dimanche 31 janvier 2010

500 days of Summer



This is a story of boy meets girl, but you should know upfront, this is not a love story


L'avertissement est lancé : pas de blagues lourdes, pas d'histoire d'amour facile et gaga, on ne va pour faire le numéro du « et ils vécurent heureux pour toujours, avec trois marmots, un prêt hypothécaire et une furieuse envie de partir se dorer le chicon à Tahiti, quand les enfants seront à l'université ». 500 days of Summer est un film d'une nouveau genre, un film sur l'amour mais qui ne tombe pas dans les clichés actuels, ce qui, soyons réalistes, est aussi rarissime que de l'essence à 5 francs le litre.

Dès l'instant où Tom (Joseph Gordon-Levitt) a posé les yeux sur Summer (Zooey Deschanel), la nouvelle assistante de son patron, son petit coeur a arrêté de battre, a fait trois bonds dans sa poitrine, et sa respiration, a enfin repris, après une absence de quelques secondes : Tom a fondu devant les yeux bleus de Summer, sa taille parfaite, son petit look sixties rangé. Et Summer? Le spectateur n'en saura rien jusqu'à un échange langoureux de salive devant des photocopieuses, quelques temps plus tard, car, voyez-vous, la jeune fille est l'illustration de la femme parfaite pour Tom, qui est d'ailleurs sûr et certain qu'elle est « the one ».

Les bonnes choses ont une fin, et Tom se fait assez violemment larguer, devant une assiette de pancakes, en étant comparé au couple de Sid et Nancy, le genre de poisse culturelle qui arrive douloureusement. Malgré un état de délabrement psychologique certain, Tom veut récupérer Summer, et... Il est temps de s'arrêter ici, le résumé en dit déjà trop.

500 days of Summer a été traduit en 500 jours ensemble, choix peut-être logique, mais légèrement falsificateur du film : le couple ne reste pas 500 jours ensemble, les 500 jours, c'est la durée de l'envoûtement dont Tom est victime, passant de l'amour fou à la haine, et puis, tournez manège, retour en arrière niveau émotionnel.


I love her smile. I love her hair. I love her knees. I love how she licks her lips before she talks. I love her heart-shaped birthmark on her neck. I love it when she sleeps


Summer est à peu près la fille idéale : belle, avec un sens du look évident, une voix adorable, des goûts musicaux géniaux, un humour décapant. Néanmoins, toute médaille a son revers, et plus le film passe, plus des défauts font leur apparition : la peur de s'attacher, un caractère de cochon, des phases où elle devient étrange par son comportement, frôlant l'inexplicable et le bizarre.


I hate her crooked teeth. I hate her 1960s haircut. I hate her knobby knees. I hate her cockroach-shaped splotch on her neck. I hate the way she smacks her lips before she talks. I hate the way she sounds when she laughs


S'il faut retenir quelques éléments du film, autant déjà évoquer la musique (The Smiths, Feist, The Black Lips, The Temper Trap, Wolfmother et She & Him, le groupe de la mademoiselle Zooey Deschanel), et le choix de mélanger les jours, de ne pas présenter une linéarité, de revenir aux premiers jours, et de repasser aux derniers. Bien que le film, malgré ce désordre historique, suit une certaine chronologie (à partir de la rupture jusqu'au fameux 500ième jour) à laquelle on ne cesse d'insérer des flashback qui expliquent ce qui se passe en définitive, amenant souvent un regard neuf sur une scène passée.

500 days of Summer n'est pas spécialement un « feel good movie », car, après tout, Tom s'en prend quand même dans la tronche, on ne rigole pas toujours (ça rappelle sans doute les premières ruptures, les égratignures passées), sans tomber dans le drame larmoyant quand même. Cela dit, certaines scènes ont un quota d'humour fort élevé.

Les acteurs principaux sont mignons, le sourire de Joseph Gordon-Levitt vaut toutes les promesses d'une vie meilleure, le regard ambivalent de Zooey Deschanel tombe un peu comme un ensorcellement soudain, et il est compréhensible que Tom tombe amoureux de Summer.

Cependant, la réalisation de Marc Webb est un peu inégale : parfois, des plans à frémir (la main de Joseph qui essaye d'attraper celle de Summer, qui, par un geste presque violent, l'évite), et à d'autres moments, un manque de manières alors que le ton de la scène s'y prête.

