme les allergies aux pollens, le peuple grondait dans sa barbe que zut, on s'en fout, ce sera pas aussi bien que celui avec Costner. A la sortie des salles, on pouvait même entendre c'est nul, celui avec Alan Rickman était vingt fois mieux, bon, on va se boire une bière putain?. Quelques fois, des avis plus sensés, qui disaient que ce n'était pas comparable, c'est un nouveau genre.

Il n'y a pas de véritable raison de décrire le film comme un navet, et pourtant, les critiques étaient aussi clémentes qu'Obama lorsqu'il s'adressait à BP à la Maison Blanche.
Bien sûr, le prince Jean mérite deux claques, est un peu ridicule par moments, le film est sans doute trop long, mais c'est une vision unique et originale de ce qui a mené à une légende archiconnue. Maintenant, à savoir si Ridley Scott aurait dû faire le film sur la légende en tant que telle et pas les prémisses, le débat reste ouvert. Voilà, on ne peut pas comparer ce film aux anciens, pour la simple raison qu'il ne traite pas du même sujet, du même moment. De plus, on peut déceler une sorte de morale cachée, très vingt-et-unième siècle, sur la liberté des hommes, leur besoin d'évoluer dans une société égalitaire pour être heureux.
Chaque film est un produit de son temps, de sa génération, de son époque. Le film de Reynolds résultait de l'effet héros presque surhumain, avec Costner, et celui de Scott, lui, reflète plus la société actuelle, qui semble se faire baiser par le gouvernement qui est constitué de traîtres et de gens ridicules (comme en Belgique), ce qui ne plait pas aux gens, parce qu'ils préfèrent les beaux gosses fougueux, pour leur faire oublier que putain, ils ne doivent pas rendre en retard leur déclaration d'impôts.

lundi 14 juin 2010

whip it 2009

« I like smart girls. That's why I married your mama. Well, that and I knocked her up »
(J'aime les filles intelligentes. C'est pour ça que j'ai épousé ta maman. Enfin, ça et le fait que je l'ai foutue en cloque)

Whip It est la première réalisation de Drew Barrymore, une enfant de la balle, qui nous avait fait craquer avec sa petite bouille ronde et mutine dans E.T. avant d'être une petite droguée dans la vie réelle, à même pas treize ans. Passé ces déboires presque normaux dans la vie des enfants-stars, il n'en reste pas moins que ce premier essai de réalisation ne vaut pas un prix prestigieux, mais retient l'attention et promet des prochaines tentatives sympathiques.
Parce que Whip It est un film dans la vague de tant d'autres comme Little Miss Sunshine, Juno, une présentation d'une situation presque catastrophique où les personnages doivent faire quelque chose par rapport à leur identité, avec humour de préférence, et sourire béats à la sortie pour les spectateurs.
L'autre atout charismatique de Whip It est la très petite en taille mais grande en talent, Ellen Page, une icône cinématographique très « rock » depuis son regard et son gros ventre provocateur dans Juno.

Whip It raconte l'histoire d'une adolescente de dix-sept ans, Bliss Cavendar, qui passe la plupart de son temps libre à faire plaisir à sa mère en participant à des concours de beauté (sortis tout droit des années cinquante, sans Elvis par contre) dans son bled pourri du Texas quand elle ne travaille pas avec sa meilleure amie, Pash, dans une sorte de fast-food d'autoroute dans leur ville, à Bodeen.
Echappant à la surveillance dictatoriale de leurs parents, Bliss et Pash s'évadent pour une soirée à Austin, où elles font la connaissance du roller derby, une sorte de sport délirant sur patins à roulettes que font des nanas qui ressemblent à des suicide girls (pour les incultes, une suicide girl, c'est une fille qui pose nue sur internet dont le corps est orné, en général, de nombreux tatouages et piercings). Succombant à une crise de « fan attitude », Bliss parle à une des filles des Hurl Scouts – une équipe qui n'a jamais gagné de match- qui lui propose de venir à une sélection, histoire de « be your own hero » (sois ton propre héros). Evidemment, Bliss est engagée dans l'équipe, se démarque par sa rapidité démente, se prend au jeu de la double vie, pimentée par la rencontre avec un musicien et les matchs où elle brille, permettant à son équipe de nulles de gagner.



Whip It est un film très rock, au-delà de la culture tatouages, piercings, rollers, patins à roulettes, trous paumés du Texas, c'est une déclaration d'amour à un style musical, un genre de vie, au girl power. Parce que bien sûr, les femmes ont une place importante dans le film, les hommes jouant les décorations occasionnelles tandis que le centre de l'attention concerne, d'un certain point de vue, la place de la femme. Bliss est dans un entre-deux : d'un côté, sa vie rangée que sa mère entretient en la faisant participer à des concours où les bonnes manières importent, et d'un autre, dès qu'elle devient Babe Ruthless, membre de l'équipe des Hurl Scouts, elle est une autre, une femme sûre d'elle, qui sait ce qu'elle veut, et qui ouvre sa gueule quand bon lui semble. Bien sûr, heureusement, le contraste n'est pas trop net, Bliss n'est pas schizophrénique, elle oscille entre ce qu'elle veut et ce qu'elle doit taire – histoire que tout se passe bien avec sa mère et son père.
La relation entre ses parents est très peu esquissée, puisque l'intrigue s'intéresse surtout à la perception que Bliss a d'elle-même (et de ce qu'elle voudrait être), et au lien entre elle et sa maman, relativement complexe.

Les personnages principaux sont riches, et intéressants du point de vue psychologique.
Les deux principaux sont Bliss (jouée par Ellen Page), une fille pas spécialement bien dans sa peau, qui ne sait pas si elle peut être ce qu'elle veut ou ce que sa mère désire qu'elle soit. Son évolution, en une heure cinquante, est une des plus captivantes que le cinéma du genre « comédie » ait pu offrir, rappelant les propres problèmes identitaires auxquels les adolescents sont confrontés.
La mère de Bliss, Brooke Cavendar (interprétée par Marcia Gay Harden) est une femme de l'époque actuelle, avec un travail, des obligations, mais des idéaux sortis des années soixante, voulant faire au mieux pour sa fille sans se rendre compte de ce qui ne va pas.
Au niveau des rôles secondaires, Daniel Stern – inoubliable Marvin de Home Alone – joue les pères rigolos, Juliette Lewis est Iron Maven, une super bitch de compétition dans l'équipe des joueuses qui ne perdent jamais. Et finalement, Drew Barrymore s'invite dans son film – alors qu'elle aurait pu réellement s'abstenir, seul bémol au film – pour une démonstration de grand n'importe quoi burlesque.

Whip It n'est pas un film pour intellectuels coincés du cul, le film s'adresse aux gens qui ont envie de s'amuser, de s'évader, de vivre un instant rock'n'roll, en regardant un sport presque irréel, dans un décor désertique impensable pour nous petits européens, avec Ellen Page, une actrice foutrement charismatique et à suivre, définitivement.
(Et la fin du film n'est pas prévisible, ce qui est rare avec les films du genre)