jeudi 23 décembre 2010

Cinéma Royal Part I

(The Tudors, saison trois)

J'inaugure une nouvelle thématique – influencée par mon goût pour l'Histoire – concernant la représentation de la royauté au cinéma depuis ces dernières dix années : pour la première partie, nous explorerons le portrait du célèbre Henry VIII en passant par la série The Tudors et le film The Other Boleyn Girl. La deuxième partie se centrera sur les deux films dépeignant la reine Elizabeth I (la fille du roi Henri VIII pour ceux qui ont du mal à suivre), tandis que la troisième partie sera sur le film The Young Victoria. Enfin, la quatrième partie parlera du film Marie-Antoinette, pour la représentation franco-autrichienne.

Pour ceux qui ont séché les cours d'Histoire :

La situation politique de l'Angleterre, avant le règne d'Henry VII, ressemblait à un casse-tête chinois : la guerre des Deux Roses (une histoire de succession au trône) ne prit fin qu'en 1485, année où le père d'HenryVIII, appelé très sobrement Henry VII, triompha à la bataille de Bosworth Field contre Richard III. Après cette victoire, l'ère des souverains Tudors débuta (elle se termine avec le décès d' Elizabeth I en 1603).
Henry VIII n'était pas promis au destin de roi : son frère aîné, Arthur (sans table ronde) devait porter la couronne ; la vie en décida autrement puisqu'Arthur décéda en 1502, alors que son père Henry VII régnait toujours. Le roi demanda au Pape une exemption pour que Catherine d'Aragon – qui se déclarait toujours vierge -, la veuve d'Arthur, puisse épouser le nouveau promis au trône, Henry VIII.
Henry VIII devint roi à dix-huit ans, en 1509.
Des six mariages qu'Henry contracta, il eut seulement trois héritiers (qui montèrent tous sur le trône) : Mary I, Elizabeth I, et Edward VI.

Que retient-on du règne d'Henry VIII?

Aujourd'hui, le nom du monarque renvoie inéluctablement à ses six épouses dont deux furent, sous ses ordres, décapitées.
En dehors de cette tendance à se marier à tort et à travers, il s'agit d'un des règnes les plus sanguinolents : nombreux furent les sujets accusés de « haute trahison » (et ici, haute trahison est synonyme de décapitation, de bûcher, de pendaison, de torture et même pire). Tout ceci se passait bien sûr à la Tour de Londres (Tower of London), l'antre du massacre politique; parmi les plus célèbres victimes du règne d'Henry Tudor, on peut citer ses deux femmes, Anne Boleyn et Catherine Howard, l'humaniste Thomas More, Thomas Cromwell (qui fut ministre du roi pendant presque dix ans), etc.
Henry VIII est peut-être un des rois les plus notoires, mais pas pour de bonnes raisons : au moment de son décès, ses caprices avaient réussi à faire de l'Angleterre un cavalier solitaire (puisque le roi avait été excommunié par Rome, suite à son divorce avec Catherine d'Aragon pour épouser Anne Boleyn) du point de vue religieux, et sa mégalomanie égoïste avait ruiné le pays.
Pour l'anecdote, la vie sentimentale d'Henry VIII a inspiré le conte sanglant « Barbe Bleue ».

The Tudors – une série haute en couleurs

Michael Hirst est un nom qui ne devrait pas vous être inconnu si vous aimez les films sur l'Histoire d'Angleterre : il est le créateur de la série des Tudors, mais avant cela, jouissait d'une réputation dans l'écriture de scénarios de films historiques comme Elizabeth (1998) ou Elizabeth : the Golden Age (2007). Le but de la série est de dresser un portrait d'Henry VIII, en allant de sa rencontre avec Anne Boleyn en 1525, jusqu'à sa mort en 1547. Décrivant les histoires sentimentales d'Henry, la décadence de la cour, la situation politique internationale, et bien sûr, les guerres de religion ; en plus d'avoir un aperçu sur la vie du monarque, c'est un véritable diaporama de l'époque des Tudors qui se déploie sous les yeux du spectateur.
Les costumes, les décors ont été conçus avec un soin particulier du détail, pour sembler plus réalistes, crédibles.
The Tudors se compose de quatre saisons, trente-huit épisodes d'en moyenne cinquante minutes : c'est une série longue, qui a demandé d'importants moyens. Outre son budget conséquent digne de la production d'un film (ou même plusieurs), la série se targue de son casting alléchant notamment composé de Jonathan Rhys-Meyers (Henry VIII), Henry Cavill (Charles Brandon, duc de Suffolk), Callum Blue (Sir Anthony Knivert), Jeremy Northam (Thomas More), Sam Neill (Cardinal Wolsey), Peter O'Toole (le Pape Paul III), Alan Van Sprang (Sir Francis Bryan), etc.

Comment Henry VIII est-il décrit dans la série?

Sa psychologie s'empire, au fur et à mesure des saisons. Dès la première saison, le mot d'ordre est donné : Henry VIII a un foutu caractère, est capricieux, et profite bien de sa position dans la société. Il ne « visite plus la couche » de sa femme Catherine d'Aragon qui lui est entièrement dévouée, et partage son temps entre la chasse et la drague intempestive dirons-nous. Sa politique internationale est gérée par le cardinal Wolsey, et le roi a beaucoup de mal à accepter de faire la paix avec l'Empereur (le neveu de sa femme), et François I.
Henri VIII manigance son premier divorce parce qu'il désire faire des galipettes et avoir des enfants légitimes – un héritier mâle - avec Anne Boleyn et évince donc Catherine d'Aragon en tirant la langue à Rome. La réforme religieuse peut donc commencer, et l'entourage du monarque se fait protestant. L'Angleterre entre dans une phase d'instabilité générale, rythmée par les différentes épouses du roi, ses différents conseillers, et sa peur de vieillir, de mourir sans une descendance masculine.
La série évoque aussi le caractère versatile des relations que les gens de la cour entretiennent : un jour ils s'aident, le lendemain ils se tirent dans les pattes. Le roi est bien évident pareil : il agit souvent par hypocrisie, et par intérêt, il change d'avis comme de chemise en matière de politique internationale, en fonction de ce que les français et les espagnols font.
Pour témoigner d'un point de vue « privé » de cette nature lunatique, il suffit d'observer comment Henry VIII agit vis-à-vis de ses deux filles, Mary (aka Bloody Mary, fille de Catherine d'Aragon), et Elizabeth (aka The Virgin Queen, fille d'Anne Boleyn) : il les traite en princesses royales, les répudie, ne leur verse plus rien, puis les rappelle à la cour.
On pourrait résumer l'esprit du roi en ces quelques mots : il s'aime, il se considère comme digne, et ne tolère pas qu'on le salisse, même d'une éclaboussure microscopique et involontaire.

De quoi parle le film « The Other Boleyn Girl »?

Contrairement à la série the Tudors qui parle d'une grande partie de la vie d'Henry VIII, The Other Boleyn Girl se centre sur un passage de la vie de l'illustre roi, et même plutôt d'un passage des vies d'Anne et de Mary Boleyn, respectivement sa femme et sa maîtresse.
Le film raconte comment Mary et Anne Boleyn se sont disputées les faveurs du roi ; alors qu'au début de l'histoire, Mary devient la maîtresse du roi et agit de façon discrète, Anne est en France. Quand Anne apparaît à la cour anglaise, elle subjugue par son esprit, son physique et son charme Henri VIII qui tombe fou amoureux d'elle, au point de rompre toute relation avec sa soeur, Mary (qui vient de mettre au monde un fils, conçu sur la couche du roi) et de mettre l'Angleterre à feu et à sang en se détachant de Rome.

Est-ce historiquement valable?

En grande partie, non. The Other Boleyn Girl est d'abord un livre de Phillipa Gregory, très romancé : la rencontre entre Anne et Henry VIII ne s'est pas passée du tout comme dans le livre, et le portrait de Mary Boleyn n'est certes pas très ressemblant à celui dont les historiens parlent.
Il semblerait qu'en effet, Henry VIII ait usé sa royale couche avec Mary, mais contrairement à ce que le film laisse croire, la jeune femme était loin d'être innocente : toute la cour française, et même François I himself, étaient déjà montés sur la jeune anglaise.
Henry VIII, dans le film, est interprété par le séduisant Eric Bana, qui arrive tout à fait à convaincre de son poste royal. Néanmoins, en comparaison avec le Henry VIII de la série, celui du film fait pâle figure : il est terne et extrêmement malléable. A l'époque d'Henry VIII, certains ont pu tirer les ficelles du royaume, comme par exemple, la famille Boleyn, qui a influencé le roi, bien que celui-ci a toujours eu le dernier mot.
Un Henry VIII bien faible comparé à celui de la réalité, une Anne Boleyn jouée par une Nathalie Portman très orgueilleuse, une Mary Boleyn souillée d'inutilité et de niaiserie par une Scarlett Johansson pathétique: voilà le résumé de ce film, inégal, certes esthétiquement beau mais scénaristiquement à chier. Le majeur problème de The Other Boleyn Girl n'est finalement pas son casting féminin décevant (sauf Kristin Scott Thomas), ni son manque de véracité historique, mais le rythme avec lequel les évènements se succèdent : on insiste sur les fadaises sentimentales, et on éclipse complètement le bordel socio-politique qui découla de la décision du roi d'envoyer Rome se faire enculer par un baobab. C'est donc pour cela que le spectateur non-averti ne pigera pas pourquoi Henry VIII adopte vers la fin du film une gueule de prisonnier de goulag: les dernières vingt minutes du film abordent une période de quatre ans, riche en tragédies, qui sera résumée sommairement. On pourrait donc faire l'hypothèse que le film dresse un portrait psychologique des deux soeurs, plutôt qu'une description des faits : erreur et damnation, une coquille ne fut jamais aussi vide. La force de la série des Tudors est la richesse de la présentation psychique des personnages : ils évoluent, se transforment sous nos yeux. Même si la véracité historique n'est pas parfaite à cause de ce point de vue, la série se défend brillamment grâce à la profondeur de ses personnages, à leur complexité.

Au final, que faire si on veut en savoir plus sur Henry VIII?

Un nombre considérable d'ouvrages est disponible, que ce soit sur Henry VIII ou les Tudors. Pour les curieux qui ne veulent pas user leurs rétines sur des pages blanches, on peut vous conseiller de vous attarder sur la série des Tudors, un maximum fidèle à la « véracité historique ». Attention, ça décoiffe : scènes de sexe très suggestives, et tortures affreusement réalistes!
Si les Tudors n'est pas entièrement parfaite pour l'histoire d'Henry VIII*, elle donne un aperçu très réaliste de l'époque.


