mercredi 27 avril 2011

Source Code


Source Code est un des films à suivre de ce premier semestre de l'année 2011. Sous ses airs de méga thriller blockbuster voulant ressembler à Inception ou à d'autres du genre, il déroute, parce que justement, il n'est rien de tout cela. Derrière les « scènes d'actions » - un peu « cheap » -, il cache des messages fort intéressants sur l'humanité, sur ce que nous sommes, vers où nous allons, la place des illusions dans notre vie, et la manière dont nous abordons le caractère absurde de l'existence.
A la tête de Source Code, il y a un réalisateur extraordinaire, un nom pas encore connu du grand public : Duncan Jones (le fils de David Bowie dans la vie de tous les jours). S'il est peu connu, c'est parce que son premier long-métrage, Moon, est resté anonyme en territoire français/belge, sauf pour la sortie DVD. Et pourtant, les anglais et les américains ont pu profiter d'un Sam Rockwell très en forme (du point de vue du jeu d'acteur) et d'une histoire hallucinante. Pour Source Code, la formule est à peu près la même : un acteur principal – Jake Gyllenhaal - qui porte le film sur ses épaules (même s'il est épaulé par une émouvante Vera Farmiga et une charmante Michelle Monaghan) et qui évolue dans un univers absurde, désarticulé, cyclique. Parfait pour faire sombrer le spectateur dans une spirale métaphysique.

L'histoire de Source Code peut se résumer très vite, pour éviter de gâcher le plaisir de ceux qui le verront plus tard : un soldat américain, Colter Stevens, est chargé d'une mission périlleuse : découvrir qui est derrière l'explosion d'un train à Chicago, en revivant, à plusieurs reprises, les huit minutes avant la catastrophe jusqu'à ce qu'un coupable soit trouvé pour éviter qu'il récidive plus tard en faisant exploser Chicago.
Ce court résumé sous-entend qu'il s'agit d'un thriller haletant qui emmènera Jake Gyllenhaal au bout de la peur. En réalité, l'action n'a pas une grande place dans Source Code. Il règne un suspens en permanence puisque la grande question du spectateur demeure « Est-ce que Colter Stevens réussira-t-il à trouver le terroriste? », mais au travers du parcours du combattant, il y a aussi des rencontres, des pistes de réflexion : pourquoi Colter Stevens ne se souvient-il pas de son enrôlement dans cette mission? Pourquoi ne le laisse-t-on pas parler à son père? Quelle place laisser à l'homme dans un système qui semble prendre contrôle de tout, et surtout de l'homme?

Source Code est également un film sur l'absurde. Colter Stevens, en se retrouvant à chaque fois dans les huit minutes cruciales précédant l'explosion, est amené à revivre les mêmes scènes éternellement, en boucle, comme dans un disque griffé ; le compostage de son ticket, la discussion de sa voisine, l'arrêt du train avec les mêmes individus qui rentrent, qui sortent. Un cycle sans fin de questions, de gestes répétitifs/répétés qui mènent à l'absurde. Et ces huit minutes sont courtes. Chronométrées. Il faut trouver des solutions de plus en plus tactiques et folles pour approcher de la réalité qui permettra à Colter Stevens d'appeler son père, sa seule raison de persévérer dans son enquête.
La place que l'homme occupe dans l'organisation qui utilise Colter Stevens est même dérisoire : on appâte l'homme avec des promesses pour mieux pouvoir exploiter ce qu'on a besoin chez lui. Ce dont l'organisation a besoin chez Colter Stevens? Vous le saurez en voyant le film. La seule chose qu'on peut révéler ici, c'est le fait que la conclusion sur Colter Stevens est navrante, triste. L'homme n'est plus qu'un moyen d'obtenir quelque chose, il n'est plus que considéré comme un objet, sans attache. C'est d'ailleurs aussi la conclusion du précédent film de Jones, Moon.

Duncan Jones a fait très fort avec Moon, en 2009. Il a montré qu'il avait des idées, une patte certaine. Avec Source Code, on passe à un niveau supérieur : sa réalisation parfaite pour le genre sci-fi/thriller donne une claque au spectateur : le film a beaucoup de rythme (alors que Moon était plus posé), ou en tout cas, juste assez pour ne pas essouffler ou endormir, une base scénaristique du tonnerre, et Jake Gyllenhaal comme on voudrait plus souvent le voir, surtout après le médiocre Prince of Persia.

Si Source Code traite de la façon dont nous intégrons les illusions dans notre quotidien, ou jouons sur elles, avec elles, on ne peut pas dire que le film en est une : entre peur, scepticisme, pessimisme, déshumanisation, catastrophe terroriste et place de l'humain dans un monde high-tech, Duncan Jones prouve à nouveau qu'il est un réalisateur à suivre.