samedi 28 mai 2011

tree of life de terrence malick



Dans les cinéastes de génie, on compte le très rare et discret Terrence Malick. Génie non pas parce que son film a gagné la Palme d'Or tant convoitée annuellement, mais parce que le réalisateur est capable de créer un univers visuel entraînant, envoûtant dont il est difficile de sortir sans être émerveillé ou mélancolique. Les histoires que la caméra de Malick content ont un goût universel, parlent de la condition (naturelle) de l'homme, vers où ses actes le mènent et le déroutent, et enfin, sur la Nature, celle avec un grand n.
Tree of Life est l'aboutissement de trente ans de recherches, d'idées, de travail, d'une succession d'acteurs et cela se constate par la profondeur de son histoire.

De quoi parle Tree of Life? De multiples choses, comme de l'enfance, la perte d'innocence, les conflits avec le père qui sont une empreinte du complexe d'Oedipe, l'ombre de la mort, l'appréhension de la maladie, la difficulté d'être, d'évoluer.
Nous suivons Jack, nourrisson, enfant, adulte, en pleine tourmente, dans le doute, la peur, la colère, la découverte, mais également ses parents, le rapport qu'il entretient avec eux, l'intériorisation des phénomènes qu'il observe et qui le troublent, et enfin, ses liens avec ses frères.
Comme la presse l'a déjà dit, une scène plus ou moins longue du film a un air de famille avec 2001 : A Space Odyssey de Kubrick, puisqu'elle présente l'évolution de l'univers, du big-bang jusqu'aux dinosaures. Cette scène intervient logiquement dans le film, puisqu'elle suit la question de « d'où viens-tu? » que la voix-off pose à ce qu'on peut supposer être Dieu, ou la Nature, l'Univers, qui peuvent également être élevés au stade de divinité et de source de la vie.

Tout au long du film, la voix-off s'adresse à un Tu, un You, dont on ne sait pas grand-chose même si on présage assez facilement son caractère céleste, universel. Les religieux répondront qu'il s'agit de Dieu, le Dieu bienveillant qui a fait la nature et l'homme à son image*. Les athées, agnostiques, ou autres, eux, verront la divinité dans la Nature, dans l'Univers, qui nous a donné naissance.
Cette dernière interprétation est encore plus alléchante de part le fait que Malick a appelé son film « Tree of Life » (l'Arbre de (la) Vie en français), qui peut s'expliquer comme un clin d'oeil au fait que la vie provient des arbres, de la terre et non pas (directement) du ciel.
Néanmoins, Malick n'a pas envie de prendre position sur la question de l'existence du divin : il filme comme à son habitude la Nature avec grâce, réalisme, poésie, et suggère par ses plans que l'eau est aussi porteuse de divinité et d'universel que le ciel.
L'eau est d'ailleurs un symbole très important dans cette oeuvre puisqu'elle annonce la naissance (nous quittons l'eau pour naître), la mort (nous pouvons mourir dans l'eau), la purification (autre allégorie biblique : se laver les pieds), l'au-delà (vers lequel nous tendons).

Tree of Life est un film de Terrence Malick dans les règles de l'art : plans magnifiques qui confèrent une saveur particulière à l'histoire, personnages ni blancs ni noirs dans leur psychologie, scènes jamais prévisibles puisque Malick surprend fréquemment par ses choix de mise en scène et de scénario, et explosion de la beauté de la Nature. Un film de Malick c'est une déclaration d'amour à chaque arbre, chaque ruisseau, chaque goutte de pluie, chaque instant de vérité, de transcendance. Dans Tree of Life, la splendeur de la Vie gifle les rétines, subjugue et emprisonne dans l'émerveillement – ou parfois la tristesse- ceux qui regardent. Jessica Chastain, qui interprète la mère de Jack, est particulièrement mise en valeur : son sourire, son corps, sa présence étincelle, brille, est en parfaite osmose avec la beauté du Monde. Elle représente la mère Nature, celle qui attend, qui console, qui réconforte, qui adoucit les coeurs. Ce personnage est d'autant plus important qu'il contraste avec celui de Brad Pitt.

