vendredi 26 mars 2010

dikkenek de Olivier Van Hoofstadt

Dikkenek ou sois belge et tais-toi.



Dans l'imagerie populaire méridionale, le belge est toujours un individu bourru, dont la panse regorge de bière, de fricadelles, de frites, et de sauce mayonnaise. Ses cheveux baignent dans la graisse, et son accent rustaud témoigne du peu de neurones qui peuplent son soi-disant cerveau.
Le belge, c'est un peu l'espèce de dégueulasse crasseux, gros (ou au ventre bedonnant), qui sourit jaune (si, si), et qui n'hésite jamais à crier partout comme un abruti en pensant délivrer la bonne parole intellectuelle.

Dikkenek, c'est une déclaration d'amour à la dégueulasserie belge. Claudy, aime les adolescentes nues, les animaux qui vont avec, la bière, Jean-Claude, le petit truand à la noix, parle plus haut que les hauts-parleurs du stade Roi Baudouin, et souvent pour dire des conneries. Les décors du film ont été étudiés pour illustrer la "beauté" de certains quartiers de Bruxelles. Histoire de rester dans le top du chic, à la fin du film, on va au Zoute, à la côte belge, pour un anniversaire mémorable.

Et même si une grosse partie du casting est d'origine française (Mélanie Laurent, Marion Cotillard, Dominique Pinon, Florence Foresti), les acteurs importants sont belges : François Damiens, Jean-Luc Couchard , Jérémie Renier. Le trio infernal ridicule qui vous donnera envie de vous taper violemment la main contre la tête en disant "putain, bien sûr, plus belge, tu meurs".
Parce que, comme l'introduction le disait si bien, c'est un film belge sur les belges pour les belges, même pour les français (et autres nationalités) pour qu'ils s'enlisent dans une vision figée dans la graisse du peuple belge.

Il n'y a pas d'histoire. Dikkenek, c'est une suite d'évènements, censés nous renseigner sur les personnages, qui, sont tous amenés à se rencontrer à un moment ou un autre, même si ça n'implique pas un échange de plus de trois mots, cinq phrases, deux bouées de sauvetage, une bière, Roger.
Claudy (François Damiens), dans une scène d'introduction mémorable, nous apprend qu'il gère les abattoirs d'Anderlecht, quand il n'est pas photographe amateur (voyeur), et qu'il ne se fait pas emmerder par sa mère qui ressemble comme deux gouttes d'eau à Moby Dick, avec des cheveux. Stef (Dominique Pinon) est un paumé inintéressant qui colle toujours aux basques de JC. JC (Jean-Luc Couchard), il se prend pour l'autre JC, plus malin, plus roublard que les autres, il a une grande gueule sur laquelle on a furieusement envie de taper pour le faire taire. Et il baise les gamines esseulées. Natacha (Mélanie Laurent), elle fera comme sa tante, les doigts de pieds en éventail, à rien foutre, à se laisser manipuler par des gens contre lesquels une castration ne serait pas de trop. Nadine (Marion Cotillard), c'est une maîtresse d'école qui quitte son mari, qui abuse un peu trop des plantes spéciales qui lui font dire un tas de conneries. Greg (Jérémie Renier) est une sorte de "en veux tu, en voilà" qui pense être cool, in, mais qui en réalité, se fait bastonner tout au long du film. Laurence (Florence Foresti), flic, et lesbienne, est une excitée dans son boulot, toujours sympathique ceci dit. Enfin, Sylvie (Catherine Jacob), la tante de Natacha, a minimum trois balais coincés dans son rectum de petite bourgeoise satisfaite.
Et tout ce petit monde se retrouve pour des aventures sensationnelles, sous le soleil (et la pluie) de Belgique, entre deux frites, cinq joints, deux chopes, et un coït ininterrompu.

