lundi 22 février 2010

the lovely bones

Le retour du Roi Peter Jackson, cinq ans après King Kong, est des plus attendus, car il s'agit de l'adaptation d'un roman d'Alice Sebold, The Lovely Bones, l'histoire d'une adolescente de quatorze ans, violée puis tuée, qui, de son monde parfait, sorte de paradis, aperçoit ce qu'il advient de sa famille, déchirée, en morceaux, et de son assassin, qui n'est autre qu'un voisin.
Peter Jackson, dans une interview, avait confié avoir été ému par cette histoire un peu fantastique, dont il a lui-même signé le scénario, accompagné de ses habituelles coéquipières, Philippa Boyens et Frances Madame Peter Jackson Walsh.

The Lovely Bones, est raconté, du point de vue de son personnage principal, Susie Salmon, une adolescente de quatorze ans, violée et tuée le 6 décembre 1973 par Mr Harvey, un voisin, dans un champ de maïs, à quelques centaines de mètres de leur quartier.
Susie, en mourant, intègre une sorte de pré-paradis ou de purgatoire, sans elfes à cornes et autres démons, si ce ne sont les siens, ceux qu'elle porte en elle depuis le début, relatifs à son assassinat. Ce monde "entre-deux" comporte ce qu'elle veut voir (elle peut le moduler comme elle désire qu'il soit), et un accès visuel à ce qui se passe à l'extérieur, dans la vie, chez les mortels, entre ses parents qui tentent de reconstruire leur vie, de continuer à la chercher, sa soeur qui doit surmonter le tout, l'inspecteur qui se démène dans les pistes évoquées, et enfin, son meurtrier.


S'il est légitime de s'attendre à voir un film intense, empreint d'une violence certaine, il n'en est rien. A part une scène réellement glauque, mêlant horreur, tragédie, et macabre, les deux heures de film se font avec un peu de douleur, beaucoup de mystère, une dose de suspens nécessaire, et, même de l'humour, assuré par Susan Sarandon en grand-mère inoubliable, vivant cigarette dans une main, même deux, et verre d'alcool dans l'autre.
Par certains choix scénaristiques, le viol de Susie n'est nullement explicité du point de vue visuel ou autre. La scène du meurtre est également adoucie, rien n'est vu, mais elle est sous-entendue dans une scène très abstraite, semblant sortie d'une méditation transcendantale, où quelques éléments (boue, sang, baignoire, rasoir) occupent des places symboliques, perdant le spectateur dans une situation d'élaboration du scénario, le laissant à la recherche des éléments qu'on a préféré taire, de l'insoutenable, de l'atrocité (qui reviendront plus tard dans une scène lugubre, horrifique).

La jeune actrice d'origine irlandaise qui incarne Susie, Saoirse Ronan, avait déjà attesté l'étendue de son talent dans Atonement, de Joe Wright sorti en 2007, où son rôle majeur influençait une histoire malchanceuse pour les deux protagonistes principaux. La jeune actrice confirme dans The Lovely Bones qu'elle est à suivre, même si certains plans sur les émotions – trop souvent identiques – qui la traversent sont de trop.
Comme parents, Mark Wahlberg et Rachel Weisz forment un duo qui marche plutôt bien, beaucoup d'alchimie entre les deux acteurs, qui, ont, chacun, quelque chose de fantastique dans leur façon d'aborder leur personnage : la sensibilité de Weisz, et l'acharnement de Wahlberg. L'amour que porte Jack Salmon à sa fille est tel qu'il donne une magnitude d'autant plus forte à l'histoire, renforçant l'identification du spectateur à la situation, définitivement déstabilisant.
Stanley Tucci, lui, est George Harvey, le violeur et assassin de Susie, personnage méthodique, pervers, qui se cache derrière son apparence de gentil vieux divorcé qui construit des maisons de poupées, dévoué, mais toujours discret. Il est le personnage sur lequel on apprend peut-être le plus, central dans l'histoire, dont la cruauté et la faim de pulsions détruisent une vie, voire plus.
Susan Sarandon a un petit rôle, sympathique, qui permet d'éviter de sombrer dans la morosité.