Dans une interview, Brad Pitt déclarait que Tree of Life est construit comme une succession de « moments captés », que Terrence Malick cherche, lorsqu'il est en tournage, à « saisir des instants ». Cette démarche singulière -puisque très spontanée- se ressent dans les scènes de Jack nourrisson et enfant en bas âge : à aucun instant, on a l'impression de regarder un film, c'est comme si on était devant la scène en vrai, sans les écrans, les caméras. Ces scènes, par exemple, sont des moments criants de vérité, de transcendance, au-delà du jeu et la comédie : ce sont des séquences de vie, de vraie vie. Terrence Malick s'amuse pendant deux heures à nous perdre, à nous provoquer intérieurement : est-ce du cinéma ou est-ce vrai? Qu'est-ce que le cinéma? Qu'est-ce que la vérité?
L'autre exploit de Malick, c'est de faire ressentir. Chaque goutte de sang. Chaque larme. Chaque éclat qui se propage intérieurement. Un film de Terrence Malick, ça se vit, ça se ressent.
Le jeu des acteurs est parfait, réaliste. On y croit complètement. Brad Pitt est un père de famille décevant, un homme instable, incapable de « montrer l'exemple » puisqu'il fait tout ce qu'il interdit à ses fils. Jessica Chastain est le vent caressant, la pluie douce et mélancolique, l'odeur d'une fleur, la douceur printanière, la grâce incarnée. Elle est la Mère du monde, celle qui le tient tendrement dans ses bras. Sean Penn joue furtivement (parce qu'on ne le voit presque pas, la plupart de ses scènes ont été coupées au montage) avec toute la gravité dont il peut faire preuve : son personnage erre dans l'absurdité du monde, des grandes villes, à la recherche de lui-même, du monde, de la compréhension d'une tragédie familiale. Les enfants sont émouvants, entre rires, insouciance, indignation vis-à-vis de leur père et amour fou envers leur mère. Hunter Mc Cracken est spectaculaire dans son rôle de Jack, enfant.

Les films de Terrence Malick ne sont pas pour tout le monde. Les spectateurs « lambda » diront que c'est un cinéma ennuyant, long, lent, chiant, et les initiés ou amoureux de Malick répondront qu'ils trouvent ce qu'ils viennent chercher dans un film du réalisateur : la beauté de ce qui nous entoure, l'introspection, la poésie, la magie d'un cinéaste unique.
Tree of Life est une perle, une réflexion sur la vie, la famille, le sens de la vie. En un peu plus de deux heures, nous sommes transportés dans un autre univers, terriblement réaliste et fantasmé à la fois, où l'apparent silence est lourd, bruyant. Certainement un des films incontournables de l'année à voir sur grand écran pour pleinement profiter de la magnificence du cinéma de Terrence Malick.







*Notons ici que dans sa séquence sur l'évolution, Malick s'arrête aux dinosaures, il ne présente pas l'évolution de l'homme : est-ce un choix artistique ou politique, dans le simple but d'éviter les débats sur la théorie de l'évolution?

lundi 16 mai 2011

Shining de Stanley Kubrick


« Come and play with us Danny... Forever and ever and ever. »

En 1980, le monde tremble devant Shining, le onzième long-métrage de Stanley Kubrick, adapté du roman de Stephen King. On crie au génie : l'excellent Kubrick prouve encore une fois son talent incontesté pour mettre en scène des histoires et jongler avec les genres cinématographiques, puisqu'ici, il s'est essayé au film d'horreur/fantastique.