*Par exemple, les scénaristes ont choisi volontairement de changer le nom de Mary Tudor (la soeur d'Henry) en Margaret, afin d'éviter une quelconque confusion avec Mary, la fille d'Henry.














vendredi 19 novembre 2010

dawn of the dead


George A. Romero est au cinéma d'horreur ce que David Lynch est au bizarre. Quoi qu'on puisse penser actuellement en matière de cinéma horrifique, pour comprendre le genre, il faut revenir aux prémisses. En 1968, George Romero et quelques amis produisent et tournent un film qui aura un écho mondial : Night of the Living Dead. Au lieu des séduisants Dracula présentés auparavant, le film donne un nouvelle dimension aux morts-vivants : il les présente comme lents, « bêtes » mais voraces, amateurs de chair fraîche. Le film fait également un clin d'oeil à la guerre du Vietnam qui décime la jeune génération. Le style Romero est né : une ambiance oppressante, une musique à glacer le sang, des morts « réalistes » qui veulent manger les quelques vivants restants, et un message politique derrière. Dawn of the Dead a été tourné entre la fin 1977 et le début 1978, pour être présenté la même année. Le film est considéré comme un must, un classique du film d'horreur traditionnel. Alors que Night of the Living Dead était un film à (très) petit budget, Dawn of the Dead a coûté plus de six-cent-mille dollars, pour en rapporter plus de cinquante millions! Le succès du film est manifeste, tout comme la trilogie des morts-vivants de Romero, qui a été refaite de nombreuses fois, sans jamais égaler l'originale (dernier exemple en date : Day of the Dead, nouvelle mouture).

1978, une station de télévision de Philadelphie. Le chaos retransmis à la télévision ébranle Steven, le conducteur d'hélicoptère et Francine, son amie enceinte. Tous deux décident d'utiliser l'hélicoptère pour partir, loin de la menace zombie qui prolifère comme les bactéries dans l'air ambiant. Le couple est rejoint par Roger et Peter, deux membres d'équipes SWAT. Le quatuor, en pleine recherche d'essence, tombe sur un centre commercial où ils décident de se réfugier. Le centre commercial étant peuplé de quelques zombies, les hommes se chargent de les éliminer, et dans leur hâte, Roger est mordu. Malgré ce détail, les quatre protagonistes décident de rester dans ce lieu, persuadés qu'ils ont tout ce qu'il leur faut pour survivre.

Quand on demande aux gens s'ils connaissent Dawn of the Dead, ils répondent « ah oui, le film avec des zombies et les gens dans le centre commercial, avec comme message de fond la société de consommation ». Ce résumé fort trivial – mais vrai – suffit parfois pour certains individus, qui ne voient pas plus loin que « société de consommation ». Dans les années septante, les centres commerciaux pullulent partout, les deux chocs pétroliers ont beau avoir affaibli économiquement les USA, les comportements de consommation sont encouragés et multipliés. Les quatre personnages du film qui utilisent d'abord le centre commercial comme un lieu de refuge, deviennent « accros » à ce que ce dernier leur procure, et finissent par même être emprisonnés à l'intérieur de celui-ci, avec de moins en moins de contacts extérieurs. Ce qui peut sembler le rêve pour les dingues du shopping se révèle un cauchemar à l'état pur : les protagonistes sont enfermés dans la consommation, dans l'opulence vulgaire. Assez de fusils pour tuer la population de l'Arkansas, assez de vestes pour vêtir les habitants de New-York, assez de matériel en tout genre pour subvenir mille fois à ses propres besoins, Peter, Steven et Francine sont submergés par le centre commercial qui – en définitive- les possède. Comme Goldman chantait « j'ai pris les choses et les choses m'ont pris ». Il n'y a pas que les vivants qui sont attirés par le centre commercial : les zombies le squattent avant d'être tués, puis, ils arrivent en masse aux portes, chaque jour plus nombreux. A la fin du film, ils déambulent dans le centre commercial, comme si tout était normal, comme dans leurs anciennes vies, comme les gens font encore aujourd'hui, comme des victimes de la société de consommation. Les zombies et les humains ne diffèrent pas sur ce point : tout le monde est martyr de la mondialisation, de l'économie. Nous faisons en théorie la société, mais en pratique, c'est elle qui nous fait.

Même si le centre commercial est un enfer à part entière, le pire est toujours à venir : les films de Romero sont construits de la sorte : il s'agit d'une situation exponentiellement fatale, en construction perpétuelle. Il y a toujours un mouvement qui veut faire sortir, et donc, en conséquent, qui fait entrer les morts et leur permet de se nourrir des vivants, de façon abominable, gore. Pour la partie gore, Romero a pu compter sur le coup de pouce de Tom Savini, le maître du maquillage et des effets spéciaux*. Le spécialiste a même un rôle anecdotique dans le film.

Dawn of the Dead est un chef d'oeuvre du film d'horreur, qui joue sur les émotions, la peur de la solitude (car même si les personnages sont à quatre, puis à trois, ils restent seuls survivants dans un océan de zombies), l'absurdité de notre propre existence. Romero voulait, originellement, qu'à la fin de son film, tous les vivants meurent : au final, Peter, le noir, et Francine, la femme, sont les seuls survivants, même si le film s'éteint sur leur échange concernant le peu d'essence qu'il reste.

Car, en plus d'avoir un message politique, les films de Romero ont toujours une sorte de morale : les seuls qui peuvent survivre sont les vertueux, comme Peter et Francine, qui ont été les moins tentés par la société de consommation, et les risques non-nécessaires (qui mènent Roger et Steven à la mort).

dimanche 14 novembre 2010

500 days of Summer : cinq bonnes raisons de voir le film



(Ceci pue le réchauffé, j'ai déjà parlé de 500 Days of Summer, mais un nouveau visionnement m'a convaincu de réitérer mon admiration pour ce petit bijou du cinéma indépendant américain : Voici donc les 5 bonnes raisons de le voir)

1.
La première bonne raison n'est pas Joseph Gordon-Levitt. Cela aurait été bougrement trop facile, comme si j'avais dit «la coupe sixties de Zooey Deschanel est au kitsch ce que ce vieux cochon décédé d'Henri VIII était à la tyrannie ». A la place, je préfère dire que la musique du film est la première raison de s'attarder sur le film. La plus belle chanson – enfin, une des plus belles chansons – des Smiths, à savoir, There's a light that never goes out, risque de rester dans votre tête pendant des heures, grâce à la scène hautement musicale de l'ascenseur. The Temper Trap figure aussi dans le soundtrack avec le magnifique morceau Sweet Disposition. Pour le reste, citons Regina Spektor et son Us très mégalo, She & Him reprennent Please, Please, Please let me get what I want des Smiths, et les Black Lips chantent Bad Kids. Du rock, de la tendresse musicale, ce qu'il faut de romantique, d'énergique, de drôle, de triste : à l'image de l'histoire d'amour entre Tom et Summer, un régal pour les papilles gustatives, Bonux, une question de bon sens.

2.
La deuxième bonne raison n'est toujours pas Joseph Gordon-Levitt, faut pas déconner non plus, son "dat ass" ne peut pas jouer en sa faveur éternellement.
500 Days of Summer s'apprécie encore plus quand on a déjà vécu une rupture douloureuse dans sa vie. Mais si, ne fais pas l'innocent, c'est un peu comme quand Simone t'a plaqué, en prétextant qu'elle préférait Robert; tout le monde sait bien que tu as touché le fond de la bouteille de Chimay, au sens propre ce jour-là. Les ruptures font mal, surtout quand on a cru dur comme fer que l'histoire avait un hypothétique avenir, que les papillons butineraient pour toujours nos ventres transis, et nos estomac repus. Tom, le personnage masculin du film, vit plus ou moins la même chose. Comme il le dit si bien : I love how she makes me feel, like anything's possible, or like life is worth it (= J'adore comment je me sens grâce à elle, comme si tout était possible, comme si la vie en valait la peine). Cette phrase prouve bien à quel point la douleur est intense, une fois que l'histoire est finie. Mais ne vous en faites pas, 500 Days of Summer n'est pas un film pour dépressifs/de dépressifs, c'est une approche drôle et touchante d'une histoire d'amour dont il faut bien un jour se remettre, comme de la hausse du prix du pain en Belgique la semaine passée.

3.
La troisième bonne raison, c'est le couple formé par Joseph Gordon-Levitt et Zooey Deschanel : ces deux-là vont parfaitement ensemble, ils sont le Ken et la Barbie des films indépendants, les symboles sexy indé de ce monde qui tourne si vite, qui change, mais qui reste un minimum romantique. Joseph Gordon-Levitt est d'une sensibilité telle qu'on lui tendrait bien un mouchoir quand il semble être sur le point de pleurer, et Zooey Deschanel montre une certaine vulnérabilité qu'on ne soupçonnait pas dans la première partie du film (puisqu'elle paraît quand même un peu salope). Quand les deux jeunes premiers occupent l'écran, on ne désire que les voir ensemble pour toujours, tant leur duo fonctionne avec brio (pour la rime). Ils rappellent un peu tous ces gens qu'on a connu de près ou de loin, qui nous effleurent parfois encore aujourd'hui : Tom est un peu le vieux pote du lycée qu'on retrouve avec les mêmes rêves de gosses qu'il y a dix ans, et Summer, elle est la voisine mystérieuse à qui on envie le style vestimentaire. Quand je vous disais que c'était le couple Barbie-Ken (mais sans la touche Toy Story 3 pour Ken).

4.
Certaines répliques du film valent le détour. Que ce soit dans un genre tordant, style :
Tom: I liked this girl.. man I loved her. What did she do? She took a giant shit on my face. Literally. (J'aimais bien cette fille... oh putain, je l'aimais. Et qu'est-ce qu'elle a fait? Elle m'a chié sur la gueule. Littéralement)
Alison: Literally? (Littéralement?)
Tom: ...not literally. That's disgusting. Jesus, what's the matter with you? (Non, pas littéralement, c'est dégueulasse. Putain, c'est quoi ton problème?)
Le film peut flirter avec le drôle, mais quelques fois, il fait presque dans le philosophique : il y a quelques réflexions cachées sous la couche principale, des petites questions sur l'amour, la vie à deux, le Hasard, les coïncidences, tout ça :
Paul: Robin is better than the girl of my dreams. She's real. (Robin (sa copine) est bien mieux que la fille de mes rêves. Elle est réelle)
En plus d'amuser, de faire rêver, le film pose quelques questions au spectateur, ce qui est un plus non-négligeable, comme une suédoise bien roulée qui habite en face et apprécie les soirées arrosées où elle enlève sa culotte aussi aisément que Maïté présente les produits gras à la télévision.