Le film prend une tournure différente vers la fin, amenant une réflexion sur le Destin ou le Hasard dans les relations, les choix. Est-ce la chance qui fait que nous sommes ensemble parce que nous nous sommes rencontrés dans un bar, au même moment, ou le Destin, car, si j'avais été au cinéma à la place, nous ne nous serions jamais vus?

Le film s'engage dans une direction de réponse, certes blasante, mais ne nuisant aucunement à l'histoire en elle-même qui reste un petit bijou agréable, mettant un peu de baume au coeur.



vendredi 29 janvier 2010

Le premier jour du reste de ta vie









Comme a été résumé un peu partout le propos du film Le premier jour du reste de ta vie, il s’agit de cinq séquences, cinq instants-clefs, cinq courants d’air dans un ordre chronologique, cinq moments décisifs dans la vie de cinq individus, cinq personnes de la même famille : le père, Robert (joué par Jacques Gamblin), la mère, Marie-Jeanne (jouée par Zabou Breitman), le frère aîné, Albert (joué par Pio Marmai), le frère au milieu, Raphaël (joué par Marc-André Gondrin), la petite dernière, Fleur (jouée par Déborah François).

Néanmoins, ces cinq évènements particuliers, même s’ils sont présentés du point de vue d’un personnage en particulier, présentent l’évolution des autres : il y a une continuité entre ce qu’on a vu et qu’il nous reste à voir, chaque personnage mérite de l’attention dans chaque partie : ainsi, le spectateur n’est pas oublié lorsqu’une intrigue se complique, il a déjà pu l’envisager car on esquissait une possibilité avant. Certains éléments reviennent d’ailleurs, tout au long des cinq moments, que ce soit le fait que le père n’arrête jamais de fumer, qu’un des fils se sente mal aimé de son père (comme son père envers le grand-père), que l’autre fils par sa position du milieu, soit à la dérive, à la recherche de repères. Qu’on ne me fasse pas dire que le film est en tous points prévisible, ou stéréotypé, mais plutôt, qu’il dresse des portraits, des scènes auxquelles on peut s’identifier volontiers, car les protagonistes existent dans des circonstances connues, des moments de la vie qu’on taxe de « crise de l’adolescence » ou « crise de la quarantaine », « crise d’identité ».



Résumer l’histoire ne sert à rien, le charme serait rompu, et cela serait fort dommage. Cela dit, sans risquer de tomber dans la case « spoiler », on peut quand même indiquer quelques clins d’œil : le film s’ouvre sur l’année 1988 (avec le départ du fils aîné pour la vie sans parents qui écoute l’Aventurier d’Indochine), Fleur est « grunge » et fan de Nirvana à l’époque où les Come as you are étaient chantés par un blondinet aux jeans sales.
Le premier jour du reste de ta vie arrive avec brio à enchevêtrer tragique, comique, dramatique : dosé très justement, on ne passe pas instantanément du rire aux larmes, mais on alterne les émotions, justement, sans s’emballer, en laissant le spectateur s’immiscer légèrement dans l’univers, sans qu’il se sente non plus trop impliqué. Certains personnages sont plus drôles que d’autres, d’autres plus attachants : particulièrement le père, qui, finalement, ne dit pas grand-chose, reste (trop) souvent flegmatique mais qui, par son jeu décapant, semble ressentir un tas de choses sur lesquelles on ne peut mettre de nom. Le personnage de Raphaël, tel qu’il est exploité dans le film, est un beau phénomène d’une certaine complexité psychologique.
En revanche, le seul reproche concerne Albert, dans sa façon d’être qui n’arrive pas vraiment à amener une quelconque sympathie, ou même empathie.

Outre le bon casting qui est vraiment toujours à la hauteur, et les moments drôles (ou même ceux moins drôles), Le premier jour du reste de ta vie reste un bon moment en perspective, faisant parfois très pièce de théâtre (puisqu’on soigne cinq personnages à l’extrême, on les façonne tant qu’on peut, au mieux qu’on peut).
Quant à la teneur du scénario, on pourrait en parler encore longtemps : si l’identification marche tellement bien, c’est parce qu’il s’agit de conjonctures réalistes, non pas stéréotypées, mais véridiques : les premiers chagrins d’amour ne sont pas ridicules ou, à l’opposé, d’un dramatique presque suicidaire, les relations père-fils très compliquées sont présentées avec neutralité, ne cherchant pas à pointer du doigt un coupable, et les relations mère-fille, explosives, montrent que la maturité arrive toujours, après la puberté.