Derrière Shining, il y a un roman du maître de l'horreur, Stephen King : une histoire de fantômes, d'un hôtel maléfique, mais également d'une famille. Séduit par le livre, Kubrick s'enferme avec Diane Johnson pour pondre un scénario gothico-dément, en gommant certains détails de l'histoire originale.
D'emblée, Kubrick sait qu'il veut absolument Jack Nicholson – qui vient de remporter l'oscar du meilleur acteur pour One Flew Over the Cuckoo's Nest- , le meilleur acteur hollywoodien de l'époque, dans le rôle de Jack Torrance, un père de famille qui devient psychotique alors qu'il séjourne avec sa femme et son fils dans un hôtel, l'Overlook, qu'ils sont censés garder pour la période hivernale. Une fois son casting bouclé avec Shelley Duvall et Danny Lloyd, Kubrick commence le tournage de son film culte, à divers endroits du globe, et ce, pour un peu moins d'un an.
La réputation de « perfectionniste chaotique emmerdeur » du réalisateur naît au cours de ce tournage éprouvant pour les acteurs qui répètent des dizaines et des dizaines de fois certaines scènes, jusqu'à l'overdose. Mais la cerise du gâteau est pour Shelley Duvall, traumatisée par Kubrick, qui, à chaque scène qu'elle tourne, se fait littéralement harceler. Dans plusieurs interviews, l'actrice ira jusqu'à déclarer que si on lui proposait de refaire Shining avec Kubrick, elle refuserait catégoriquement.
Malgré ces quelques couacs, le film est encore, même aujourd'hui, considéré comme un classique du cinéma horrifique.

Stanley Kubrick était un des meilleurs réalisateurs de tous les temps : il suffit de s'éloigner un peu de son oeuvre, et d'y revenir après moultes compositions modernes pour s'apercevoir de la virtuosité de sa filmographie. Shining, un de ses derniers films (en 1987, Full Metal Jacket, et le dernier en 1999, Eyes Wide Shut) est un des meilleurs du réalisateur, si pas un des meilleurs films de tous les temps (carrément, c'est à se demander si l'auteure de cet article n'est pas une fan de Kubrick), et, ce, voici pourquoi, exposé en trois points.

1)La réalisation

Un film de Stanley Kubrick est, de façon générale, une claque visuelle. Perfectionniste, maniaque, le réalisateur adorait travailler un plan au millimètre près. Le résultat se constate sur la pellicule : les cadrages sont méthodiques, parfaits. Avant d'être scénariste et réalisateur, Kubrick était photographe : sa passion de la photographie se ressent dans ses films, de par l'exploitation fignoleuse des images, des plans. Ceci explique cela. Une chose est certaine : les plans de Stanley Kubrick sont pareils à des photos animées : le réalisateur avait un sens de la composition que peu de réalisateurs aujourd'hui ont encore – à l'exception de Terrence Malick, Martin Scorsese, James Gray et David Lynch sans doute.
En réalisant Shining, Kubrick a donné au monde entier une petite leçon de cinéma en présentant des alternatives de plans classiques (par exemple quand Nicholson est enfermé dans le frigo et qu'il demande à sa femme de le laisser sortir), et a surpris par son habilité à raconter une histoire terrifiante, un genre auquel il ne s'était jamais auparavant essayé puisque son genre de prédilection était plutôt le drame cynique de façon générale* (Clockwork Orange, Lolita, Barry Lyndon) si l'on excepte des ovnis comme 2001: A Space Odyssey et Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb.

Shining fut aussi une démonstration des capacités de la steadicam : la steadicam peut suivre de façon très fluide les comédiens, avec des mouvements harmonieux même si le caméraman marche vite. Les nombreux plans de Danny à toute vitesse dans l'hôtel, du labyrinthe dans la scène finale furent tournés avec la fameuse steadicam qui a permis de faire rentrer (un peu plus) le spectateur dans cette histoire horrifique.

Par conséquent, si encore aujourd'hui on adule Kubrick, c'est pour de bonnes raisons : ses choix – diaboliques – en termes de réalisation ont immiscé des émotions proches de la frayeur, de la panique chez les spectateurs : Shining est une oeuvre d'art, une orchestration admirable de plans qui infèrent un climat de terreur.