Dikkenek réussi son pari du film inintéressant, pas du tout drôle, aussi délicat qu'une réunion aux alcooliques anonymes, un samedi matin, à jeun, après la fête de la bière.
Quand Olivier Van Hoofstadt et Olivier Legrain ont écrit le film, ils devaient être sous ecstasy. Ou sous shnouf, tiens. Quoi qu'il en soit, le manque évident de scénario et l'envie de faire un long-métrage sur des bites, des couilles, de la vulgarité à deux balles, Mélanie Laurent en petite tenue, Marion Cotillard pétée, Dominique Pinon navrant de nonchalance, il fallait le faire. Des personnages creux, stéréotypés à mort, une intrigue inexistante (ajustée comme une série de petits gags sans rapport), de l'énervement en perspective.
Bref, si vous avez de la lessive à faire, mangez votre chat, ça vaut mieux que se taper vingt minutes de Dikkenek.

mercredi 17 mars 2010

Julie & Julia de Nora Ephron

Is there anything better than butter? Think it over, any time you taste something that's delicious beyond imagining and you say 'what's in this?' the answer is always going to be butter. The day there is a meteorite rushing toward Earth and we have thirty days to live, I am going to spend it eating butter. Here is my final word on the subject, you can never have too much butter.
(Existe-t-il quelque chose de meilleur que le beurre? Réfléchissez-y, à chaque fois que vous goûtez quelque chose qui est excellent, bien au-delà de vos espérances et vos rêves, et que vous vous dites « mais qu'est-ce qu'il y a dedans? », la réponse sera toujours le beurre. Le jour où une météorite se précipite vers la Terre, et que nous n'avons plus que trente jours à vivre, je vais les passer à manger du beurre. Voilà mon dernier mot sur le sujet : vous ne pouvez jamais avoir assez de beurre)




Julie Powell, début de la trentaine, s'ennuie dans sa vie, en 2002. Elle est fonctionnaire, et répond au téléphone toute la journée, dans un bureau de réclamations mis en place après le 11 septembre.
Alors que ses amies flirtent avec le succès, elle décide, au lieu de s'irriter, de faire quelque chose, pour son épanouissement personnel. C'est un peu par hasard, au cours d'une discussion entre elle et son époux, Eric, que l'idée de tenir un blog, pendant 365 jours, sur les 524 recettes du livre de Julia Child, lui vient à l'esprit. L'aventure commence, faite de rebondissements, de rires, de pleurs, mais surtout d'endurcissement.
En parallèle, nous suivons l'histoire de Julia Child, cinquante ans plus tôt, une américaine venue suivre son époux à Paris, qui, s'embête à cent à l'heure, se languissant de trouver une activité qui lui redonnerait un peu d'énergie, de passion. C'est alors qu'elle entreprend de prendre des cours de cuisine française, dans un institut réputé.

Julie & Julia s'inspire du livre éponyme, publié en en 2005, écrit par Julie Powell, qui raconte son expérience d'un an de cuisine française à la Julia Child, entre désossement de canard, gâteaux au chocolat, homards à ébouillanter et prise de poids légère.

Julie et Julia sont deux femmes plutôt ordinaires, qui aimeraient aller plus loin que ce à quoi leur vie du moment les enchaine, c'est une histoire d'émancipation de la femme, du désir de se surpasser, de même devancer son époux (pas pour l'humilier, mais pour prouver qu'on peut avoir plus de succès qu'un homme), par un acharnement passionnel à son objectif.
Julie, femme moderne, s'entête à penser qu'elle doit finir ce projet, pour elle-même, pour tout simplement finir une bonne fois pour toutes quelque chose. Heureusement pour elle, comme elle le dit au début du film, cuisiner est la chose qui arrive à la détendre le plus aisément.
Julia s'oriente vers la cuisine, avant tout, parce qu'elle aime manger, d'abord. C'est donc avec beaucoup de plaisir que cette activité l'occupe, la pousse à rencontrer d'autres femmes qui partagent sa passion pour l'art culinaire, et, qui vont l'initier à la rédaction d'un livre de recettes.