En définitive, c'est un résultat mitigé que livre ce nouveau film de Peter Jackson : le côté esthétique est visuel vaut peut-être de l'or (la vision du "monde" de Susie (son entre-deux) est époustouflante, vibrante de vie, de poésie, et aussi de chagrin et de tristesse), mais quelques mauvais choix du réalisateur et des scénaristes gâchent le plaisir.
D'abord, le trop plein de plans émotionnels. Soyons bien d'accord, The Lovely Bones est un film débordant d'émotions, d'ébranlements, de frissons, mais le fait d'exposer trop longtemps des images presque stéréotypées (parce que trop exploitées dans le film), nuit gravement à la trame.
Ensuite, le rythme s'épuise, s'attardant parfois sur des choses pas fondamentales, qui n'arrivent pas à induire une quelconque nouvelle dynamique, de nouveaux sentiments.
Cela dit, le film peut s'enorgueillir d'avoir de très bons éléments, outre son apparence : un casting à la hauteur, une histoire touchante et prenante, une touche fantasmagorique indétrônable.

The Lovely Bones est donc le retour de Jackson, mûr, quoi qu'un peu brouillé depuis King Kong : il faut dire que privilégier la création d'un univers visuel ne prévalue pas sur un scénario et une réalisation impeccables. Néanmoins, ce nouvel opus est tout de même à voir.

jeudi 11 février 2010

ces emmerdeurs de pseudos intellectuels

Vient toujours un moment où l'individu est confronté à une appréciation – bonne ou mauvaise – de ses goûts en matière de films. Lorsque cela arrive, plusieurs options sont de mise : nier, faire genre, « je ne l'ai vu qu'une fois, c'est pas mon style, je n'ai pas aimé non plus », maintenir sa position « ah non, je suis désolé(e), pour moi ce film est bon même si pour toi il comporte autant de subtilité qu'une plage de nudistes par moins quarante degrés », ou se taire, je vous emmerde et je rentre à ma maison.

Il y a toujours des gens pour vous rabaisser. Oui, des nuisibles emmerdeurs qui disent que le film X est d'une nullité artistique à chier, donne une caméra à Britney Spears, elle pourrait faire mieux. Les autres qui ne jurent que par le cinéma indépendant, les films d'auteurs, décrétant que le reste est juste bon pour la masse populaire dont le cerveau ne contient pas de sillons.
Voilà le triste constat : il y a des imbéciles dans les cinéphiles des villes (non, c'était juste pour la rime ça).

Le cinéma d'auteur, cinéma qu'on qualifie d'expérimental, sans doute pour attester de son caractère souvent mauvais, est passé par des vagues de lenteur, des circuits où le bâillement est une chose habituelle. Certains Godard sont très bon, traitant de sujets tout aussi variés que passionnants, mais souvent, la fatigue pointe vite le bout de son nez. Idem pour Van Sant, qui, au point culminant de sa phase expérimentale, s'est retrouvé à réaliser « Last Days », un film qui a le don de donner envie à celui qui le regarde des envies de suicides aussi claires que celles du protagoniste du film.
L'ennui, la solitude, la fatigue. L'art, en somme, comme le disent nos « intellectuels » plus malins, plus enclins à déceler toute sorte de soi-disant subtilité : plus c'est long, plus c'est con, plus c'est bon. Ah non, pas con, c'est intelligent, j'avais oublié.


Mais pourquoi ce dédain, cette personnalité hautaine, ce mépris des gens qui ne se font pas chier à devoir trouver une quelconque transcendance dans une scène ? Pour se démarquer du spectateur lambda, souvent amené à des choix stratégiques de films « faciles », faute d'une instruction ou d'une culture suffisante pour apprécier ce qui sort du lot? Monsieur et Madame Toutlemonde n'ont pas toujours le temps, ni l'envie de se confronter à des visions, des partis pris : peut-on reprocher à quelqu'un de ne pas vouloir voir Funny Games, par exemple? Et inversement, peut-on considérer cela comme malsain de regarder Funny Games, ou même Salo et les 120 jours de Sodome?