Après Ma vie en l’air, Rémi Bezançon signe une chronique sur le thème de la famille, orchestrée en cinq phases décisives, jonglant avec des idées de maturation, d’évolution, de confiance, d’amour et d’humour lorsque le dramatique ne s’en mêle pas.

Extrait

jeudi 21 janvier 2010

Les vampires, une belle bande de suceurs.

Que ce soit à la télévision ou au cinéma, aujourd'hui, après l'ère des pétasses blondes qui se masturbent devant des séries pour adolescents en parlant de la crise du pétrole, nous sommes dans une période où les vampires tiennent une place plus que primordiale.
Mais d'où vient ce changement d'atmosphère, privilégiant les dents longues, les refrains sanguinolents? Surtout que dans la façon dont est traité le thème du vampire, il y a une dualité percutante : soit il s'agit d'un monstre assoiffé de sang avide de jeunes adolescentes en chaleur qui hurlent au lieu de courir ou de se parfumer avec de l'ail, soit il s'agit d'une ombre humaine, devenue immortelle et dont le souhait le plus cher est la rédemption. Une sorte de personnage écorché, tiraillé entre son passé – qui mérite bien sûr le qualificatif d'- abominable. Le premier type de vampire est évidemment celui des films d'horreur/épouvante (bien que la seule chose qui fasse frissonner soit, de manière générale, les scénarios hyper évidents et stéréotypés), le second celui de Twilight (on ne va pas vous faire un dessin, c'est un peu une métaphore du bad boy trop méchant qui a décidé de devenir un poète maudit version nanar romantique), de True Blood, et sans doute d'autres choses connues ou inconnues, ça dépend de la variable x dans un contexte y donné.
(Marquons quand même une parenthèse pour déclarer que dans True Blood, les vampires ne sont pas tous kikoo-mignons, ils sont dark ténébreux avec des envies de sucer votre sang, surtout si vous êtes bonne, 24 ans, blondinette, gros seins, fille facile).



La deuxième image du vampire – celle du pauvre type qui se sent coupable d'avoir enlevé tant d'innocentes vies – est bien entendue celle qui est surexploitée pour le moment. Il y a quelques années, les autres Bela Lugosi, Christopher Lee étaient des figures mêlant érotisme et horreur. Citons très vite les burlesques Le Bal des Vampires, Dracula mort et heureux de l'être, Buffy the Vampire Slayer, des oeuvres où le vampire est toujours une saloperie suceuse de sang, qu'il faut détruire avant qu'elle nous avale tout crus.
Malgré cette imagerie très négative, avec des films comme Entretien avec un vampire (Brad Pitt y joue Louis, un type devenu vampire sans vraiment l'avoir voulu, tourmenté par Lestat, dandy aux tendances bizarres) où le personnage principal ne se nourrit pas de sang humain, le vampire devient celui qui demande pardon, qui, malgré sa condition de "démon" en vient à vouloir devenir un homme et à éprouver, notamment, des regrets.
Twilight, fable pré-pubère sur le fait que les méchants peuvent être gentils en vrai, s'ils sont apprivoisés, a remporté un succès pharamineux, contre toute attente des sceptiques. Il est vrai que le scénario ne vaut pas un clou, mais cependant, ça marche : les salles sont combles, les livres, films et produits dérivés se vendent comme des petits pains au chocolat, elle m'a dit d'aller siffler là-haut sur la colline, de l'attendre avec un petit bouquet d'églantines.
Une fine analyste pourrait dire (en parlant de Twilight) que l'image de l'homme (le sexe masculin hein), telle qu'elle est présentée, coïncide avec celle du prince charmant (pas si charmant quand il allonge les crocs) : il ne larguera pas sa dulcinée pour une sombre histoire de canal déférent avec une plus jeune, plus intelligente ou à plus grosse poitrine, ce qui l'intéresse, finalement, c'est la personne telle qu'elle est, il a l'éternité pour vous supporter, peu importe que vous soyez inintéressante et emmerdeuse, vaut mieux être mal accompagné que seul à bouffer du sang de rat d'égout.