5.
500 Days of Summer n'est pas prévisible, ne tombe pas dans les clichés habituels, ce qui signifie, que c'est potentiellement un film pour mecs (et ne dites pas que ce n'est pas bien, pour une fois que ça n'est pas du mielleux sentimental à deux francs). Malgré ce détail, il faut quand même bien avouer – comme dit au point deux – que ce film s'adresse à tous ceux qui ont connu un ou une Summer, une créature maléfique qui a arraché notre coeur avec la dynamique des fluides en nous balançant comme un vieux kleenex de tuberculeux en disant "ah non, en fait, je commande le(a) prochain(e) en catalogue en ligne, je préfère, je peux ré-expédier plus facilement, sans frais de retour".

dimanche 31 octobre 2010

Mysterious skin


Le cinéma indépendant – bien plus engagé que le cinéma de grande distribution – dépeint souvent des histoires aux thèmes jugés difficiles, des aventures qui demandent un certain recul. Avant de tomber dans la comédie lourdingue, Gregg Araki, figure du cinéma gay, transgender, a adapté un roman de Scott Heim, du nom de Mysterious Skin, avec Joseph Gordon-Levitt et Brady Corbet, en 2005. Brossant une histoire bizarre, malsaine, le film évoque notamment les abus sexuels sur les enfants, l'homosexualité, l'asexualité, le refoulement, et la contingence de la vie.

En 1981, alors qu'ils ont tous les deux huit ans, Neil et Brian assistent à des évènements qui vont les marquer à jamais : Neil (Joseph Gordon-Levitt), ayant découvert un peu plus tôt son penchant pour les hommes, est victime d'abus sexuels répétés de la part de son entraîneur de base-ball, et Brian (Brady Corbet), a un trou noir de cinq heures, où il ignore complétement ce qui lui est arrivé. Quelques années plus tard, Neil grandit en déployant une sexualité abasourdissante, et Brian reste convaincu d'avoir été enlevé par des extra-terrestres.

Mysterious Skin n'est pas un film qu'on regarde tranquillement, en sirotant une grenadine : il exploite des thèmes délicats, qui incommodent facilement. La pédophilie occupe une place importante, puisque, par exemple, pour le personnage de Neil, son évolution dépend entièrement des abus dont il a été victime. Le comble dans cette histoire, c'est que le garçon ne s'est jamais rendu compte qu'il s'agissait vraiment d'abus : il était fou amoureux de son entraîneur, et pensait que c'était un honneur pour lui de faire des choses sexuelles avec lui. En grandissant, Neil tombe d'ailleurs dans la décadence, se prostituant pour subsister à un quotidien qui l'étouffe dans sa petite ville du Kansas. La violence intérieure du personnage est elle-même paroxystique ; que ce soit enfant ou adolescent, Neil ne peut jamais se défaire de ses penchants cruels, dans ses relations avec autrui et dans les choix qu'il fait. Enfin, le jeune homme n'a jamais peur, semble avoir l'impression que rien ne peut lui faire de mal, le heurter. Il vit complétement comme s'il n'y avait aucun danger pour lui.

Si Neil s'est « bien remis » de ses traumatismes, ce n'est pas le cas de Brian. Enfant, après son blackout, ses parents et sa soeur l'ont retrouvé, le nez en sang, dans la cave. Tout ce dont il se souvenait, c'était d'avoir vu une lumière bleue. Et à partir de cet épisode, Brian a cru qu'il avait été enlevé par des aliens. Son asexualité évidente, sa timidité monstrueuse, et sa solitude, confirment que ce qu'il s'est passé pendant l'été de ses huit ans l'a profondément marqué. Lorsqu'il avait dix ans, à Halloween, il a encore eu un blackout dans les bois, après avoir vu des formes et des lumières, comme quand il avait huit ans.

On ne peut s'empêcher d'opposer Neil et Brian : ils sont les deux opposés du continuum : l'un à la sexualité débridée et au manque de moralité, et l'autre, un symbole d'asexualité et de moralité, de gentillesse. L'un et l'autre sont complémentaires.

Le film de Gregg Araki a reçu des critiques excellentes, des avis fort favorables, si ce n'est en Australie où la distribution du film a posé quelques soucis : des associations ont soutenu que le film pouvait donner un petit guide de séduction pour les pédophiles. Même si cette réaction peut être jugée démesurée, il n'en reste pas moins que le propos et la manière du film posent un souci éthique : les scènes de pédophilie suivent une logique de suggestion, mais sont quand même commentées de façon crue en voix-off, dans le souvenir. Lors du tournage du film, les scènes avec Neil enfant ont été tournées séparément des scènes avec l'entraîneur, pour éviter quelques ennuis, et l'enfant n'a jamais su ce qu'il avait réellement tourné. Même si les scènes sont très suggestives, elles ne sont rien comparées à la voix-off : c'est ici que les âmes sensibles doivent s'abstenir, ne pas regarder par le film. Parce que Mysterious Skin n'est pas facile, pas une promenade au pays des bisounours, il s'agit plutôt d'une découverte d'un terrain miné.

Photographie impeccable, réalisation remplie d'émotions, Mysterious Skin a également un casting parfait : Joseph Gordon-Levitt étincelle, intrigue, prend des risques en jouant Neil, l'homme qui embrasse toutes les bouches, et joue de son corps en permanence, par pure provocation. Brady Corbet, acteur américain plutôt méconnu si on fait l'impasse sur Funny Games US et Thirteen, nous emmène dans les méandres de la bizarrerie, pour nous présenter un personnage timoré et en pleine enquête sur lui-même.

Mysterious Skin n'est pas qu'un film sur les conséquences de la pédophilie. C'est un film sur la contingence de la vie, sur le caractère prévisible (et même imprévisible) de certains choix que les uns et les autres décident de faire. Le film ne donne pas non plus de leçons, son ton s'attachant plus à décrire deux situations entremêlées, liées. C'est un film coup de poing, qui n'épargnera personne. Parce que même sous ses dehors parfois charmants, il reste quelque chose de sordide dans la vie.



lundi 18 octobre 2010

ces femmes qui bottent le cul des mecs

Le monde du cinéma ne se laisse pas gouverner docilement par les hommes comme on pourrait le croire si facilement : les femmes ne se contentent pas souvent de tirer les ficelles derrière leurs pions de maris, d'amants, de collègues : elles incarnent parfois leur pire cauchemar, à coups de pieds dans la gueule, et de canon sur la tempe.

(Attention, ceci peut contenir des spoilers)

S'il faut parler d'une héroïne moderne qui sait défroquer les pires connards de la Terre, alors, parlons de Beatrix Kiddo. The Bride est un personnage crée par Quentin Tarantino et Uma Thurman, sur le plateau de Pulp Fiction. En plus d'être une redoutable tueuse, le personnage incarné à l'écran par Thurman est doté d'une force psychique inébranlable, pouvant presque survivre à tout. Bien sûr, les plus sceptiques répliqueront que revenge is a dish best served cold, que l'oxygène qui alimente les poumons de Beatrix fonctionne plus à la rage qu'à la force. Mais là n'est pas la question. Bien sûr, on peut se poser la question de savoir si le personnage de la mariée est un clin d'oeil à « La mariée était en noir », un film de François Truffaut où Jeanne Moreau, venge la mort de son fraîchement mari*.
Beatrix Kiddo était une tueuse à gage plutôt douée, qui, un jour, a malencontreusement découvert qu'elle était enceinte de son boss, Bill. Beatrix a donc quitté précipitamment les Deadly Vipers (ses comparses tueurs) pour mener une vie tranquille à l'abri des tarés psychopathes de ce monde, avec un type plutôt simple mais sympa. Le jour de leur mariage, Bill et les Deadly Vipers font une apparition mémorable, puisqu'ils tuent tout le monde, même Beatrix. Manque de pot, il en faut plus qu'une balle dans la tête pour tuer la jeune femme, puisqu'après quatre ans dans le coma, elle se réveille, avec une furieuse envie de buter tous ceux qui ont détruit son bonheur et l'ont privé de sa fille. Commence donc une suite de combats, d'affrontements sanglants, de katanas, de couteaux, de virées dans le désert, et de technique des cinq points.
Bien entendu, The Bride réussira, au terme de deux films culottés, qui seront des clins d'oeil à la culture cinématographique (des films de katanas aux western spaghetti), à se venger de Bill.
Beatrix Kiddo est un peu l'archétype de la femme que les féministes défendent : elle n'a peur de rien, veut protéger ce qui lui reste d'honneur, et n'hésite pas à dégommer le cul de ceux qui ont essayé de la clouer dans un cercueil. Rares sont des héroïnes si déterminées, si prêtes à tout (sauf Nicole Kidman dans To Die For, ok, pour le clin d'oeil), si fortes.



Kick-Ass était un des films phénomènes de l'année, proposant une autre vision des super héros. C'était également l'occasion de découvrir Hit Girl, celle qui te frappe avant que tu aies eu le temps de faire « ouille ». La jeune Chloë Grace Moretz prenait les traits de la gamine surdouée (dans tous les sens du terme), que ce soit en matière de "kick ass" ou de psychologie, de maturité. En plus d'être d'une rapidité et d'une efficacité à faire passer Jackie Chan pour un vendeur de journaux, Hit Girl est une jeune fille sensible, intelligente, qui a un sacré caractère et sait ce qu'elle veut. D'ailleurs, le célèbre Kick-Ass n'arriverait à rien si Hit Girl n'était pas là pour lui sauver les miches de temps en temps.

Côté cinéma, il n'y a pas que de bonnes adaptations : Charlie's Angels en est la preuve. Si le premier opus peut se targuer d'avoir Bill Murray et Sam Rockwell dans sa distribution, il n'y a aucune fierté à avoir du côté du scénario et de la réalisation. Drew Barrymore, Cameron Diaz et Lucy Liu ont beau avoir un joli cul, elles ne peuvent rien faire contre la médiocrité. Malgré tout, l'idéal de la femme tel qu'il est véhiculé par le film et la série permet même de faire une chanson, interprétée par les Destiny's Child, Independent Woman. On pourrait traduire cet idéal comme suit : les femmes gagnent leur argent, s'achètent leurs affaires, et n'ont plus besoin des hommes, même pas pour une vidange vaginale, elles ont sûrement un vibromasseur. Et en plus, elles peuvent très bien égaler les hommes dans diverses tâches.
Demi Moore, entièrement rénovée, a même participé au deuxième film, dévoilant sa nouvelle anatomie parfaitement corrigée, et devenant la pire garce de la Terre. Parce que figurez-vous qu'en plus, c'est son personnage qui tient les rennes de tout. Comme quoi, les femmes peuvent être plus puissantes et finaudes que les mecs.