Meryl Streep est Julia Child, figure connue pour avoir initié les américains à la finesse de la cuisine française. Le rôle de cette icône a apporté son lot de nominations, de victoires, pour Streep, qui n'a plus besoin de prouver au monde son talent. Cette composition est d'autant plus drôle que le personnage est burlesque, toujours rieur, reflétant une bonne humeur évidente, ce qui contraste avec un des derniers rôles de la célèbre américaine, dans Doubt, où elle jouait une bonne-soeur cruelle, imbue d'elle-même et prête à tout pour couler un prêtre. En parlant de Doubt, Julie Powell est interprétée par Amy Adams, qui, ici, nous présente une jeune femme désabusée, qui manque de confiance en elle, et qui, par son défi culinaire, réussi à revivre, à redonner un sens à ce qui semblait perdu. A noter : de très bons seconds rôles, Stanley Tucci en Paul Child, et Chris Messina (Ted, dans la dernière saison de Six Feet Under pour évoquer un rôle marquant de cet acteur encore un peu méconnu) en Eric Powell.
Pour une anecdote de tournage : Meryl Streep faisant un peu moins d'un mètre septante, et Julia Child ayant mesuré presque un mètre nonante, l'équipe a dû trouver des petits trucs pour mettre en évidence la grande taille de la célèbre cuisinière.

Julie & Julia n'est pas un film destiné aux gastronomes, ou autres fans de cuisine ; avant de parler véritablement de boustifaille, le film parle de passion (pas dans le sens sexuel ou amoureux), de jusqu'où vont des personnes pour réaliser ces dernières.
Il est très intéressant de pousser une rapide comparaison entre les deux principales protagonistes : elles portent le même prénom (à un a près), sont mariées, n'ont pas de situation professionnelle plaisante (une ne fait rien, l'autre répond au téléphone toute la journée tandis que ses amies se pavanent avec leurs gros deals en millions de dollars, leurs blogs connus et lus par presque tout New-York), et ont l'amour de la cuisine. Si l'une galère pour obtenir une publication, un certain succès, l'autre peut remercier internet d'avoir fait d'elle quelqu'un de connu.

C'est par son identification à Julia que Julie trouve la motivation de continuer, au péril de ses casseroles, de son chat, de sa taille, et de sa relation avec son mari.
Julia, continue d'écrire, de corriger les recettes, de les adapter, même si toutes les maisons d'éditions l'envoient se mettre son canard désossé dans le rectum.
Il y a bien une petite morale cachée, discrètement dans le film : n'oubliez pas de vous battre pour ce que vous voulez, la persévérance est la seule monnaie du succès.



Et bien sûr, Julie Powell idolâtre Julia Child, peut-être trop à l'extrême pour sembler crédible, voilà l'unique point noir de ce film réjouissant, drôle, qui vous donnera envie de faire un boeuf bourguignon à tous vos amis.

lundi 8 mars 2010

match point woody allen


The man who said "I'd rather be lucky than good" saw deeply into life. People are afraid to face how great a part of life is dependent on luck. It's scary to think so much is out of one's control. There are moments in a match when the ball hits the top of the net, and for a split second, it can either go forward or fall back. With a little luck, it goes forward, and you win. Or maybe it doesn't, and you lose



Match Point s'ouvre avec ce court monologue, qui apparait comme un soliloque, de Chris Wilton (Jonathan Rhys Meyers), ancien tennisman professionnel, reconverti en professeur particulier.
Son installation presque nonchalante à Londres, son admission dans une sorte de country club, sa vie recluse entre ouvrages intellectuels et disques d'opéra, se pimente lors de sa rencontre avec Tom Hewett (Matthew Goode), fils de parents extrêmement riches, vivant une existence cossue, faite d'opéras, de brunchs, de vacances dans la résidence à la campagne.
L'amitié naissante entre les deux jeunes hommes amène Chris à rencontrer la soeur de Tom, Chloe (Emily Mortimer), femme presque parfaite, bien éduquée, sensible, à l'écoute, qui, bien évidemment s'éprend du jeune irlandais ancien tennisman professionnel.
Néanmoins, les choses de compliquent pour Chris lorsqu'il pose les yeux sur Nola Rice (Scarlett Johansson), la fiancée de Tom, somptueuse aspirante comédienne d'origine américaine, qui fait tourner les têtes plus vite que son ombre.