Si cette image moderne montre un côté plus gentil, adieu le côté "bête de sexe, envoûtements à gogo, viens ici, que je te mette ma grosse frite là où je pense".
Ici, rapide comparaison entre True Blood où chaque épisode semble avoir été étudié pour contenir un certain quota de nichons, de fesses, de soupirs enragés de plaisir, et Twilight, où l'amour courtois façon "attendons le bon moment, j'ai jamais trempé ma biscotte, je veux pas que notre histoire se base là-dessus, tu risques d'être déçue poupée".
D'une façon plus subtile (quoique), la sensualité était abordée dans, par exemple, Dracula de Francis Ford Coppola, où, avec le regard d'un amoureux transi, Gary Oldman semblait dire à Wineforever Ryder "si nous copulions sur le lit, comme deux écureuils normands en pleine séance de méditation ? "




Est-ce tout simplement la transposition des vampires, créatures anciennes et pas vénérées, dans un monde désenchanté comme celui d'aujourd'hui, qui a tendance à nuire à l'image de "vilain être qui fout le bordel et suce tout ce qui bouge à la façon Clara Morgane "? A l'époque où on sait que c'est à cause de dérèglements chimiques dans le cerveau que les gens deviennent dépressifs, que l'économie domine toute forme de vie, les émanations érotico-surnaturelles morbides que représentent les vampires n'ont plus de sens. C'est pourquoi leur insertion dans notre société passe pour une belle connerie, qu'on épice en les rendant gothiques (si, si, le bar de True Blood), et dans presque tous les cas ; bourrés de fric, à croire que les billets sortent de leurs pores.
Non pas que je dise tout ceci dans le simple but de dire "c'était mieux avant, quand des bons acteurs incarnaient des gueules de fromage blanc meurtriers, et que les histoires faisaient froid dans le dos", je ne fais que constater une évolution assez... il n'y a pas de mots pour décrire le monde et ses influences, dans cinquante ans, un sage sociologue nommera cette décennie "la pseudo-sentimentalisation des choses". Ok.
Bon, sur ce, je vais aller dehors, là où il n'y a personne pour me causer de vampires.

vendredi 15 janvier 2010

whatever works



Boris Yelnikoff, sexagénaire vivant à New-York, l'illustration même de la misanthropie, ne manque jamais de réflexions désopilantes sur la vie de tous les jours, la sociologie, la philosophie, les religions : tout inspire ses monologues seul ou avec ses amis, lui qui se considère comme quelqu'un de supérieurement intelligent, qui a raté le Nobel de Physique il y a quelques années.
Sa vie palpitante mérite néanmoins l'attention du spectateur (car Boris nous interpelle) : il a divorcé il y a quelques années, a essayé de se suicider en se jetant par la fenêtre, sans succès. De cet essai peu concluant, un séjour à l'hôpital a découlé, ainsi qu'une démarche fort peu séduisante : Boris boite comme Quasimodo. Il faut toucher le fond pour remonter : Boris fait un jour, par hasard, la rencontre (décisive) de Melodie, une jeune sdf de vingt-et-un ans qui respire la fraîcheur, l'innocence et la simplicité même, l'inverse total du vieil homme, qui, finit par la laisser s'installer chez lui, pour quelques temps.
Ce qui devait arriver, arrive : Boris se prend d'affection pour Melodie, bien malgré lui, et l'épouse. Un an après leur mariage, les rencontres surprenantes ne s'arrêtent décidément pas, puisque la mère de Melodie, Marietta, véritable grenouille de bénitier, fait son entrée dans leur vie.