Ce qui est le plus dérangeant est tout simplement le jugement en lui-même. Chacun a son avis sur un film, ses impressions, débarque avec son histoire personnelle, ses interprétations, et n'a pas le même regard sur un même problème : il n'y a pas une mais plusieurs vérités, la réalité est donc multiple (nous n'allons pas nous attarder ici sur la réponse adverse très philosophique qui envisage qu'il y a une vérité, mais pas à la portée des humains pour des raisons x).
Il faut replacer dans un contexte parfois diffus et difficile à appréhender chaque chose, chaque avis.
Le jugement se porte donc toujours par rapport à soi, à ce qu'on peut faire, ce qu'on veut faire et ce qu'on ne peut pas faire. Et tout le monde le sait, un vrai intellectuel du cinéma préfère passer une soirée à dormir ou à se donner l'impression d'être quelqu'un de plus fin, de plus cultivé et de plus select que les autres.

Le dernier point important relatif à ce cinéma d'auteur est bien entendu son ton général ; loin d'être joyeux, il est souvent maussade, pas vraiment donneur de leçon, mais fréquemment noir. La religion catholique aimant toujours le malheur (qui donne une profondeur à ses victimes), et la société en général, trouvant que la douleur est une force, retirer une satisfaction de pouvoir clamer « je suis capable de me bouffer deux heures d'atrocités, c'est de l'art » est donc en mouvance avec les instances supérieures, dirons-nous.

La prochaine fois que vous prenez Die Hard dans vos mains et qu'une pétasse vous toise en sifflant avec ses lèvres comme un serpent, retournez-vous sur elle et dites-lui « si tu es une mal baisée pseudo gothique qui adore se faire chier deux heures devant une fille qui prend son bain, alors, franchement, ne me dis pas que tu te trouves maligne, tu es pire qu'une tumeur au genou un soir de saint-sylvestre ».

lundi 8 février 2010

je vais bien ne t'en fais pas

Lili rentre de vacances, heureuse, impatiente de voir son frère jumeau, Loïc. Mais non, Loïc n'est pas là, à l'attendre avec les parents, il ne sera pas non plus à la maison, avec sa guitare à composer des chansons pour sa soeur. Loïc est parti. Une dispute entre père et fils qui a mal tourné, qu'ils disent les parents. Une sensation amère remplie d'incompréhension chez Lili : comment son frère aurait-il pu partir, elle ne lui a rien fait, ils s'aiment, ils sont inséparables, comment il ne peut pas lui donner de nouvelles à elle, elle qui l'aime, elle qui souffre de son absence comme pas possible, elle qui arrête même de manger, sans le faire exprès, juste parce que c'est comme si l'oxygène lui manquait, plus rien n'a d'importance si Loïc n'est pas là, ça n'en vaut plus la peine, la présence de son frère, sa moitié, son double, est une nécessité, où est-il?



Adapté du roman d'Olivier Adam éponyme, Je vais bien ne t'en fais pas, est un film qui a accumulé les récompenses, surtout celles relatives aux jeux d'acteurs (Mélanie Laurent, Kad Merad, Julien Boisselier), amplement méritées, le film étant un de ceux qu'il faut voir deux fois pour vraiment l'apprécier, et mieux comprendre tous les petits détails qu'on ne croyait pas si importants, ou au contraire, primordiaux.
Mélanie Laurent est Lili, cette jeune fille paumée dans l'existence, Claire dans le livre d'Adam, cette petite personne perdue dans le trou dans le vie, ne supportant plus d'être, de vivre, d'admettre que son frère soit parti comme le vent souffle dans les dunes, emportant tout sur son passage, une peine infinie, un sentiment de vide que rien ne comble. Lili ne va pas se remettre de ce départ qui n'a fait aucun bruit, aucune éclaboussure si ce n'est celle qu'elle voit dans les yeux embrumés de ses parents, qui, mordent leurs lèvres, dévorées par la culpabilité, la trace de leur souffrance s'inscrivant dans chacun de leurs pas. Lili/Claire choisi de se laisser mourir, la vie n'ayant plus rien à lui offrir, si ce n'est le retour du frère prodigue, l'absolution accordée dès le moment où il lui dirait « je vais bien ne t'en fais pas ».