Woody Allen, dans son exil européen, sort Match Point en 2005, qu'il considère d'ailleurs comme un de ses meilleurs films.
En effet, le film a glané, outre diverses récompenses, bon nombre d'avis positifs et satisfaits de ce film qui est tout sauf drôle, construit comme une tragédie shakespearienne, allant du bonheur et de la satisfaction initiale à la perte irrémédiable, touchant de nombreux protagonistes.
Cela dit, c'est avec beaucoup de cynisme que la fin est envisagée, attestant de son identité de "fable noire" sur l'ascension d'un personnage atypique dans un milieu, dont finalement, son coeur veut se défaire, mais pas sa raison – ou sa folie nous pourrions même dire -, le fait d'entrer dans la vie des privilégiés et voulant y rester, étant une certitude.



Chris Wilton est difficile à cerner, dans sa totalité, sa complexité. Il oscille entre deux mondes, celui du compréhensible et celui de l'insondable, en permanence. Sa décision de venir à Londres, n'est jamais sous-entendue, ou même rendue publique. Il s'est purement et simplement retrouvé par chance dans cette ville, c'est le hasard, une aubaine qu'il ait été engagé, qu'il a croisé le chemin des Hewett, et, qu'il a plu à Chloe.
La personnalité de Wilton reste énigmatique : on ne peut deviner ce qu'il va faire, ses motivations sont occultées, on ne sait qu'une chose : il ne tient pas à retourner au stade précédent, celui où l'argent pouvait être un problème, où il fallait compter sur la chance pour avoir un boulot (plaire ou ne pas plaire à un employeur, tandis que dans sa nouvelle vie, son beau-père l'a pistonné), et où aller dans des loges privées à l'opéra relevait du rêve.

I got involved with a woman. Very nice. Family's got nothing but money

Match Point ne consiste pas en une critique de la haute société, il n'y aucun parti pris, même si certaines scènes peuvent y faire penser : lors d'un repas au restaurant, au moment de passer commande, alors que Tom et Chloe n'ont aucun souci à demander des plats, qui, par leurs noms riment avec opulence, Nola est un instant hésitante, et Chris, lui, opte pour un poulet, très simple. C'est alors que les deux enfants de la balle lui font changer sa demande, la forme est plus importante que le fond, il vaut mieux paraître qu'être.
A partir de ce moment, si on fréquente la haute, il faut se plier à ce qu'elle mange, à sa façon de concevoir le monde, ne pas exhiber son passé simple. Beaux vêtements de marque, chauffeur personnel, grand appartement surplombant la Tamise, parties de chasse.



Si Chris Wilton finit comme enchaîné à sa nouvelle condition, ce n'est pas lui qui s'y est englué : Chloé a tissé chaque fil de la toile, encourageant son père à davantage forcer le jeune homme à se sentir redevable, mais sans que la jeune femme s'en rende compte.

Nola est bien sûr similaire à Chris : elle vient du Colorado, sa mère avait des problèmes avec la bouteille, la jeune fille a les pieds sur Terre, a besoin de quelques gouttes d'alcool pour délier sa langue, et même se prêter au jeu de la séduction avec Chris. Chris et Nola sont deux victimes de leur chance, deux pantins qui ne s'en aperçoivent même pas, pour satisfaire un bonheur qui n'est pas directement de leur ressort, malgré eux parfois. Peut-on quand même parler de chance pour eux?
Il est prévisible que ces deux êtres (Chris et Nola) nouent une relation basée sur une Passion sans bornes, que Chris ne vit jamais avec Chloe, même sous une forme atténuée, alors que Nola regorge de sensualité, de désirs insolites et de parties de jambes en l'air avec Tom. Mais la surprise ne réside pas dans les ébats, mais plutôt dans la conclusion de l'histoire, brutale, mais magistrale.

So tell me, what's a beautiful young American ping-pong player doing here mingling among the British upper class?

Woody Allen, très shakespearien dans son scénario, sa réalisation, son histoire, sa présentation de personnages, avait sans doute l'intention d'évoquer à quel point la vie tient parfois à une question de chance, être au bon endroit au bon moment. Un regard sur l'accession à une haute sphère de quelqu'un de presque anonyme, et les conséquences qui en découlent, surtout lorsque le tout est vécu par un homme qui a toujours invoqué son désir d'aller plus loin, de voir plus, persuadé que la vie devait lui apporter mieux.
Match Point est une incitation à l'opéra, à la volupté de Johansson, à l'étrangeté de Rhys Meyers, et à une réflexion sur le poids de la chance dans la vie.