Complètement à l'ouest, ce nouveau Woody Allen. On en vient presque à se demander si cet opus n'est pas une compilation très extrême des personnages les plus inattendus, saugrenus que ce bon vieux Woody nous sert en une heure trente.
Déjà, Boris, est un véritable phénomène à lui tout seul, pire hypocondriaque que la Terre ait porté, vieil emmerdeur blasé ne pensant qu'à travers un filtre noir, très négatif. Il donne des cours aux enfants pour leur apprendre à jouer aux échecs, et n'hésite jamais à les insulter, eux ou leurs parents, lorsqu'il juge qu'il perd son temps avec des abrutis, incapables de comprendre et d'assimiler des stratégies. Succulent Larry David, très drôle, dans un rôle pas si facile, qui manque souvent de tomber dans le n'importe quoi - ou même la caricature - et qui ne faiblit pas, en dernière analyse. Boris arrive même à être parfois émouvant, par ses mécanismes de défense psychique lorsque, dans des situations "normales" il devrait se sentir attaqué, ou en proie à des reproches.
Melodie est jouée par Rachel Evan Wood avec ce qu'il faut de délicatesse, de pureté. Une ingénue qui perçoit le monde avec enthousiasme, optimisme... Ce qui contraste parfaitement avec son époux, Boris, qu'elle n'arrête pas de copier, dans le sens où, à son contact, elle se met à déblatérer les diverses théories du vieil homme.
Marietta vient mettre un peu de piment dans le couple, en essayant de caser sa fille avec un jeune acteur, jugeant que le vieux cynique qui culbute sa fille ne peut être pour elle, non, elle vaut mieux. La mère de Melodie, en se confrontant à Boris et Melodie, et en essayant de changer ce qu'ils sont, va se changer elle-même.

Ce nouveau film ne parle pas du cynisme, mais bien du changement d'identité, de l'évolution mentale, même lorsqu'elle semble improbable. S'il parait inconcevable qu'une vieille coincée du cul puisse devenir une artiste libérée baisant avec deux hommes, il est encore plus malaisé de considérer qu'une jeune fille sans cervelle puisse parler de la théorie des cordes. Tout ceci est peut-être improbable, mais se passe : en changeant les autres, on se change soi-même. Le milieu influence autant la personne que la personne influence le milieu.
Mais qu'on se rassure, Boris garde son mordant jusqu'à la fin, sa verve délicieusement acide, sa représentation du Monde unique. Il est intéressant de constater ce que deviennent les autres personnages, dès qu'ils entrent en relation - bonne ou mauvaise - avec lui. Celui qui ne voulait pas aider, aide.



Des critiques disaient qu'avec Whatever Works, on sent clairement qu'Allen a vieilli, qu'il ne voit plus les choses du même oeil, qu'il y a un recul différent. Sans doute, ce qui transcende cependant, c'est le fait que Boris est une version d'Allen : vieil homme avec une plus jeune (!), vision très cynique du monde, a l'impression d'être dépassé, hypocondriaque (il parait qu'Allen, à une époque de sa vie, l'était assez gravement, se rendait souvent dans les hôpitaux, comme Boris). L'histoire de Boris, c'est celle de Woody, dirons-nous.
Cette transposition du réel à la fiction est d'autant plus drôle par la façon dont les choses sont orchestrées (Par certains aspects, Boris rappelle quelques compositions d'Allen, dans certains de ses films).

Une comédie appétissante, où les répliques fusent avec virtuosité, l'ambiance reste bon enfant, la musique jazz engendre une certaine bonne humeur.



lundi 11 janvier 2010

Minority Report Spielberg


2002, Minority Report, nouveau Spielberg, adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick datant de 1956, qui brosse le portrait d'une société, en 2054, à Washington, où le crime est maîtrisé grâce à trois précogs qui ont des visions des futurs crimes permettant à une équipe d'intervention spéciale dont l'agent John Anderton fait partie d'intervenir.

2054, Washington. Lamar Burgess est le directeur de la cellule anti-criminelle de Washington, qui, a mené à bien son projet de Précrime, l'assurance d'un monde sans meurtre. L'agent John Anderton, incontournable dans ce service, et haut-placé, est reconnu et fort apprécié par Burgess pour son talent, son assiduité.
Néanmoins, Anderton, bien sous tout rapport, solitaire dans l'âme, se révèle, la nuit tombée, toxicomane incapable de se faire à l'idée du décès de son fils, il y a de ça quelques années auparavant, fait qui l'a propulsé dans la lutte anti-crime prônée par Précrime.
Les ennuis de Précrime commencent avec l'arrivée d'un agent du ministère de la Justice, Danny Witwer, très perspicace et résolu à trouver une faille dans le système de Précrime. Mais le plus gros problème pour John tient dans le fait que la nouvelle prédiction des précogs le concerne : il va tuer un homme qu'il ne connait pas dans trente-six heures.