Dans les femmes psychotique qui règlent le compte des hommes (et du reste), Catherine Tramell occupe une place privilégiée, tout comme, Catwoman (référence : Batman Returns, 1991). Selina Kyle, consumée par l'idée de se venger de son patron, a eu la chance d'être ramenée à la vie par les chats du quartier. Alors qu'elle tombe amoureuse de Bruce Wayne, Catwoman veut se venger de Batman, à coups de griffes. La sexualité est de mise, que ce soit pour Catherine Tramell qui n'arrête pas de cumuler les scènes suggestives, et pour Catwoman, dans sa tenue moulante noir qui rappelle le sado-masochisme. Outre cet aspect sensuel des personnages, ces deux (ou trois nous pourrions dire) femmes partagent une personnalité tordue et dangereuse : Catherine Tramell est une tueuse en série, et Catwoman nourrit des désirs mortels et destructeurs.
Et bien sûr, les hommes sont impuissants face à la ruse de ces deux prédatrices.



Une héroïne de la télévision devrait figurer ici : Buffy Summers est elle-même un symbole contradictoire de la féminité (telle qu'elle est véhiculée par les stéréotypes) : entre force de caractère/ force physique et sensibilité, elle semble être l'exception à la règle. Mais pourtant, ceux qui ont déjà vu la série Buffy The Vampire Slayer pourront témoigner du fait que l'affectivité dont la demoiselle fait preuve ne singe aucunement sa détermination, son endurance.
Buffy, c'est l'héroïne idéale : elle se sacrifie pour les autres, ne renonce jamais, sait ce qu'elle fait, et donne plus de valeur aux autres qu'à elle. Néanmoins, comme on dit vulgairement, « il ne faut pas la faire chier », sauf si on veut se retrouver à moitié mort.

Toutes ces femmes sont aussi létales qu'une dose de potassium dans le bras, rien ne peut les arrêter, pas même un sermon larmoyant du Pape, elles iront jusqu'où elles doivent aller, pour ce qu'elles jugent bon, ou tout simplement parce qu'elles l'ont décidé, et il vaut mieux pour le commun des mortels ne pas rester dans leur chemin.

* En réalité, Quentin Tarantino a dit n'avoir jamais vu le film de Truffaut. Il y a quand même de quoi se poser des questions, sachant que l'homme est un grand cinéphile.

mardi 14 septembre 2010

virgin suicides de sofia coppola

No one could understand how Mrs. Lisbon and Mr. Lisbon, our math teacher, could produce such beautiful creatures
(Personne ne comprenait comment madame Lisbon et monsieur Lisbon, notre professeur de mathématiques, avaient pu engendrer des créatures aussi belles)



Dans l'état du Michigan, en 1974, les cinq filles Lisbon, Cécilia, Lux, Bonnie, Mary, et Thérèse, alimentent les fantasmes de leurs voisins, qui ne pourront jamais les oublier, même des années après leurs suicides.
Au cours de l'été, Cécilia, la plus jeune des filles Lisbon, âgée de treize ans, tente de se suicider, en se tailladant les veines dans son bain. L'affaire ébranle le quartier, les jeunes voisins, et également la famille, que ce soit madame Lisbon ou les autres filles.
Suivant les conseils d'un psychiatre, les Lisbon permettent à leurs filles d'organiser la seule et unique fête de leurs courtes vies, au cours de laquelle Cécilia réussit enfin à se suicider. A partir de ce moment, tout prend une direction inexorablement funeste pour les quatre filles restantes, couvées et surprotégées par leur mère, véritable monstre d'autorité et de rigidité.
En même temps que tout commence à foutre le camp, Lux fait la rencontre de Trip Fontaine, le bellâtre de l'école qui tente tout pour la séduire.

Qu'est-ce qu'être adolescent? Éprouver du désir, le besoin de s'évader, d'enlever un certain mal-être qui siège en soi, de jongler entre le sexe, l'amour, l'obsession, la peur, la mort?
Virgin Suicides est un des meilleurs films sur les adolescents, ne présentant pas le côté « cul-cul » de la chose, mais privilégiant une approche remplie de mystères, sans prétention d'expliquer ou de comprendre ce qui se passe réellement dans leur tête, en effleurant des possibilités de réponse, en se contentant de montrer des faits.
Avant d'être un scénario écrit par Sofia – la fille de – Coppola, il s'agissait d'un roman de Jeffrey Eugenides, qui décrivait l'histoire d'un narrateur, visiblement toujours sous le charme de cinq filles dont il n'a jamais pu expliquer les suicides.
Comme il est très tôt suggéré dans le livre, ainsi que dans le film (qui est très fidèle au roman), le narrateur et ses amis, les voisins des soeurs Lisbon, n'ont pas pu faire une croix sur les filles, même vingt ans après leurs décès. Dès qu'ils se croisent, ils essayent encore d'assembler les pièces du puzzle, en se souvenant de ce qu'ils ont vu, des objets qu'ils ont collectés, etc. L'obsession dont ils ont été victimes, alors adolescents, subsiste toujours à l'âge adulte.
Il s'agit d'un amour d'adolescent qui résiste à tout, même au temps.

Les soeurs Lisbon n'ont physiquement pas résisté au temps. Le titre du film, le ton même de l'histoire est indicateur du fait qu'il est inévitable que les jeunes filles devront toutes mourir, jeunes et belles, parce qu'aussi non, il n'y aurait pas une telle obsession autour d'elles plus tard, dans l'esprit de leurs voisins. Leurs suicides deviennent un mythe collectif, comme l'histoire de Marilyn Monroe, ou encore de Laura Palmer dans Twin Peaks.
S'il faut évoquer Laura Palmer, autant dire que c'est à cause de Lux. Lux, à quatorze ans, est interprétée par Kirsten Dunst, jouant avec malice, sensualité. L'adolescente est l'âme du livre, du film : on ne parle que d'elle. Tout est prétexte au sourire mi-ange mi-démon de Lux, à sa fossette adorable, à son malaise intérieur qui devient grandissant au fur et à mesure du dénouement de cette tragique histoire de famille. Comme l'icône de Twin Peaks, Lux est une énigme, une équation à deux inconnues, dont on ne comprend pas toujours les faits et gestes. Elle fait croire que non, que oui, que peut-être, elle se joue des uns et des autres. Lux est aussi, comme Laura Palmer, une adolescente à la sexualité débridée. Elle change de partenaire aussi vite que son ombre, est très portée sur « la chose », et, d'ailleurs, contraste particulièrement avec ses soeurs sur ce point, car, ses aînées sont plus sages.



Le suicide de Cécilia, au début de l'histoire, influence particulièrement madame Lisbon, qui, agit avec une poigne de fer sur ses quatre filles, les rendant cafardeuses, alors qu'elle sombre elle-même dans une dépression extrêmement grave. On pourrait pardonner à madame Lisbon la décision qu'elle prend envers ses filles, dans le dernier tiers du film, mais pourtant, quelque chose nous en empêche. Sa réponse démesurée envers une bourde de Lux enferme les quatre adolescentes dans un ennui, une douleur paroxystique qui mène à l'acte suprême de sabotage de leurs propres vies, si on peut dire qu'elles ont encore un semblant de vie. C'est madame Lisbon qui pousse, sans le vouloir, ses filles au suicide.

La légende veut que Sofia Coppola ait adoré le livre de Jeffrey Eugenides au point de demander à son père d'acheter les droits du bouquin. Même en s'appelant Francis Ford Coppola, papa n'a pas pu acheter ce que Sofia convoitait tant. Malgré ce bémol, Sofia Coppola s'est attelée à la rédaction du scénario de Virgin Suicides – même si son père lui répétait qu'elle ne pouvait se faire que du mal, que ça ne servait à rien – et l'a présenté finalement aux gens en possession des droits. Véritablement enthousiasmés par ce scénario fidèle, intelligent, ces derniers lui ont permis de réaliser son premier film, Virgin Suicides, en 1999.
Sofia Coppola, issue d'une des plus puissantes familles d'Hollywood, a pu compter sur son père pendant quelques jours du tournage pour des conseils techniques. Le frère de la réalisatrice, Roman, est venu l'aider pour la réalisation, et enfin, divers membres de sa famille, ses cousins principalement, sont venus donner un coup de main que ce soit pour jouer, ou entraîner les acteurs.
A noter : une amie de Sofia Coppola, Leslie Hayman, joue le rôle d'une des filles Lisbon.



Le casting de Virgin Suicides est alléchant : James Woods devient monsieur Lisbon, un prof de math effacé qui vit dans son monde, pour éviter sans doute l'oppression de sa femme, madame Lisbon est campée par la tyrannique Kathleen Turner, qui, devient la mère étouffante des jeunes filles. Les adolescentes sont interprétées par Hanna R. Hall pour Cécilia (elle jouait Jenny enfant dans Forrest Gump), Kirsten Dunst pour Lux, Chelse Swain pour Bonnie (la soeur de Dominique Swain, qui jouait Lolita dans la version de 1997), A. J. Cook pour Mary (elle joue dans la série Esprits Criminels), et finalement, Leslie Hayman dans le rôle de Thérèse (son seul rôle au cinéma). Josh Hartnett, alors presque inconnu à l'époque du tournage, est Trip Fontaine, le joli coeur de ses dames, fou amoureux de Lux. Les voisins des filles sont joués par notamment Jonathan Tucker, Robert Schwartzman (le cousin de Sofia Coppola). Giovanni Ribisi prête sa voix au narrateur.
Ce casting se révèle extrêmement efficace pour faire croire au spectateur à l'histoire qui se tisse sous ses yeux. Les quatre filles étincellent même dans leur noirceur, au point, qu'au final, on est transporté par leurs sourires, leur bonheur éphémère à un moment du film.

Ce premier film de Sofia Coppola est bourré de poésie, d'émotions. Il se déguste parfaitement, ne tombe jamais dans le cliché, ni d'ailleurs dans le mélodramatique. Il regorge d'instants volés (puisque le film est raconté du point de vue d'un narrateur, d'une personne externe), d'indices, de pièces du puzzle, malheureusement incomplètes. La musique originale du film, signée par le groupe Air, oscille entre le sinistre, l'affectif, la mélancolie, et les passions adolescentes qu'on aimerait revivre un instant. Coppola a elle-même sélectionné les chansons des années septante qui figurent sur le deuxième cd.
Attention, le risque de tomber sous le charme de Virgin Suicides est extrêmement grand.