2)La direction d'acteurs

Shining, c'est aussi le « Jack Nicholson's show » ; une démonstration de l'étendue dramatique de l'acteur au sourire le plus machiavélique d'Hollywood. Avant Shining, la réputation de Nicholson n'était plus à faire : il était considéré comme le meilleur acteur hollywoodien, le prince des comédiens. Avec Shining, il endosse le rôle d'un père de famille ancien adepte de la bouteille qui perd les pédales après avoir commencé à garder l'hôtel Overlook. Si son interprétation est magistrale, elle est également très théâtrale. Stanley Kubrick voulait s'éloigner de la vision de Stephen King - qui trouvait beaucoup d'excuses et nuançait très fort le rôle du père-, pour faire de Jack Torrance un type fou, irresponsable et déjà psychotique à la base. De quoi donner à Nicholson un terrain de jeu, d'expérimentations. En définitive, Nicholson s'est beaucoup amusé, et a même gardé contact avec Kubrick, avec qui il parlait de projets. Ce qui n'est certes pas le cas de Shelley Duvall.

Dans le documentaire « Stanley Kubrick: A Life in Pictures », Shelley Duvall confiait avoir appris beaucoup de choses en tournant avec Kubrick, n'avoir aucun regret, mais que si on lui donnait l'opportunité de recommencer Shining dans les mêmes conditions, elle ne dirait plus oui. Stanley Kubrick a poussé à bout Shelley Duvall, l'a pressée comme un citron pendant le tournage. Etait-ce une ruse adroite du réalisateur pour faire de son actrice ce qu'il voulait faire de son personnage féminin, et ainsi, la pousser au bout, au maximum de son jeu d'actrice?
Rien n'est sûr. Quoi qu'il en soit, la prestation électrisante de Shelley Duvall en femme épuisée, apeurée, à bout de souffle, ne laisse pas indifférent.
Toujours dans « Stanley Kubrick: A Life in Pictures », elle commentait sa prestation comme difficile parce que lors du tournage, elle devait souvent courir en portant Danny Lloyd dans ses bras.

Si Kubrick a traumatisé Shelley Duvall, il a évité que tout tort soit fait au jeune Danny Lloyd ; l'enfant a passé presque un an à tourner sans savoir qu'il jouait dans un film d'horreur.
Malgré son ignorance du fond de la trame à laquelle il participait, Danny Lloyd a livré une prestation ahurissante, et aujourd'hui encore, culte.

3)L'ambiance : « All work and no play makes Jack a dull boy »

Un très bon aperçu du ton du film a été donné dans l'abominable bande-annonce d'une minute trente qui met en scène la vague de sang qui déferle devant les ascenseurs en rythme avec une musique malsaine et mystérieuse.
Notons également que la scène d'introduction du film transcende parfaitement l'idée générale de Shining : le générique du début fut composé par Wendy Carlos et Rachel Elkind, qui, firent une bonne reprise du cinquième mouvement du Dies Irae de Berlioz. Cette mise en bouche habile promet au spectateur une sacré dose d'adrénaline, et, l'impression que des forces/esprits surveillent avec malveillance le trio de personnages principaux.

Ainsi, l'entrée en la matière fait frémir, alors autant se préparer tout de suite pour un peu moins de deux heures de film pendant lesquelles nous sommes exposés à la folie, au meurtre, à des phénomènes paranormaux. Il n'y a pas un passage qui sente d'une façon ou d'une autre le bonheur, le calme, la sécurité. La situation est éternellement dangereuse, à deux doigts de devenir fatale.
Dès que Jack, le personnage principal, dit : « God, I'd give anything for a drink, I'd give my god-damned soul for just a glass of beer », les forces malfaisantes prennent le dessus sur lui, et l'enfoncent encore plus dans la démence, qui, exponentiellement, ne cesse de le ronger. D'une façon progressive, à cause de l'hôtel et de ses fantômes, Jack Torrance sombre dans la psychose, dans la schizophrénie, dans l'envie, le besoin de tuer. Cette évolution du personnage – toujours en cadence avec une musique de plus en plus lugubre – induit la peur, le malaise chez le spectateur loin d'être rassuré.
Les deux heures de Shining sont deux heures de folie, de peur, de sang, de tripes.