Minority Report est un film d'action sur quelques aspects : quelques scènes de combats, de course-poursuite, mais, c'est surtout un thriller, mêlant action, images subliminales, et enquête menée par John lui-même pour trouver qui il doit tuer, et pourquoi, tout en tentant de prouver son innocence.
Son innocence tient d'ailleurs dans le rapport minoritaire (minority report en anglais) : les trois précogs ne sont pas toujours d'accord, et parfois, une autre prédiction qualifiée de minoritaire (parce qu'elle montre une vision alternative, moins importante que les autres) sort, après l'émission de la prédiction majoritaire.

Le futur, n'est pas évident; il n'y a, pour ainsi dire, pas d'issues : partout, des scanners scannent vos yeux (la fuite est donc risquée pour John), vous identifient, la 3D n'a rien à voir avec aujourd'hui et semble même la réalité, on peut extirper des pensées des gens (enfin, des prédictions), et les précogs, trois individus issus de parents toxicomanes d'ailleurs, sont seuls au monde, dans leur bassin à la couleur lactée, traités avec du respect, certes, mais pas avec humanité : ils sont comme des machines, juste bonnes à sortir des prédictions, tout est fait pour qu'ils ne connaissent rien d'autre que leur monde intérieur, fait de visions.
Il y a bien sûr la question importante du film : peut-on arrêter quelqu'un avant qu'il commette un crime? N'y-a-t-il pas de libre arbitre, de situation qu'on peut renverser?
Le film tente d'y répondre, à plusieurs moments particuliers, pour illustrer le fait que la vie est un ensemble de possibilités, et que même si parfois ce qui semble mener à l'indéniable peut encore trouver un chemin inverse.

Côté décors, ambiance, le film est très bleu, très diaphane, et par son esthétique générale, ressemble plus à un songe qu'à une quelconque réalité (car, ce n'est qu'une nouvelle possibilité, finalement).
Les passages où John regarde des films en 3D (de son fils) sont même d'ailleurs bluffants, hypnotiques. A se demander si dans le futur, l'humain sera capable de faire pareil.
Peut-être que nous pourrons reproduire les mêmes véhicules (qui se dirigent seuls), les mêmes routes (qui vont même à la verticale), car, nous les avons vus dans ce film, c'est une inspiration, maintenant, cela entre dans le domaine du connu, il y a une possibilité de le reproduire.

Niveau casting, Tom Cruise n'offre pas une composition spécialement remarquable, il faut quand même souligner que par le scénario et l'aspect film d'action, ce n'est pas un film de jeux d'acteurs, c'est un film de lieux, d'endroits, de plans, dans lequel on entre comme dans un train qu'on prend en marche.
Colin Farrell lui non plus n'a pas un rôle d'envergure, mais sa façon d'alterner l'énervant (parce que forcément, le spectateur est amené à s'identifier ou à se ranger du côté de Anderton) et le sympathique déroute plus d'un averti.
Samantha Morton, en Agatha (un des précogs) a plus l'opportunité de montrer tout son talent, par des expressions faciales intéressantes, et un comportement très "autiste".

Malgré une longueur peut-être excessive, Minority Report reste le genre de films qu'on regarde presque comme un divertissement, dans le but d'acculer les indices. Un moment pour se laisser emporter dans un autre monde, meilleur ou pire peu importe.

dimanche 10 janvier 2010

Catch me if you can - Spielberg


Frank Abagnale Jr. est un jeune homme de seize ans comme il faut, début des années soixante, adulant son père, et adorant le couple formé par ses parents, qui s'étaient rencontrés en France, à la fin de la seconde guerre mondiale.
Sa vie, toutefois, change lorsque son père, suite à des soucis avec le fisc, est obligé de vendre sa belle voiture, sa belle maison et d'emmener sa famille vivre dans un appartement miteux.
Le drame touche son point le plus sensible lorsque Frank, est obligé de faire un choix entre ses deux parents, car, on lui dit qu'ils divorcent et qu'il doit apposer le nom du parent avec lequel il veut vivre sur un papier officiel. L'adolescent s'enfuit, déstabilisé par tant de changements, et de désillusions.
Très vite épuisé de se faire refuser des chèques, il commence à exceller dans la falsification de chèques et le changement d'identité (pilote, médecin, etc).
Carl Hanratty, un agent du FBI est sur ses traces très vite (quand on vole de grosses sommes d'argent, finalement, le FBI s'en mêle toujours), et le chassé-croisé entre les deux hommes promet d'être drôle, audacieux et culotté.