Doctor: What are you doing here, honey? You're not even old enough to know how bad life gets.
Cécilia: Obviously, Doctor, you've never been a 13-year-old girl

(« Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas encore assez âgée pour savoir à quel point la vie peut devenir horrible »
« Manifestement, docteur, vous n'avez jamais été une fille de treize ans »)


vendredi 10 septembre 2010

sunshine cleaning


« There's not a lot that I am good at. But I'm good at getting guys to want me. Not date me, or marry me, but want me »
(Il n'y a pas beaucoup de choses pour lesquelles je suis bonne. Je suis bonne pour me faire désirer par les hommes. Pas pour les faire sortir avec moi, ni m'épouser, juste me désirer)

Rose Lorkowski, début de la trentaine, passe son temps à récurer les maisons pour quelques bouchées de pain. Lorsqu'elle ne travaille pas comme femme de ménage, elle s'occupe de son fils, Oscar, un gamin plutôt malin, mais relativement incompris à son école. Et quand elle veut aller faire des galipettes avec son ex dans un motel pourri, sa jeune soeur, Norah, vient s'occuper d'Oscar et lui raconte des histoires effrayantes.
Le père de Rose, Joe, est dans tous les coups fumeux qui peuvent rapporter un peu d'argent, sans jamais réussir son coup, ce qui a tendance à lasser ses filles.
Un jour, suite à un problème à l'école avec Oscar, Rose décide de l'envoyer dans une école privée, même si pour ça, elle n'a pas l'argent. Elle contacte son ex, Mac, avec qui elle couche, pour qu'il l'aide à trouver un boulot. Il lui suggère de s'occuper du nettoyage des scènes de crime, un boulot avec lequel on peut se faire un fric monstrueux pour pas grand-chose.
Rose et Norah (qui vient de se faire virer de son boulot) deviennent donc nettoyeuses de scènes de crime, adoptant le nom de Sunshine Cleaning pour leur société.

Sunshine Cleaning est un film dans la lignée de Little Miss Sunshine – il a d'ailleurs bénéficié des mêmes producteurs -, Juno, Away We Go, de toutes ces petites comédies indépendantes made in USA qui proposent de remettre un peu de baume au coeur, en montrant que même dans des situations pas terribles, on peut s'en sortir, toujours de façon cocasse.
L'angle de la comédie est même d'ailleurs préférable, pour éviter de sombrer directement dans la morosité que la situation de Rose inspire : elle dit à tout le monde qu'elle pourrait travailler dans une agence immobilière, que son travail de femme de ménage n'est que temporaire, mais pourtant, elle s'enlise dedans. Elle s'embourbe dans les emmerdes avec son ex, Mac, qui, même s'il l'aime toujours autant qu'à l'époque du lycée, ne l'aime pas assez pour l'avoir épousée, ou pour divorcer de sa femme. Situation pécuniaire, sentimentale et professionnelle qui craint un maximum, voilà le lot de Rose, une femme qui se répète devant son miroir qu'elle est forte, pour ne pas perdre ce qui lui reste de dignité.
Norah, la jeune soeur de Rose, est une sorte de rebelle, peu perméable à l'autorité : elle pratique le sarcasme comme certains s'allument une clope, et semble atteinte d'un maux qui ne sera divulgué qu'à un moment du film, au travers du souvenir d'un évènement traumatisant.

Lorsque les deux soeurs se mettent à travailler ensemble, leurs personnalités les éloignent directement : Rose prend en main l'affaire, accumule les bonnes idées, les investissements, et Norah suit. La différence se marque particulièrement lorsqu'elles nettoient la caravane d'une femme dont le cadavre n'a pas été retrouvé tout de suite : Norah trouve une pochette avec les documents d'identité de la défunte et également les photos de sa famille, dont sa fille. Alors que Rose insiste pour que Norah jette les documents, Norah les garde en lui disant que la fille de la défunte a le droit de savoir. Norah retrouve la trace de la fille, et par peur, lui ment alors que celle-ci lui demande si elle la suivait depuis son immeuble. Une relation se noue entre les deux femmes, amenant son lot de révélations.

Amy Adams joue Rose avec brio. La réputation de l'actrice n'est plus à faire, elle a pu notamment s'illustrer dans des films comme Julie & Julia, Charlie Wilson's War, Doubt. Elle joue avec beaucoup de caractère le rôle d'une femme qui lutte depuis toujours, depuis un évènement traumatisant qui l'a poussée à devoir prendre sa vie complètement en charge, et même celle de sa jeune soeur Norah. Qu'on se rassure, le regard pétillant d'Amy Adams reste toujours là, même s'il est souvent éclipsé par des expressions plus matures.
Emily Blunt, jeune actrice anglaise aux regard diaphane, peut se vanter de magnifiquement interpréter Norah, avec toute sa sensibilité. Sa carrière d'actrice a pris son essor après son rôle dans The Devil Wears Prada, et The Jane Austen Book Club. Le rôle de Norah étant tout en émotivité, tout en mystère, il fallait qu'Emily Blunt soit capable d'émouvoir rien qu'avec un regard, ou de faire comprendre ce qui lui traversait la tête en une expression ; défi relevé et bien mené, on ne peut détacher son attention de cette prestation fort intéressante (sans doute grâce à la sophistication du personnage en lui-même).
Alan Arkin, inoubliable grand-père pervers dans Little Miss Sunshine est ici une sorte de "Huggy les bons tuyaux", relativement solitaire et fermé.
A noter : Steve Zahn apparaît dans le rôle de Mac.

La réalisation de Christine Jeffs (son précédent film était Sylvia, sur Sylvia Plath, avec Gwyneth Paltrow, Daniel Craig et Michael Gambon) est empreinte d'une certaine sensibilité, qui va parfaitement avec les états d'âme des personnages principaux. Chapeau au directeur de la photographie, et aux décorateurs, pour cette impression de "coin paumé des USA où le soleil brille avec tellement de beauté qu'on voudrait bien y vivre et y boire une margarita".
Même si le ton du film pourrait paraître triste, grâce au scénario drôle, aux actrices bluffantes, au côté très humain de cette histoire, on ne peut sortir de cette expérience qu'avec un grand sourire. Cleaning Sunshine est une comédie dramatique émouvante, qui nous emmène aussi bien sur les scènes de crime que dans tout le reste, finalement.



comment expliquer le succès de twilight?


Comment expliquer le succès de Twilight?

D'abord nous devons commencer par quelques statistiques.
Ainsi, nous débutons avec le public visé : de 11 à 17 ans ; 68% des données se trouvent comprises dans cet espace. Très peu de données aberrantes à gauche de la distribution (les moins de onze ans) mais beaucoup de données à droite, jusque 22 ans. Ensuite, quelques données aberrantes (=extrêmes). La moyenne d'âge tourne autour de 14-15 ans.

Passé ce passage très mathématique, nous pouvons conclure comme suit : il ne faut pas un cerveau pour regarder Twilight mais la probabilité de tomber sur une adolescente de 14 ans qui aime les films est très proche de 1 (p = 0.9). Et en probabilités, on considère qu'un évènement a une probabilité de 1 s'il est certain qu'il va se produire (exemple : qu'Edward va dire à Bella qu'il est puceau -> p = 1)

Qu'est-ce que ce passage nous apprend? Que le public visé est donc jeune dans sa tête, encore bien mielleux, malléable, et sans doute propice à croire aux contes de fées.
Les contes de fées moderne diffèrent bien sûr des anciens : avant, il fallait tomber sur le bon mec, perdre sa petite culotte hello kitty avec, lui faire trois gosses et espérer que vingt ans plus tard, il ne finisse pas par troncher une gamine de dix-neuf ans dans la voiture familiale pour sa crise de la quarantaine. Le conte de fées moderne, c'est relatif, d'abord à l'éternité (qui (n')a (pas) peur de Virginia Woolf ou de la mort?), ensuite à la fantaisie, il faut sortir de ce monde désenchanté, tout est KO à côté, tous les idéaux, les mots. C'est un peu ça. Manque plus que Woody Allen fasse des films à l'eau de rose et bam, ça va faire des chocs qui piquent.
L'histoire de vampires gentils et aimants bourrés de fric tombe au bon moment : la crise fait peur, les maladies aussi, et la prof d'anglais quand elle oblige les anglophones à lire Pride and Prejudice, c'est la merde, it is a truth universally acknowledged, that a single man in possession of a good fortune, must be in want of a wife (comme quoi Jane Austen avait tout compris).
Twilight répond donc aux attentes des adolescentes actuelles : une rencontre surnaturelle, du fric, pas de vieillissement dégueulasse incluant seins pendants et peau du cou très "sharpei", un type qui ne va pas coucher le premier soir et larguer comme une vieille chaussette après, une volvo rapide, du fric, une belle-famille sympa, et des nanas à poil (ah non, je délire, dommage).

Ceci n'explique qu'une partie de l'histoire ; Twilight véhicule d'autres images; nous commencerons donc par le Moyen-Age, parce que l'Antiquité, à part un ou deux mythes qu'on connait tous par coeur, il n'y a rien à dire.
Au cours du Moyen-Age, il y a eu la Chanson de Geste (encore appréciée par les ricains, et exploitée dans leurs films de guerre d'ailleurs), et l'Amour Courtois.
La Chanson de Geste n'ayant pas vraiment de valeur ici – si ce n'est pour relater comment la grosse fight finale a lieu entre les vampires et les vampires – nous parlerons plutôt de l'Amour Courtois.
L'Amour Courtois, c'est l'art d'aimer, de faire la cour, tout en restant chaste et pur, en laissant l'amour se consumer dans l'esprit, mais jamais en appliquant ses désirs dans un lit. L'homme doit faire une série de choses pour la femme, lui prouver son amour, mériter l'amour de la femme, et se raser ses testicules hirsutes de chevalier. L'auteure de Twilight semble avoir compris cette définition de l'Amour Courtois puisqu'elle l'applique parfaitement dans ses romans, à travers deux personnages : Edward et Jacob (parce que mine de rien, le petit loup-garou est aussi un grand romantique). Ces deux "chevaliers" vont d'ailleurs s'affronter pour gagner le coeur de Bella, diminutif d'Isabella, comme Isabelle de Castille ou Isabelle Adjani, ou alors je dois m'emporter, pardon.