Les plans du film – filmés avec la steadicam et/ou non – suggèrent sans cesse que les trois personnages sont suivis (surtout Danny) et pourchassés par des esprits maléfiques, des esprits supérieurs, qui voient tout, qui peuvent même les posséder. Il n'y a plus de répit, plus d'endroit où se cacher : l'hôtel maléfique voit tout, entend tout, et peut même décider de tout.
Rajoutons à cela le sentiment de claustrophobie croissant chez le spectateur, et l'appréhension de la lumière, de la couleur blanche, car, Kubrick utilise la lumière comme source de peur : c'est celle-ci qui révèle la folie en nous, et qui dévoile les monstruosités qui veulent nous faire du mal. La lumière et les miroirs sont conducteurs de démence, d'hallucinations, de violence. Et la neige si belle, si immaculée, est un facteur d'horreur ; elle isole de tout, frustre, et enveloppe de son linceul blanc les vivants.

Shining est devenu un film culte dès sa sortie en salles : Kubrick a utilisé avec brio les éléments vitaux à l'élaboration d'un film d'horreur, comme la claustrophobie (l'hôtel isolé par la neige et les montagnes), l'utilisation de la lumière (qui montre les choses effrayantes), un endroit marqué par le passé (le passé de l'hôtel maléfique). Une chose est certaine : même si la technologie évolue et permet de tourner avec des effets spéciaux, rien ne surpassera jamais les effets mécaniques, et surtout, une histoire bien ficelée qui joue plus sur la psychologie que sur la démonstration de scènes « gore ».
Merci à Stanley Kubrick de nous avoir offert une pareille leçon de cinéma.



* : Il est un peu trivial de parler de Stanley Kubrick comme d'un réalisateur/scénariste cantonné à un seul genre de film. Pourtant, on décèle souvent les mêmes ingrédients dans ses réalisations : le thème de la violence, de la nature humaine. Tout ceci est toujours distillé avec un ton particulier, un humour cynique/sarcastique. D'où le choix de dire « drame cynique » pour le genre de film de Kubrick.
Notons également que les premiers films réalisés par Kubrick, jusqu'à Lolita en 1962, n'étaient pas entièrement sous son contrôle, puisqu'il faisait ses preuves dans l'espoir d'un jour pouvoir décider de tout et faire ce qu'il voulait.


vendredi 13 mai 2011

red riding hood, un spin-off de twilight




En 2008, Hollywood a compris quelque chose que toute organisation commerciale doit savoir : les adolescent(e)s sont une pompe à fric. Ils peuvent faire de certains produits des mines d'or : que ce soit les sacs Eastpack, les chaussures Converse, il suffit d'un peu de pub et tout marche, tout se vend, pour qu'au final l'argent tombe dans les bras des investisseurs, ivres et écrasés sous le poids des billets verts. L'industrie du cinéma fonctionne de la même façon : il faut tomber sur un filon à exploiter, du film d'action lourdingue à la comédie sentimentale à deux francs, quel qu'en soit le prix, les bénéfices surpasseront largement les coûts occasionnés. Donc, en 2008, Warner Bros s'est frotté les mains avec malice en voyant les chiffres du premier Twilight auquel le géant du cinéma croyait sans y croire véritablement.
En 2011, Warner Bros se frotte toujours les mains (avec de la lotion antiseptique cette fois-ci, la faute à la grippe porcine) : Twilight et Harry Potter lui rapportent de quoi se faire de vieux os à Dubaï, dans la suite présidentielle du Hilton. Le seul bémol dans l'histoire c'est que les deux sagas touchent à leur fin, et que donc, elles ne rapporteront plus autant d'argent dans les années à venir, il ne faut pas avoir pris de cours de Logique pour le deviner. Cela dit, Warner Bros ne s'en fait pas du tout pour son pactole : des scénaristes hyper entraînés peuvent toujours calquer Twilight, et faire mouiller en deux images « chaudes » les adolescentes scotchées à leurs fauteuils, par exemple, en écrivant Red Riding Hood (Chaperon Rouge en français). Vous n'y croyez pas? Laissez-vous convaincre alors.