Un nouveau Spielberg à nouveau sur des faits réels, sur l'Histoire, car, comme le papa de E.T. aime le dire en interview : il raffole de l'Histoire, des histoires vraies et extraordinaires. Jetez un coup d'oeil à sa filmographie, Saving Private Ryan est peut-être une fiction mais le réalisme de sa caméra ne laisse pas indifférent, Munich, Schindler's List, on s'arrête ici, il y a encore beaucoup à citer.
Imaginer qu'un adolescent, à moins de vingt ans, avait réussi à voler environ quatre millions de dollars semble invraisemblable, mais néanmoins, c'est réel. Bien sûr, le film n'est pas entièrement fidèle à l'histoire vraie (l'arrestation finale, par exemple), mais peu importe, le portrait d'Abagnale proposé par le film vaut certainement le détour, rien que pour l'humour et la psychologie du personnage principal.



La période la plus difficile de la vie, celle où on risque de sombrer vite dans le grand n'importe quoi, est celle de l'adolescence. Le psychologue Erikson l'assimile même à la phase où l'identité même de l'adolescent est la plus fragile, soumise à un flux de variations terrifiant, et où le danger d'une identification à une personne peu appropriée est relativement probable.
D'emblée, Frank est perçu comme un jeune homme fort intelligent, sensible, mais en conflit avec lui-même. Après avoir changé d'école et de maison, il se fait passer pour un professeur remplaçant dans sa nouvelle école, sans doute poussé par la réflexion peu sympathique d'un autre élève, se moquant de l'uniforme dans lequel Frank était arrivé.
L'autre problème de Frank réside dans son identification à son père ; il veut devenir comme son père, la personne qu'il semble aimer le plus au monde. Tout au long de son aventure, il ressort les phrases de son père et applique ce que son père lui a dit, par le passé, le plus innocemment.
C'est aussi sans doute à cause de son père qu'il se met à faire de faux chèques et à voler : Frank Senior avait dit à son fils qu'il s'arrangerait pour reprendre tout ce que l'Etat lui avait volé. Chose faite : Frank Junior vole l'Etat pour amasser de l'argent et retourner vivre avec son père et sa mère, comme autrefois, comme avant que tout déconne.

Catch me if you can est un divertissement, avant tout, présentant un personnage relativement attachant par sa malice, mais triste dans sa solitude ; les mensonges, les identités pastichées, n'ont jamais aidé d'une quelconque façon à mener une vie tranquille et remplie de confiance.
Leonardo DiCaprio se débrouille bien, son visage semblant juvénile le rendant convaincant, Tom Hanks a un très bon second rôle, plus drôle qu'autre chose, et on peut citer vite Martin Sheen, Nathalie Baye, et Christopher Walken, en père modèle.
Note amusante : la musique signée John Williams dans l'intro du film

mardi 5 janvier 2010

vidéos persos




(Les films qu'il ne fallait pas manquer cette année)

Agathe Cléry

Agathe Cléry est le sixième film d'Etienne Chatiliez, sorti en 2008, avec Valérie Lemercier dans le rôle principal, celui d'une blanche raciste devenant noire.

Si Etienne Chatiliez a pu se faire un nom dans le cinéma français, c'est avant tout grâce aux thèmes acides de ses films, remettant en cause des phénomènes de société - voire la société elle-même - , se moquant ouvertement des moeurs de la population.
Son premier film, La vie est un long fleuve tranquille, laisse indubitablement une trace dans la mémoire populaire, la grossièreté des Groseille, le puritanisme "trois balai dans le cul" des Le Quesnoy, ça vaut tous les cours de sociologie du monde.
Pour finir d'évoquer la filmographie de Chatiliez, c'est avec son deuxième film qu'il atteint certainement davantage le public, celui-ci dépeignant une vieille garce emmerdeuse, Tatie Danielle, le pire monument de cruauté et de méchanceté du troisième âge.
Bref, Chatiliez est un homme de son temps, qui aime les histoires d'actualité, fondements sociologiques : la famille, les classes sociales, le troisième âge, les enfants qui habitent encore chez leurs parents même à 28 ans, et maintenant, le racisme, l'acceptation de la différence, dirons-nous pour résumer.

