mardi 5 janvier 2010

Agathe Cléry

Agathe Cléry est le sixième film d'Etienne Chatiliez, sorti en 2008, avec Valérie Lemercier dans le rôle principal, celui d'une blanche raciste devenant noire.

Si Etienne Chatiliez a pu se faire un nom dans le cinéma français, c'est avant tout grâce aux thèmes acides de ses films, remettant en cause des phénomènes de société - voire la société elle-même - , se moquant ouvertement des moeurs de la population.
Son premier film, La vie est un long fleuve tranquille, laisse indubitablement une trace dans la mémoire populaire, la grossièreté des Groseille, le puritanisme "trois balai dans le cul" des Le Quesnoy, ça vaut tous les cours de sociologie du monde.
Pour finir d'évoquer la filmographie de Chatiliez, c'est avec son deuxième film qu'il atteint certainement davantage le public, celui-ci dépeignant une vieille garce emmerdeuse, Tatie Danielle, le pire monument de cruauté et de méchanceté du troisième âge.
Bref, Chatiliez est un homme de son temps, qui aime les histoires d'actualité, fondements sociologiques : la famille, les classes sociales, le troisième âge, les enfants qui habitent encore chez leurs parents même à 28 ans, et maintenant, le racisme, l'acceptation de la différence, dirons-nous pour résumer.

Agathe Cléry c'est une femme moderne, active, promise à de hautes fonctions, qui fait ce qu'elle veut comme elle l'entend. Summum du chic, elle travaille dans les cosmétiques.
Sa vie change quand elle se met soudainement à prendre des couleurs, non pas la faute aux UV qu'elle ne fréquente pas, mais à la maladie d'Addison. Bien sûr, Agathe va devenir noire, et le devenant, elle perd tout ce qui rendait sa vie heureuse, puisqu'elle perd son mec, son boulot (d'une façon déguisée, dirons-nous), sa dignité (elle méprise les noirs). Ce personnage passe du blanc au noir (et oui), et fatalement, s'enlise dans une nouvelle réalité, parce que quand on a pas le choix, on ne peut faire autrement.



Malgré un sujet en soi très intéressant, et un début prometteur, Agathe Cléry déçoit. Non pas parce que c'est une petite comédie musicale (dosée d'ailleurs avec brio, on ne noie pas dans les chansonnettes), mais tout simplement parce qu'on ne traite pas le thème d'une façon qui puisse faire tilt. C'est une demi-teinte. Il fallait soit être plus corrosif, plus acide (forcer le côté horrible de la vie d'Agathe lorsqu'elle est de l'autre côté du miroir), ou alors plus doux, plus dramatique. Et encore, le côté dramatique hyper intellectualisé ne laisserait pas une impression suffisante.
Ne faisons pas l'apologie du cynisme, du sarcasme, mais parfois, pour traiter des sujets finalement graves (bien sûr Agathe version charbonnée sera bien sûr à son tour victime de l'intolérance, sinon ce n'est pas drôle), il faut forcer l'humour avec finesse et ne pas se contenter de faire d'une matière promise à beaucoup une comédie romantique de bas étalage.
On peut donc reprocher à Agathe Cléry de laisser un sentiment aseptisé, digne d'un film commercial américain sous-traitant des sujets, qui, par leur nature, demandent qu'on soit un minimum dans les extrêmes.

Agathe Cléry est très loin de l'époque où Momo regardait sa mère nue avant d'aller vendre l'argenterie, où madame Billard, à la question "elle est gentille ma fille hein?" rétorquait en bouffant son éclair "oui, mais... qu'est-ce qu'elle est laide". Néanmoins, ce n'est pas parce qu'on reproche au film d'être trop "gentil" qu'il est nécessairement mauvais, au contraire, il peut se targuer d'avoir un bon casting, quelques bonnes scènes de franche rigolade.
Etienne Chatiliez, en vieillissant, s'est assagi, s'est essayé sans doute au politiquement correct, comme tant d'autres réalisateurs, scénaristes, qui, avec le temps, font passer des messages plus calmes, avec moins de forme, et plus de fond. Mais pour que le fond soit délectable, il faut une forme, c'est même scientifiquement prouvé : les hommes préfèrent les femmes qui ont des hanches larges, propices à une meilleure procréation.

Quelles sont les causes de ce choix? Pourquoi jouer la carte du correct lorsqu'on peut enfin dire ce que des tas de personnes pensent à voix basse? En 2007, une étude du Bureau International du Travail rendait compte que la discrimination était encore bien élevée, puisque quatre sur cinq employeurs préféraient prendre un employé blanc qu'un de couleur, alors que la France, comme d'autres pays occidentaux, se prend pour le bastion de la tolérance, des libertés individuelles.
Pour finir cet article concernant le film Agathe Cléry, le propos qui émane de ma réflexion tient en quelques mots : le cinéma ne doit ni montrer la réalité ni montrer ce que la réalité devrait être ou même un simple fantasme (mais plutôt tout ceci à la fois), il doit rester à la fois un divertissement(dans tous les sens du terme) et un regard sur le monde (puisqu'à chaque film, nous avons un regard sur le monde dans lequel nous vivons, nous avons vécu, nous pourrions vivre). Une sorte de miroir déformé de la réalité.
Agathe Cléry se voulait être un regard sur notre monde "tolérant, évolué", qui s'avère être une façade. Au final, ce qu'il en reste, c'est une esquisse bubble-gumesque d'une réalité privilégiant le scénario facile (je me moque des gens – je deviens comme eux on se moque de moi – j'évolue positivement, je redeviens blanche, je suis cool et gentille), et cela est fort dommage.