Bref, deux histoires d'amour croisées, un choix rudement difficile à faire (entre un fromage blanc et des muscles, que faut-il choisir) et des tergiversations gamines qui durent des heures, même des centaines de pages pour ceux qui ont lu les romans. Tout ça pour choisir à qui donner son hymen.
Parce que bien sûr, Bella est aussi vierge que Sandrine, ta voisine qui ressemble à un bouledogue anglais un soir de St-Patrick, qui n'a jamais pu se faire sauter par Stéphane, parce que Stéphane, il préfère les blondes, les brunes ne comptent pas pour des prunes. Deux explications s'offrent à nous : ou Stephenie Meyer voulait écrire un hommage à l'Amour Courtois en dix mille pages pour un baiser chaste, ou, encore mieux, Stephenie Meyer, dans sa condition, est une grosse coincée du cul qui n'a pu résister à l'envie d'écrire son histoire d'amour parfaite pour faire rêver ses copines qui ont eu des histoires sentimentales aussi loseuses que les siennes?
Même si les connaisseurs répliqueront que Bella veut se faire prendre l'oignon - et même les tomates - par son cher Edward, il n'en reste pas moins qu'il faut un temps considérable avant que l'action se déroule.

Cette vieille valeur ancestrale du mariage refait surface quand Edward demande à Bella de l'épouser, pour pouvoir copuler en toute légalité, et même plus si elle s'épile l'entre-cuisses.
Il n'y a qu'aux USA qu'on croit encore véritablement au "je reste vierge jusqu'au mariage et je prie avant chaque repas", ce qui donne une touche anachronique à ce récit de vampires végétariens, forcément qu'on me dira, après tout, ils vivent à travers plusieurs époques, et Bella, dans un premier temps est aussi enthousiasmée par cette idée de mariage que Jean-Pierre Coffe par un régime sans sucre et sans gluten.
Edward est né dans une époque qui n'est plus : regardez le grand-tonton Gaston, qui n'a plus qu'une dent, et qui parle encore avec nostalgie de l'époque où les femmes portaient des corsets,- non pas pour faire les putes- mais parce qu'elles n'avaient pas trente-six solutions. Quand la vieille mentalité rencontre la nouvelle, ça fait des étincelles.
Et plus encore quand on parle de mariage.
Stephenie Meyer, une mormone, qui écrit une saga sur l'amour courtois, la fidélité, le mariage, c'est un peu comme Sarkozy qui parle de nettoyer au Karcher son appartement : un discours certes plausible, mais qui, cache bien plus qu'une simple tranche de rigolade.
Bon, la thèse selon laquelle Meyer voulait écrire un guide d'éducation sentimentale/sexuelle est sans doute absurde. Mais peut-être pas tant que ça, en fait.
(On me spoile que Bella et Edward finissent par baiser, mais que cela se fait dans la douleur pour la demoiselle : une preuve de plus que, le sexe, selon Twilight, c'est mal)

Au-delà de ces considérations sur les vieilles valeurs remises au goût du jour pour des adolescents de plus en plus fragiles et à moitié cons, n'oublions pas le poids non-négligeable de l'attractivité de l'immortalité.
Vous voulez survivre? Alors trouvez un vampire, le seul inconvénient c'est que vous devez dire adieu à tout le monde, à vos amis. Sinon, ils seront jaloux et il faudra les transformer aussi ; le bordel en perspective est tellement grand, que finalement, tant pis pour la tante Simone, de toute façon, on ne bouffera plus ses tartes au citron.
Être immortel, c'est bien, on ne change plus, pas de rides, et surtout pas la dégradation physique et mentale que les grands-parents doivent affronter un jour ou l'autre. Un autre facteur de malaise dans la société, dans la vie, tient au fait de l'incertitude de l'existence : personne ne peut être sur de vivre jusqu'à 80 ans, il y a les maladies, les accidents et autres qui peuvent survenir à n'importe quel moment. La solution de devenir vampire quand on le veut, ou de pouvoir l'être dans un moment critique, se veut rassurante pour les gens : au moins, on ne souffrira pas plus longtemps, et on peut être sûr de vivre tout ce qu'il y a à vivre sur cette Terre, du cinéma bidon aux chanteuses excentriques. Sauf que le premier plaisir, celui du palais, de l'estomac, ne sera plus possible. Mais pour être beau/belle, on peut se priver de bouffer, ce n'est pas ce que font les anorexiques?!

Tout ceci n'explique que partiellement le succès de Twilight, il y a d'autres variables à prendre en compte, dont celle de Robert Pattinson, considéré comme le "plus beau mec de la Terre hihi" par les adolescentes qui n'ont jamais été des références en matière de goût. Ou même Taylor Lautner, qui a pris du muscle et du zizi, ce qui n'est pas pour déplaire à pas mal de jeunes donzelles.
Les niaiseries adolescentes ont toujours existé, que ce soit les yéyés des sixties, ou encore Premiers Baisers/Hélène et les Glaçons début des années nonante. Il semble donc que les adolescents aiment les bêtises, comme Justin Bieber, Hannah Montana, Twilight, qui représentent bien leur univers bourré d'hormones et d'illusions puériles. Sans doute un autre moyen de s'évader du monde qui est trop dur pour eux.

jeudi 9 septembre 2010

le chevalier du cinéma

Tout le monde (ou presque) a déjà lu sur internet les différents types de chevaliers en fonction du genre de musique (principalement, metal). Et s'il en existait aussi pour le cinéma?
(Pour les styles de musique et de metal, il suffit de chercher dans google avec les mots-clefs suivants : chevalier princesse dragon metal)

L'histoire est toujours simple : Un chevalier doit arriver au château, tuer le dragon, et, délivrer la princesse (voire l'épouser, ça dépend des cultes).

Le chevalier à la Tarantino : le chevalier arrive en Dodge Charger (modèle 1970 R/T Magnum 440), parle au dragon du fait qu'ils mangent de la mayonnaise avec leurs frites en Europe, tout en écoutant les Stealers Wheel et leur chanson « Stuck in the Middle with you ». C'est grâce à un superbe katana venant d'Okinawa, merci Hattori Hanzo, que le chevalier, dans sa combinaison jaune moutarde extermine le dragon. Alors qu'il arrive en haut du donjon, la princesse l'envoie se faire foutre, elle est hôtesse de l'air et s'appelle Jackie. Le chevalier, emmerdé par cette pouffiasse, l'insulte longuement, et finit par lui faire un scalp. Connasse.

Le chevalier à la Romero : le chevalier arrive, par un moyen quelconque au château, où il découvre que le dragon est entrain de se faire dévorer par une horde de zombies. Cédant à la panique, il se barricade dans le château, avant d'aller voir si la princesse se porte bien. Il trouve la princesse devenue zombie, arrive à la re-tuer (ben oui, elle est déjà morte une fois si elle est zombie), après s'être fait mordre. Le chevalier se transforme en zombie, seul dans le donjon.

Le chevalier à la Lynch : Le chevalier se pointe en tracteur-tondeuse au château. Après avoir sombré dans un souvenir à moitié schizophrénique (mettant en scène l'assassinat de sa femme, une dénommée Renée), un nain parlant bizarrement s'approche de lui et lui murmure qu'il a besoin de café et de tarte à la cerise. Dérouté par cette nouvelle, le chevalier s'avance timidement vers le dragon endormi, en regardant nerveusement de part et d'autre de la créature : des oreilles coupées fleurissent sur le sol. A l'instant même où il se sent prêt à tuer le dragon, une bande de Fremen débarquent et font le boulot à sa place. Heureux, le chevalier monte pour délivrer la princesse qui s'avère être une blonde ténébreuse accro à la coke, appelée Betty. Après un échange de paroles relativement bref, le chevalier et la princesse se mettent à baiser en écoutant Rammstein.
Ils se retrouvent de façon inexpliquée dans la Black Lodge avec Nicolas Cage.

Le chevalier à la Woody Allen : le chevalier, un intellectuel coincé, d'à peu près soixante-cinq ans, arrive en râlant devant le dragon. Embêté de perdre son temps dans une futilité pareille, il explique à la créature que le jazz, New-York, et le théâtre, ça vaut mieux qu'un combat épique. Finalement, le dragon s'éprend du chevalier et la princesse, heureuse, peut s'enfuir épouser un voleur de tableaux.

Le chevalier à la Star Wars : le chevalier arrive au château à bord du Millennium Falcon, avec son ami Chewbacca. Il sort son sabre laser pour tuer le dragon, quand, tout d'un coup, la princesse arrive avec son armée de rebelles. Ils finissent par tuer le dragon tous ensemble, et partent tous vers une galaxie très très très lointaine.

Le chevalier à la Indiana Jones : le chevalier arrive sur un moyen de locomotion emprunté à Sallah. Il décode très vite les mystères qui peuplent le château et peut ainsi réussir à comprendre que pour tuer le dragon, il faut l'arche d'alliance. Quand il revient avec la précieuse arche, il tombe sur les nazis qui lui en font voir de toutes les couleurs. Une fois qu'il s'est débarrassé des nazis, des soviétiques, et de ce foutu dragon, il peut enfin aller dans le donjon, où il tombe sur son père qui n'arrête pas de l'appeler Junior et de lui dire que la princesse – qui n'est autre que Marion Ravenwood - s'est enfuie, lassée de devoir l'attendre.

Le chevalier à la Batman (Burton) : le chevalier arrive dans sa batmobile, escalade les murs du château sans se faire voir par le dragon, et pénètre dans le donjon. Il perçoit une ombre proche du lit... Il s'agit de la princesse catwoman qui lui envoie la dérouillée de sa vie avant de l'embrasser langoureusement. Tous deux se débarrassent du dragon avant de recommencer leur relation amour-haine.

Le chevalier à la Batman (Nolan) : le chevalier arrive dans son char d'assaut, descend le dragon avec une arme développée par Lucius, et sauve la princesse qui se révèle être Rachel, son amie d'enfance dont il est éperdument amoureux, mais, elle, elle préfère Aaron Eckhart.

Le chevalier à la Frères Coen : Le chevalier arrive avec un bébé qu'il a kidnappé, histoire de le donner à bouffer au dragon. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'Anton Chigurh, le mal personnifié, le suit de près. Le chevalier, assiste impuissant et caché, au meurtre du dragon par Chigurh, à l'aide d'un pistolet à projectile captif. Malgré une envie pressante de jouer au bowling, le chevalier se retient et fonce pour délivrer la princesse. Celle-ci lui confie qu'Ulysse Everett McGill a déjà essayé de la sauver une fois, mais qu'elle préfère aller voir des conventions sur le divorce à Las Vegas. Lassé de cette emmerdeuse ressemblant à Catherine Zeta-Jones, le chevalier décide d'aller consulter quelques rabbins.