Kad Merad et Isabelle Renauld sont les parents de Lili et Loïc, deux personnages récurrents qui ont souvent l'air de fantômes qui déambulent dans leur propre vie, faute de mieux, inquiets pour leur fille, tristes que leur fils ne sont plus avec eux, que la situation s'enlise dans la morosité et la douleur. Après la séparation, supporter leur fille dépérir, puis se reprendre enfin, tout en ne vivant pas pleinement, les affecte au plus haut point. Le regard de Kad Merad est important, riche en mots qui ne se prononcent pas, sa voix semblant toujours vouloir s'arrêter, puis se reprendre, comme un dernier souffle avant d'avouer l'inavouable. Isabelle Renauld écope d'une démonstration de dramatique absolu, plus aucun sourire, plus aucun espoir, mais la volonté de se surpasser pour donner un exemple à Lili. La plus grande force d'une interprétation ne tient pas dans son côté dramatique, mais dans la quantité d'émotions qui semblent transpercer l'écran, fournir une nouvelle claque au spectateur, forcé de se rendre à l'évidence : la transcendance existe.
Par le scénario initial, les deux rôles les plus captivants sont ceux de Kad Merad et de Mélanie Laurent : deux personnages forcés de se reconstruire, de retrouver un sens malgré l'air ambiant qui empoisonne l'esprit, les motivations, les besoins vitaux. Cependant, Je vais bien ne t'en fais pas, n'est pas un film foncièrement triste. Il y a de l'espoir, de la joie, et même dans les yeux submergés, ou dans ceux qui vous aiment.
Julien Boisselier est le protagoniste, qui, au fur et à mesure ramène Lili à la réalité, attire la jeune fille vers la réalité, permute sa présence avec celle de Loïc, l’éternel absent, celui dont on parle tout le temps mais qui n’est jamais là. L’alchimie entre Laurent et Boisselier est même énigmatique, réelle, les deux acteurs étant, à cette époque-là, ensemble à la ville.
Mais peu importe, il n’en reste pas moins qu’on sort bluffé de ce duo mystérieux, interdépendant, amoureux.




« Je vais bien ne t’en fais pas » est un film qu’on regarde deux fois, comme dit plus haut. On apprécie ces phénomènes humains qu’une fois qu’on voit au-delà des apparences (il faut se détacher de ce qu’on voit, considérer une nouvelle dimension du problème, dissocier ce qu’on voit, ce qui se passe réellement, et ce qui se trame).

Philippe Lioret signe un drame avec enquête et quête de soi par une jeune femme désabusée, au plus profond de l’isolement qu’elle s’est elle-même fixé, qui ne promet qu’une chose : tenir en haleine jusqu’à la conclusion finale.

dimanche 7 février 2010

A History of Violence, Cronenberg

Dix-septième film de David Cronenberg, A History of Violence, sorti en 2005, qui a fait partie de la compétition officielle du festival de Cannes la même année, met en scène la dualité entre deux mondes : celui de la violence, et celui de la tranquillité.

Le film se déroule en trois actes, trois actes non-préalablement annoncés par Cronenberg, mais aisément décelables par le spectateur : le premier est celui de la présentation, de la tranquillité qui devient perturbée par une violence inouïe, gratuite et déchaînée, le deuxième, de la tranquillité qui devient une façade, qui découle de la violence, et le troisième, de la violence qui veut devenir une façade. Pour des raisons de « spoiler », l'article ne détaillera pas les deux derniers actes, c'est évident, mais s'attardera sur certains points.



