lundi 8 février 2010

je vais bien ne t'en fais pas

Lili rentre de vacances, heureuse, impatiente de voir son frère jumeau, Loïc. Mais non, Loïc n'est pas là, à l'attendre avec les parents, il ne sera pas non plus à la maison, avec sa guitare à composer des chansons pour sa soeur. Loïc est parti. Une dispute entre père et fils qui a mal tourné, qu'ils disent les parents. Une sensation amère remplie d'incompréhension chez Lili : comment son frère aurait-il pu partir, elle ne lui a rien fait, ils s'aiment, ils sont inséparables, comment il ne peut pas lui donner de nouvelles à elle, elle qui l'aime, elle qui souffre de son absence comme pas possible, elle qui arrête même de manger, sans le faire exprès, juste parce que c'est comme si l'oxygène lui manquait, plus rien n'a d'importance si Loïc n'est pas là, ça n'en vaut plus la peine, la présence de son frère, sa moitié, son double, est une nécessité, où est-il?



Adapté du roman d'Olivier Adam éponyme, Je vais bien ne t'en fais pas, est un film qui a accumulé les récompenses, surtout celles relatives aux jeux d'acteurs (Mélanie Laurent, Kad Merad, Julien Boisselier), amplement méritées, le film étant un de ceux qu'il faut voir deux fois pour vraiment l'apprécier, et mieux comprendre tous les petits détails qu'on ne croyait pas si importants, ou au contraire, primordiaux.
Mélanie Laurent est Lili, cette jeune fille paumée dans l'existence, Claire dans le livre d'Adam, cette petite personne perdue dans le trou dans le vie, ne supportant plus d'être, de vivre, d'admettre que son frère soit parti comme le vent souffle dans les dunes, emportant tout sur son passage, une peine infinie, un sentiment de vide que rien ne comble. Lili ne va pas se remettre de ce départ qui n'a fait aucun bruit, aucune éclaboussure si ce n'est celle qu'elle voit dans les yeux embrumés de ses parents, qui, mordent leurs lèvres, dévorées par la culpabilité, la trace de leur souffrance s'inscrivant dans chacun de leurs pas. Lili/Claire choisi de se laisser mourir, la vie n'ayant plus rien à lui offrir, si ce n'est le retour du frère prodigue, l'absolution accordée dès le moment où il lui dirait « je vais bien ne t'en fais pas ».

Kad Merad et Isabelle Renauld sont les parents de Lili et Loïc, deux personnages récurrents qui ont souvent l'air de fantômes qui déambulent dans leur propre vie, faute de mieux, inquiets pour leur fille, tristes que leur fils ne sont plus avec eux, que la situation s'enlise dans la morosité et la douleur. Après la séparation, supporter leur fille dépérir, puis se reprendre enfin, tout en ne vivant pas pleinement, les affecte au plus haut point. Le regard de Kad Merad est important, riche en mots qui ne se prononcent pas, sa voix semblant toujours vouloir s'arrêter, puis se reprendre, comme un dernier souffle avant d'avouer l'inavouable. Isabelle Renauld écope d'une démonstration de dramatique absolu, plus aucun sourire, plus aucun espoir, mais la volonté de se surpasser pour donner un exemple à Lili. La plus grande force d'une interprétation ne tient pas dans son côté dramatique, mais dans la quantité d'émotions qui semblent transpercer l'écran, fournir une nouvelle claque au spectateur, forcé de se rendre à l'évidence : la transcendance existe.
Par le scénario initial, les deux rôles les plus captivants sont ceux de Kad Merad et de Mélanie Laurent : deux personnages forcés de se reconstruire, de retrouver un sens malgré l'air ambiant qui empoisonne l'esprit, les motivations, les besoins vitaux. Cependant, Je vais bien ne t'en fais pas, n'est pas un film foncièrement triste. Il y a de l'espoir, de la joie, et même dans les yeux submergés, ou dans ceux qui vous aiment.
Julien Boisselier est le protagoniste, qui, au fur et à mesure ramène Lili à la réalité, attire la jeune fille vers la réalité, permute sa présence avec celle de Loïc, l’éternel absent, celui dont on parle tout le temps mais qui n’est jamais là. L’alchimie entre Laurent et Boisselier est même énigmatique, réelle, les deux acteurs étant, à cette époque-là, ensemble à la ville.
Mais peu importe, il n’en reste pas moins qu’on sort bluffé de ce duo mystérieux, interdépendant, amoureux.




« Je vais bien ne t’en fais pas » est un film qu’on regarde deux fois, comme dit plus haut. On apprécie ces phénomènes humains qu’une fois qu’on voit au-delà des apparences (il faut se détacher de ce qu’on voit, considérer une nouvelle dimension du problème, dissocier ce qu’on voit, ce qui se passe réellement, et ce qui se trame).

Philippe Lioret signe un drame avec enquête et quête de soi par une jeune femme désabusée, au plus profond de l’isolement qu’elle s’est elle-même fixé, qui ne promet qu’une chose : tenir en haleine jusqu’à la conclusion finale.