Le chevalier à la sauce « films d'actions » : le chevalier, en gros dur, est arrivé au château avec un bazooka, quelques AK-47 et une bonne dose d'humour. Après quelques pirouettes et l'utilisation de son arme la plus puissante, il défonce le cul de ce putain de dragon, démolit partiellement le château, et arrive enfin près de la princesse. Celle-ci est une bonnasse de type 175 centimètres, 55 kilogrammes, 85 C. Cédant à ses hormones, le chevalier l'attrape et la met sur son épaule pour la ramener chez ses parents, en espérant que sur le chemin, elle acceptera de lui faire une bonne petite pipe, et plus si elle n'a pas ses règles.

Le chevalier à la sauce « comédie romantique » : le chevalier, sur le point de se marier, est dépêché par le roi pour sauver sa fille du terrible dragon. Quelque peu embêté, le chevalier va néanmoins sur place, histoire de briller. Il tue le dragon par hasard, sans le faire exprès, et tombe amoureux de la princesse. La princesse et le chevalier passent une semaine merveilleuse avant de rentrer au royaume, où, après une dispute violente (le chevalier avait caché à la princesse qu'il avait déjà une gonzesse), ils se séparent. Le jour du mariage du chevalier, la princesse se pointe et balance au chevalier qu'elle n'est peut-être pas aussi bien que celle qu'il va épouser, mais qu'elle suce vraiment bien, promis juré, non pas craché, ce n'est pas son genre. Le chevalier se rend compte à ce moment-là qu'il doit épouser la princesse, largue sa future femme devant l'autel et épouse en grandes pompes la princesse.

Le chevalier à la sauce « films indépendants dramatiques » : le chevalier qui vient de perdre son emploi, sa femme, et sa dignité vient sauver la princesse qui est une lesbienne qui ne s'assume pas. Tous deux partent dans un voyage initiatique à travers le désert, qui va révéler qu'en fait, il en faut peu pour être heureux, je voudrais marcher comme vous, ouh ouh. Le dragon les rejoint également, lassé de son comportement de carnivore sadique.
Finalement, ils montent une société de pompes funèbres.

Le chevalier à la sauce « film d'auteur » : Plan sur la princesse de trente minutes : on peut la voir s'épiler, soupirer, écrire dans un cahier, aller pisser. Plan de dix minutes sur le visage du chevalier lorsqu'il arrive au château. Plan de vingt minutes sur le chevalier qui doit se décider à tuer le dragon. Plan de trente minutes sur la princesse qui guette, du haut du donjon, le chevalier. Puis, plus rien, plus d'argent, plus de plan, et pas de pierres, pas de palais.

lundi 6 septembre 2010

Shortcuts 1

J'inaugure la catégorie "shortcuts" des mini reviews qui vont droit au but, et qui mettent des cotes sur 5, soyons fous, Simone.


Nine ( 3/5) :


Guido Contini, célèbre réalisateur italien, n'arrive pas à écrire son nouveau film, appelé sobrement Italia, tant attendu par la presse et par le peuple. Son inspiration est bloquée par l'apparition fantasmagorique de sa défunte mère, sa relation conflictuelle avec son épouse Luisa, les sens en effervescence de sa maîtresse, et les souvenirs, les fantasmes qu'il traîne derrière lui, inlassablement. Guido ne vit plus que dans des fantasmes, que chacune des femmes campe.

Rob Marshall, il y a quelques années d'ici, avait enchanté la terre entière avec la comédie musicale Chicago. En 2008, il avoue préparer Nine, l'adaptation en comédie musicale de Huit et Demi de Fellini. Il dit d'ailleurs que son film sera un hommage au cinéma italien.
Promesse tenue : Nine est un hommage à proprement parler, c'est un film sur le cinéma italien, avec une légère touche américaine décelable. Daniel Day-Lewis est Guido Contini, ne fait plus qu'un avec le personnage, et embarque le spectateur dans une épopée émotionnelle, une fable psychologique sur un réalisateur qui en veut toujours plus. Le seul bémol? Les chansons. Alors que les chansons dans Chicago se retenaient facilement, collaient parfaitement, les chansons de Nine laissent un arrière-goût amer : on arrive pas à rentrer dedans, à l'exception de la chanson "Be Italian". Les actrices sont parfaites, Nicole Kidman taquine, Penélope Cruz est le sexe même, Marion Cotillard joue la lassitude, et Judi Dench brille de sagesse.
Il y avait de l'idée, une bonne réalisation, mais le problème réside vraiment dans les chansons.



Kick-Ass (4/5) :



Dave Lizewsk est une sorte de paumé qui, suite à une inspiration presque divine (grâce aux geeks qu'il fréquente on pourrait dire), prend la décision de devenir un super héros, même s'il n'a aucun pouvoir. Il devient Kick-Ass, qui, par chance, réussit à gagner un combat dans la rue, ce qui le propulse comme super héros star de New-York city, même mieux que Carrie Bradshaw et ses copines réunies. Tout se corse pour Dave quand à cause d'un gros quiproquo burlesque, un gros pseudo-mafioso se retrouve à ses trousses. C'est sans compter sur l'aide de Big Daddy, un ancien flic et Hit Girl, une gamine de onze ans qui pourrait casser la gueule à Mike Tyson en claquant des doigts pour ainsi dire.

Si vous vous attendez à un film de vrais supers héros, passez votre chemin, il ne s'agit que de gens "réels" qui veulent juste filer quelques coups de pied au cul des méchants trous de culs qui peuplent NY. Le film est très second degré, et dès lors, il faut prévenir les uns et les autres qu'il s'adresse à un public averti et perméable à l'absurde, et aux références "comics".
Plus du film : Mark Strong joue encore un gros dégueulasse méchant, on va finir par croire qu'il l'est dans la vie réelle tant il est convaincant.

heavenly creatures peter jackson


Si Peter Jackson a un jour décidé de s'atteler à l'écriture et la réalisation d' un film sur Juliet Hulme et Pauline Parker, c'est uniquement parce que son épouse, Fran Walsh, lui avait suggéré de faire un film sur le fait divers qui avait rendu ces deux noms « célèbres » en Nouvelle-Zélande. En 1954, Juliet Hulme et Pauline Parker, deux adolescentes de seize ans, sont coupables d'un meurtre horrible. L'affaire ébranle la Nouvelle-Zélande : comment deux adolescentes ont pu commettre un tel acte irréparable et, surtout, cruel?
Pour reconstituer cette histoire macabre, Jackson et Walsh s'inspirent principalement du journal de Pauline Parker, qui relate les pensées intimes de la jeune fille et l'odyssée de son amitié avec Juliet Hulme. En plus de cette source importante d'informations, le duo de scénaristes interviewe des anciens camarades de classe des deux jeunes filles, des policiers, des voisins, toute personne susceptible de détenir un élément explicatif de l'affaire.

Lors du tournage, Jackson filme – bien entendu – en Nouvelle-Zélande, mais surtout, aux véritables lieux de la tragédie : la scène du meurtre a été tournée à l'endroit même où, presque quarante ans plus tôt, Juliet et Pauline ont accompli quelque chose d'irrémédiable.

Pauline Paker (Melanie Lynskey), une jeune fille effacée, fait la connaissance de Juliet Hulme (Kate Winslet), une anglaise fantasque, venue s'installer avec ses parents en Nouvelle-Zélande quelques mois plus tôt. Les deux adolescentes, attirées l'une par l'autre, tissent un lien extrêmement puissant et maintenu par leurs imaginations fertiles qui brodent en permanence un univers fantasmagorique où les deux jeunes filles s'évadent progressivement et de façon irréversible, de la réalité.
Ce qui est au début innocent devient de plus en plus fou, pour devenir malsain et morbide.


Juliet Hulme et Pauline Parker proviennent de deux environnements distincts : l'une est née dans une famille aisée, où la distance parent-enfant est de mise, alors que l'autre souffre d'une impression d'étouffement dans son entourage, constitué de ses parents et de personnes qui cohabitent avec sa famille. Leur rencontre, sur les bancs de l'école, prend son essor lorsqu'elles comprennent qu'elles partagent les mêmes envies, les mêmes peurs, les mêmes délires. Juliet est douée pour l'écriture (d'ailleurs, elle est connue aujourd'hui sous le nom d'Anne Perry et a déjà été publiée à maintes reprises), pour le modelage de figures en pâte à modeler, et Pauline, elle, brille par son imagination débordante.
Le problème des deux jeunes filles est assez simple : elles se détachent de la réalité, refusent de vivre hors de leur fantasmes.


La psychose est définie dans un premier temps, par E. Feuchterleben comme « l'ensemble des troubles mentaux graves qui affectent le sens de la réalité et dont le caractère morbide n'est pas reconnu par le malade ». Peu après les développements de la psychanalyse, on définit la psychose par opposition à la névrose, comme « mode d'organisation de l'activité mentale caractérisé par un déni de la réalité, un repli narcissique de la libido (...), des mécanismes spécifiques de défense contre les conflits intrapsychiques qui en dépendent (projection, clivage)... ».
La projection, est un mécanisme de défense psychologique, mis inconsciemment en action par une personne, comme suit : la personne projette ses sentiments, des choses qu'elle considère comme inconcevable sur quelqu'un d'autre.
Le clivage, est une séparation en deux de la personnalité du psychotique : il y a une partie qui considère la réalité, et l'autre qui l'ignore (puisque sujette aux délires hallucinatoires) ; ces deux parties ne « communiquent » pas entre elles, ce qui signifie que les deux personnalités du sujet peuvent s'exprimer dans une conversation, en abordant un thème quelconque.

Dans le cas de Juliet Hulme et de Pauline Parker, il est certain qu'il s'agit d'une psychose. Leur détachement de la réalité, est tel qu'elles en oublient les conventions, les normes sociales, les obligations. Le principe de plaisir triomphe, écrasant le principe de réalité dans le psychisme de ces demoiselles.
La projection est présente, et souvent, sur les parents. Mais également sur le monde de Borovnia, que les jeunes filles imaginent avec tellement de foi qu'il devient pour ainsi dire la seule réalité qu'elles connaissent. Le clivage est un mécanisme que Juliet apprivoise notamment par son père (qui n'assume pas la relation bizarroïde de sa fille avec Pauline).

Heavenly Creatures aborde également d'autres sujets, comme l'homosexualité ; le père de Juliet est persuadé, en les observant, que Pauline est homosexuelle et amoureuse de sa fille. Les parents de Pauline vont même consulter un médecin qui leur dit que leur fille est homosexuelle. A l'époque, l'homosexualité était reconnue comme une maladie en Nouvelle-Zélande. Certains gestes que les filles ont entre elles sonnent comme des manifestations d'une homosexualité latente (prendre des bains ensemble, etc), mais malgré cela, Pauline a des relations sexuelles avec un homme (bien qu'elle passe le temps du coït à fantasmer sur Borovnia et Juliet). Il y a plus de moments de complicité, et de relation platonique que de passage à l'acte à proprement parler. Jackson et Walsh n'ont que faiblement évoqué ce sujet, sans doute à cause de la portée qu'il pourrait avoir (le film est sorti en 1994, et même si l'homosexualité n'était plus considérée comme une maladie à ce moment-là, il fallait toujours prendre avec des pincettes un sujet pareil).