A History of Violence s'ouvre sur un travelling de deux hommes qui quittent un hôtel. Après cinq minutes de tergiversations, la caméra suit l'un deux, qui revient prendre de l'eau, nonchalant, alors que des cadavres gisent par terre et qu'une petite fille, vivante, assiste à la scène avant d'être assassinée.
Une enfant se réveille, dans son lit, pleurant, prétextant avoir vu des monstres. Son père, Tom Stall (Viggo Mortensen) la rassure, répétant inlassablement que les monstres n'existent pas, il n'y en a pas. Premier sous-entendu scénaristique sur la complexité de la psychologie des personnages qui vont se développer sous le nez du spectateur.
Les Stall sont une famille normale, vivant dans une petite bourgade de l'Indiana, le père tenant un petit restaurant dans le centre-ville (d'un mouchoir de poche), la vie étant sans histoires, paisible, jusqu'au soir où les deux tueurs du début font irruption dans le restaurant. Alors que la tension est à son comble, qu'un des hommes essaye de tuer la serveuse, Tom, avec des réflexes méthodiques, tue les deux hommes, et devient un héros pour la communauté locale, l'affaire passant à la télévision, dans les journaux.
Cependant, peu de temps après, un homme étrange apparenté à la mafia de la côte est vient au restaurant et prend Tom pour un dénommé Joey...

Qui est Tom Stall? Qui est Joey? Qui sont ces mafieux? Comment un homme d'ordinaire doux, attentionné, a-t-il pu tuer deux malfrats, d'une telle façon? Légitime défense? Folie sous-jacente qui ne demande qu'à éclater? Si Tom était Joey comment est-il devenu quelqu'un d'autre?
Les indices sont disséminés avec beaucoup de savoir-faire à travers les dialogues, les plans, les jeux d'acteurs, la portée des interprétations des acteurs étant tout à fait non-discutable quant à l'élaboration de l'histoire totale, celle qui n'est pas présentée ici, mais qu'on voit s'ébaucher à travers chaque pièce du puzzle qu'un personnage apporte.
Chapeau bas à Viggo Mortensen, qui, n'a pas besoin de longues tirades pour prouver son talent, son corps parle assez pour lui, son visage semblant déclamer plus de signes que le moindre monologue.

Cronenberg aimant beaucoup parler de la psychologie des personnages, il n'est pas étonnant de trouver un personnage aussi alambiqué que Tom, déroutant, posant d'innombrables questions et étonnant toujours. Néanmoins, le fils de Tom, Jack, est aussi un cas intéressant : son évolution, à travers le film, au contact de la violence (celle d'un garçon de son école qui n'arrête pas de le provoquer, et enfin, celle qui a eu un impact sur la communauté), est des plus dangereuses, prenant une direction exponentiellement grave.



« A History of Violence » se traduit par « Un Passé Violent », littéralement, bien que les québécois ont opté pour la version « Une Histoire de Violence », étant d'ailleurs un titre à double sens, renvoyant au présent qui est violent, et le passé qu'on suggère avoir été empreint d'une énorme violence.

La violence est donc le thème principal, lorsque l'identité ne prend pas le dessus : les deux concepts voguent, dansent, l'un devenant prépondérant à un moment, avant que l'inverse ne se reproduise : il s'agit d'un mouvement fréquent, mais dont les deux parties sont liées, inévitablement.
C'est par la violence que l'identité s'est construite, c'est dans l'identité même qu'est la source de la violence, et c'est l'identité qui définit la violence.
D'ailleurs, les scènes violentes, telles qu'elles sont présentées, ne sentent pas la minimisation, ni l'égayement : on montre les choses comme elles sont, sans chorégraphie, sans vouloir apaiser celui qui se risque à regarder, sans frôler le gore non plus. Un besoin de retrouver la réalité, à travers les blessures, les coups qu'on donne, les écorchures qu'on prend.
L'identité, elle, pour le personnage de Tom et celui de Jack, est ébranlée, dérangée de ses habitudes : l'élément nouveau balaye tout sur son passage, pour un temps, le temps de la violence.

David Cronenberg, par des choix de réalisation très judicieux, sème une ambiance particulière, des questions, et, beaucoup de symboles. Chaque geste, chaque oeil qui cligne, chaque bouche qui forme une grimace est matière à analyse, à allégorie cachée.
Malgré un certain dédain des instances donnant des récompenses, A History of Violence sort du lot des films sur la violence, s'inscrit dans une logique très psycho-philosophique de la vision des choses, et mérite plus qu'amplement un coup d'oeil intéressé.