Agathe Cléry c'est une femme moderne, active, promise à de hautes fonctions, qui fait ce qu'elle veut comme elle l'entend. Summum du chic, elle travaille dans les cosmétiques.
Sa vie change quand elle se met soudainement à prendre des couleurs, non pas la faute aux UV qu'elle ne fréquente pas, mais à la maladie d'Addison. Bien sûr, Agathe va devenir noire, et le devenant, elle perd tout ce qui rendait sa vie heureuse, puisqu'elle perd son mec, son boulot (d'une façon déguisée, dirons-nous), sa dignité (elle méprise les noirs). Ce personnage passe du blanc au noir (et oui), et fatalement, s'enlise dans une nouvelle réalité, parce que quand on a pas le choix, on ne peut faire autrement.



Malgré un sujet en soi très intéressant, et un début prometteur, Agathe Cléry déçoit. Non pas parce que c'est une petite comédie musicale (dosée d'ailleurs avec brio, on ne noie pas dans les chansonnettes), mais tout simplement parce qu'on ne traite pas le thème d'une façon qui puisse faire tilt. C'est une demi-teinte. Il fallait soit être plus corrosif, plus acide (forcer le côté horrible de la vie d'Agathe lorsqu'elle est de l'autre côté du miroir), ou alors plus doux, plus dramatique. Et encore, le côté dramatique hyper intellectualisé ne laisserait pas une impression suffisante.
Ne faisons pas l'apologie du cynisme, du sarcasme, mais parfois, pour traiter des sujets finalement graves (bien sûr Agathe version charbonnée sera bien sûr à son tour victime de l'intolérance, sinon ce n'est pas drôle), il faut forcer l'humour avec finesse et ne pas se contenter de faire d'une matière promise à beaucoup une comédie romantique de bas étalage.
On peut donc reprocher à Agathe Cléry de laisser un sentiment aseptisé, digne d'un film commercial américain sous-traitant des sujets, qui, par leur nature, demandent qu'on soit un minimum dans les extrêmes.

Agathe Cléry est très loin de l'époque où Momo regardait sa mère nue avant d'aller vendre l'argenterie, où madame Billard, à la question "elle est gentille ma fille hein?" rétorquait en bouffant son éclair "oui, mais... qu'est-ce qu'elle est laide". Néanmoins, ce n'est pas parce qu'on reproche au film d'être trop "gentil" qu'il est nécessairement mauvais, au contraire, il peut se targuer d'avoir un bon casting, quelques bonnes scènes de franche rigolade.
Etienne Chatiliez, en vieillissant, s'est assagi, s'est essayé sans doute au politiquement correct, comme tant d'autres réalisateurs, scénaristes, qui, avec le temps, font passer des messages plus calmes, avec moins de forme, et plus de fond. Mais pour que le fond soit délectable, il faut une forme, c'est même scientifiquement prouvé : les hommes préfèrent les femmes qui ont des hanches larges, propices à une meilleure procréation.

Quelles sont les causes de ce choix? Pourquoi jouer la carte du correct lorsqu'on peut enfin dire ce que des tas de personnes pensent à voix basse? En 2007, une étude du Bureau International du Travail rendait compte que la discrimination était encore bien élevée, puisque quatre sur cinq employeurs préféraient prendre un employé blanc qu'un de couleur, alors que la France, comme d'autres pays occidentaux, se prend pour le bastion de la tolérance, des libertés individuelles.
Pour finir cet article concernant le film Agathe Cléry, le propos qui émane de ma réflexion tient en quelques mots : le cinéma ne doit ni montrer la réalité ni montrer ce que la réalité devrait être ou même un simple fantasme (mais plutôt tout ceci à la fois), il doit rester à la fois un divertissement(dans tous les sens du terme) et un regard sur le monde (puisqu'à chaque film, nous avons un regard sur le monde dans lequel nous vivons, nous avons vécu, nous pourrions vivre). Une sorte de miroir déformé de la réalité.
Agathe Cléry se voulait être un regard sur notre monde "tolérant, évolué", qui s'avère être une façade. Au final, ce qu'il en reste, c'est une esquisse bubble-gumesque d'une réalité privilégiant le scénario facile (je me moque des gens – je deviens comme eux on se moque de moi – j'évolue positivement, je redeviens blanche, je suis cool et gentille), et cela est fort dommage.