C'est dans ce film que Kate Winslet épouse son premier vrai rôle, comme Melanie Lynskey. Les deux jeunes femmes brillent dans leurs interprétations : Kate Winslet agit avec folie, représente le pôle extraverti du duo tandis que Melanie Lynskey est le calme, l'introversion. Les deux actrices vont bien ensemble, leur couple est relativement plausible. La première scène du film représente bien ce qui va se dérouler sous les yeux des spectateurs : Juliet court, en tête, et Pauline la suit, dans les bois. Toutes deux sont couvertes de sang, et semblent déboussolées, leurs esprits sont en désordre total. Elles hurlent, soit par nervosité, soit parce que le clivage fonctionne et qu'elles se rendent compte de ce qui vient de se passer. C'est le chaos le plus total.
Juliet est toujours en tête, c'est elle qui mène Pauline, parfois consciemment, parfois inconsciemment. Pauline boit les paroles, les actes de Juliet avec la ferveur d'une croyante. Pauline est sans doute amoureuse de Juliet. Mais Juliet, elle n'est amoureuse que d'elle-même, que de sa fausse réalité, même si elle tient énormément à Pauline. Kate Winslet interprète magnifiquement ce contraste d'amour/attachement, se rendant fondamentalement nécessaire à Melanie Lynskey.


En une heure quarante, Jackson plonge le spectateur dans une histoire sordide, en se basant principalement sur l'établissement, et le développement de l'amitié entre les deux adolescentes jusqu'à la catastrophe finale. La relation entre les deux jeunes femmes glace d'effroi même les plus téméraires : il est étonnant de voir jusqu'où leur maladie mentale peut aller, repoussant les limites du malsain. Heavenly Creatures a eu son petit succès au box-office, et dans les critiques : que ce soit aux Academy Awards, ou au festival du film de Venise, tout le monde a vu le potentiel du film de Peter Jackson, qui s'appuie sur une réalisation certes banale, mais menée avec brio. Le studio Weta (qui était tout frais à l'époque), s'est même chargé des effets spéciaux du film, qui, apparaissent dans le monde imaginaire des jeunes filles.

Le film de Peter Jackson ne se regarde pas facilement. Le sujet peut sembler inoffensif au premier abord, mais il n'est pas si simple que ça : la psychose devient de plus forte, et les distorsions cognitives des deux adolescentes ne peuvent laisser de marbre, surtout que ces distorsions mènent au meurtre. C'est un film difficile, au sens propre comme au figuré, un film qui se regarde avec des questionnements, qui ne peut se savourer qu'une fois vu en entier, par la réflexion qu'il procure.

Anecdote : un épisode des Simpsons rend hommage au film : Lisa the Drama Queen, l'épisode neuf de la saison vingt.



samedi 7 août 2010

king kong



La légende veut que quelque part, en Nouvelle-Zélande, le petit Peter Jackson, âgé de neuf ans a vu un jour King Kong – la version de 1933 – et que cette vision a bouleversé la vie de cet enfant, lui faisant prendre conscience que son avenir était dans la réalisation de films. Avec les moyens de bord – c'est-à-dire ses jouets et une caméra familiale – il réalise même sa propre version de la scène où le gigantesque gorille est sur l'Empire State Building, à New-York.
La carrière de Peter Jackson prend son essor, quelques années plus tard, d'abord dans un registre horrifique (style très apprécié par le réalisateur) avec une touche de fantastique. Il se plonge dans des films très oniriques (Créatures Célestes), avec un goût toujours très prononcé pour le macabre.
Néanmoins, l'apogée de son succès est atteint en 2001, lors de la sortie du premier volet de sa trilogie de Lord of the Rings, l'adaptation des romans de Tolkien, une saga d'heroic fantasy.
En 2003, fort du succès de Return of the King, Jackson a enfin l'opportunité de réaliser sa version de King Kong, fidèle à celle de 1933, avec juste comme différence des techniques évoluées pour rendre plus réaliste le film. Autre dissimilitude : le film de 1933 ne fait qu'une heure trente, alors que la version de Jackson dure trois heures.
C'est dans un projet colossal que se lance à corps perdu Jackson, avec ses acolytes Frances Walsh et Philippa Boyens pour l'écriture du scénario, mais également pour les décors (tout a été tourné en Nouvelle-Zélande, comme pour Lord of the Rings), les personnes présentes sur le plateau (pas loin de deux mille figurants), le tournage en lui-même (plus de quatre mois de tournage).

En 2005, après plus de deux ans de production, tournage, et post-production, le gorille géant envahit les écrans. Les critiques sont plutôt unanimes : il s'agit d'un "bon film", même s'il est moins bien coté que The Return of the King, le Jackson précédent, la conclusion de la trilogie de Lord of the Rings.
King Kong est donc le remake très fidèle de King Kong de 1933 : Jackson a respecté le déroulement de l'intrigue, la lenteur caractéristique des vieux films. King Kong a donc toutes les attributs d'un vieux film (lenteur, actrice principale qui ressemble à une sorte de poupée, sentiments timorés entre protagonistes) sauf qu'il est tourné avec les moyens actuels, et que forcément, il est extrêmement visuel, très beau (antithèse parfaite de l'ancienne version qui est très kitsch à cause de toutes les invraisemblances, comme par exemple, la taille changeante de King Kong).
La reconstitution du New-York des années trente est magnifique, la direction artistique du film a fait un gros boulot qu'on ne peut qu'acclamer. Concernant Skull Island, tout a été tourné en Nouvelle-Zélande, constitué sur place, comme Jackson l'avait fait pour la trilogie de Lord of the Rings.
King Kong bénéficie également d'un excellent casting, mené avec beaucoup de sensibilité par la charmante Naomi Watts, une poupée de cire poignante. Jack Black s'illustre particulièrement, son rôle étant aussi insensible et égocentrique qu'il est possible d'imaginer, tandis qu'Adrien Brody endosse la veste du sauveur de service, du type bien (ce qui contraste parfaitement avec le rôle de Jack Black).
Apparitions remarquées de Jamie Bell (Billy Elliot), Colin Hanks, Thomas Kretschmann.
Andy Serkis tient le rôle d'un matelot en même temps qu'il fait King Kong (selon les mêmes procédés que ceux de Lord of the Rings, quand il interprétait Gollum).



Ann Darrow (Naomi Watts), jeune comédienne, se voit évincée avec sa troupe de la salle où ils donnaient leur spectacle, sans même avoir été payés. Sans le sou, affamée, Ann erre dans New-York et se fait sauver la mise par Carl Denham (Jack Black) un gentilhomme en apparence, qui se révèle être un réalisateur de films cherchant une jeune première pour tourner un long-métrage se passant sur la mer, sur un bateau.
Ann accepte de participer au projet, sans savoir que plus tôt dans la journée, Carl s'est fait destituer du projet par les producteurs et que c'est clandestinement qu'il veut entreprendre la poursuite du tournage – avec une nouvelle actrice, c'est-à-dire Ann.
Le soir même de sa rencontre avec Denham, Ann embarque donc sur le SS Venture, avec un équipage composé de personnes qui alimentent les cirques comme en témoignent les nombreuses bouteilles de formol, et, pour la touche artistique, avec Jack Driscoll (Adrien Brody), un écrivain que la jeune femme admire.
Au fur et à mesure du tournage, une idylle naissante se tresse entre Driscoll, le scénariste, et Darrow, l'actrice principale, alors que l'équipage découvre la véritable destination du bateau : l'île du Crâne (skull Island), une île réputée mortelle...
Lorsque le bateau arrive près de l'île, les évènements s'enchaînent rapidement : Ann est kidnappée et donnée en sacrifice par les habitants de l'île à King Kong, un gorille géant.



L'histoire de King Kong est connue et re-connue : une jeune femme est donnée par une poignée d'autochtones bizarres à un singe géant, quelque part, sur une île près de Sumatra. La jeune femme est d''abord terrifiée, mais une histoire d'amour ou d'amitié – selon les personnes – se dessine entre les deux individus sur l'île. Les compagnons de la jeune femme veulent la retrouver, se frottent (et se piquent) à la faune de l'île, qui ne leur laisse pratiquement aucune chance. Une poignée d'élus arrivent à "sauver" la jeune femme et à capturer le monstrueux gorille qui semble être une pompe à fric sur pattes.
Deuxième acte, tout le monde est à New-York, pour la grande première où le singe sera présenté à une bande de friqués heureux. Tout dégénère bien sûr, le singe fout la pagaille dans New-York, retrouve sa belle, et meurt sur l'Empire State Building.
La conclusion est la suivante : La belle a tué la bête.
Même si le refrain de King Kong est aussi connu que Baby One More Time de Britney Spears, il n'en reste pas moins que le long-métrage vaut vraiment le détour, de par son aspect esthétique travaillé à la perfection, ses personnages complexes et émouvants, et son rythme, certes un peu lent comme à l'ancienne, mais doté d'un charme non-négligeable. Le passage plutôt long de Skull Island (avant, pendant, après le kidnapping d'Ann) se regarde avec curiosité, même si certains moments nécessitent un scotchage à son siège : entre des espèces de T-Rex voraces, insectes géants et autres monstruosités, le voyage sera effrayant. Skull Island est une sorte de monde perdu (comme le livre d'Arthur Conan Doyle), un endroit où le chaos règne. Malgré son caractère civilisé, New-York est un monde perdu où les seules valeurs dominantes semblent être l'argent, la recherche du succès, et l'indifférence face à la souffrance des autres.

Avant d'être un film d'action, d'aventures, King Kong est avant tout est un film bourré d'émotions, de sentiments en tous genres: une vraie mine d'or pour la psychologie des personnages.
Ann Darrow, le premier rôle féminin, est la sensibilité même, la douceur, la tolérance, tandis que Carl Denham semble dépourvu d'une once d'humanité, le réalisateur représentant l'égocentrisme, l'opportunisme. Les bonnes valeurs sont répandues dans les autres personnages, à l'exception de Bruce Baxter qui cache, lui aussi, une part d'inhumain, comme Denham.
Et bien sûr, qu'est-ce qu'il y a de plus humain que King Kong, la bête qui s'éprend de la belle, qui la sauve, qui veut tout faire pour vivre son histoire d'amour improbable et impossible avec elle?