Red Riding Hood est à Twilight ce que la famille royale anglaise est aux services en porcelaine à l'effigie des futurs mariés pour les mariages princiers. La base de l'histoire de Red Riding Hood est la même que celle de Twilight : une fille qui rêve du prince charmant (ou d'un ailleurs) est aux prises avec deux garçons : celui à qui elle veut donner son string usagé, et l'autre avec qui elle doit obligatoirement se marier, oh putain, zut, merci les vieux. La copie est même encore pire vu que la réalisatrice du film, Catherine Hardwicke, est aussi la réalisatrice du premier Twilight, et Billy Burke joue encore le père de l'héroïne, ici blonde, faut pas non plus que les nunuches peu subtiles qui vont voir le film comprennent qu'il s'agit juste d'une nouvelle version de Twilight.
La seule différence entre les deux films, c'est que la bande-annonce de Red Riding Hood essaye de miser plus sur l'enquête, l'ambiance, l'esthétique, tout en nous gratifiant de quelques images "sensuelles". Bien entendu, la presse avait aussi vu une différence avec Twilight de taille : des scènes langoureuses, limite érotiques. Il n'en est absolument rien en pratique, la méchante publicité mensongère ; même pas une paire de fesses, une paire de seins ou l'évocation d'un coït interrompu ; Red Riding Hood est donc aussi virginal que son grand-frère, Twilight, avec un choix cornélien à la clef pour une héroïne qui devrait se faire dévorer par une horde de larves vaginales, ça nous changerait.
Même les deux prétendants au coeur de Valérie (Amanda Seyfried) sont des stéréotypes ambulants, des versions vanille, light ou zero de Twilight : entre le rebelle musclé aux cheveux noirs (qui est directement suspecté par le spectateur d'être un loup-garou, comme c'est habile) et le "beau gosse" qui ressemble à un anglais "prince charming" (Edward version humain), on côtoie la bouse de ce qui se fait en matière de scénario. Les altercations entre les deux jeunes hommes rappellent sans difficulté ce qui a déjà été vu dans le film sur les vampires végétariens qui posent sur suicide girls.
Ah pardon, je me trompe d'article. Dommage.

Poussons même la perversité jusqu'à comparer une des affiches de Red Riding Hood avec celle du second volet de Twilight : les trois protagonistes sont placés exactement au même endroit : à droite pour la fille, le rebelle au milieu avec la même pose, et l'anglais coincé du cul à gauche. Et tout ce petit monde fait la même gueule, et, à part celui du centre qui est vraiment mis de la même façon sur les deux affiches, les deux autres occupent une position qui ressemble vaguement à celle de l'autre affiche.
Est-ce que Warner Bros nous prend pour des cons?

Le principe de Red Riding Hood est donc « on prend des personnes différentes, et on refait à peu près la même chose que ce qui fait gagner du fric : une histoire pour adolescentes, avec une dose de frisson, et un rien de scénario, mais juste pour ceux qui accompagnent, pour qu'ils se demandent qui est le loup ». Si le film innove par rapport à Twilight - qui n'est qu'une démonstration de mièvrerie pré-pubère -, c'est en insérant cette histoire de loups-garous assoiffés de sang qui donne l'impression de se retrouver dans une partie des Loups-garous de Thiercelieux.

Passé ce détail positif, c'est le néant.
Scénario dépourvu d'une quelconque intelligence puisqu'on mise sur les sentiments godiches, réalisation minable pour les trente premières minutes (même un étudiant en médecine vétérinaire aurait fait mieux, on parie?) où des plans moches/insipides/peu travaillés/sans logique/triviaux se succèdent, beaucoup d'humour sans doute involontaire, la faute à la nullité du scénario et de la mise en scène, et des acteurs déplorables à l'exception de Gary Oldman et de Julie Christie. C'est à se demander ce qu'ils sont d'ailleurs venus faire dans ce pétrin burlesque. Amanda Seyfried n'a pas encore eu l'opportunité de nous montrer son talent, et ce n'est pas dans ce film qu'elle va le faire. Dès le générique, elle sombre dans la « construction » d'un personnage pour lequel personne n'a envie de se prendre d'affection (ou pour simplifier disons les choses clairement : si au pire, on ne peut pas compatir, qu'on puisse fantasmer, et bien non en définitive).

Voici donc un spin-off de Twilight, les vampires en moins, les loups en plus grand nombre, Amanda Seyfried plus tarte que d'habitude, et toujours pas de sexe, putain.