vendredi 19 novembre 2010

dawn of the dead


George A. Romero est au cinéma d'horreur ce que David Lynch est au bizarre. Quoi qu'on puisse penser actuellement en matière de cinéma horrifique, pour comprendre le genre, il faut revenir aux prémisses. En 1968, George Romero et quelques amis produisent et tournent un film qui aura un écho mondial : Night of the Living Dead. Au lieu des séduisants Dracula présentés auparavant, le film donne un nouvelle dimension aux morts-vivants : il les présente comme lents, « bêtes » mais voraces, amateurs de chair fraîche. Le film fait également un clin d'oeil à la guerre du Vietnam qui décime la jeune génération. Le style Romero est né : une ambiance oppressante, une musique à glacer le sang, des morts « réalistes » qui veulent manger les quelques vivants restants, et un message politique derrière. Dawn of the Dead a été tourné entre la fin 1977 et le début 1978, pour être présenté la même année. Le film est considéré comme un must, un classique du film d'horreur traditionnel. Alors que Night of the Living Dead était un film à (très) petit budget, Dawn of the Dead a coûté plus de six-cent-mille dollars, pour en rapporter plus de cinquante millions! Le succès du film est manifeste, tout comme la trilogie des morts-vivants de Romero, qui a été refaite de nombreuses fois, sans jamais égaler l'originale (dernier exemple en date : Day of the Dead, nouvelle mouture).

1978, une station de télévision de Philadelphie. Le chaos retransmis à la télévision ébranle Steven, le conducteur d'hélicoptère et Francine, son amie enceinte. Tous deux décident d'utiliser l'hélicoptère pour partir, loin de la menace zombie qui prolifère comme les bactéries dans l'air ambiant. Le couple est rejoint par Roger et Peter, deux membres d'équipes SWAT. Le quatuor, en pleine recherche d'essence, tombe sur un centre commercial où ils décident de se réfugier. Le centre commercial étant peuplé de quelques zombies, les hommes se chargent de les éliminer, et dans leur hâte, Roger est mordu. Malgré ce détail, les quatre protagonistes décident de rester dans ce lieu, persuadés qu'ils ont tout ce qu'il leur faut pour survivre.

Quand on demande aux gens s'ils connaissent Dawn of the Dead, ils répondent « ah oui, le film avec des zombies et les gens dans le centre commercial, avec comme message de fond la société de consommation ». Ce résumé fort trivial – mais vrai – suffit parfois pour certains individus, qui ne voient pas plus loin que « société de consommation ». Dans les années septante, les centres commerciaux pullulent partout, les deux chocs pétroliers ont beau avoir affaibli économiquement les USA, les comportements de consommation sont encouragés et multipliés. Les quatre personnages du film qui utilisent d'abord le centre commercial comme un lieu de refuge, deviennent « accros » à ce que ce dernier leur procure, et finissent par même être emprisonnés à l'intérieur de celui-ci, avec de moins en moins de contacts extérieurs. Ce qui peut sembler le rêve pour les dingues du shopping se révèle un cauchemar à l'état pur : les protagonistes sont enfermés dans la consommation, dans l'opulence vulgaire. Assez de fusils pour tuer la population de l'Arkansas, assez de vestes pour vêtir les habitants de New-York, assez de matériel en tout genre pour subvenir mille fois à ses propres besoins, Peter, Steven et Francine sont submergés par le centre commercial qui – en définitive- les possède. Comme Goldman chantait « j'ai pris les choses et les choses m'ont pris ». Il n'y a pas que les vivants qui sont attirés par le centre commercial : les zombies le squattent avant d'être tués, puis, ils arrivent en masse aux portes, chaque jour plus nombreux. A la fin du film, ils déambulent dans le centre commercial, comme si tout était normal, comme dans leurs anciennes vies, comme les gens font encore aujourd'hui, comme des victimes de la société de consommation. Les zombies et les humains ne diffèrent pas sur ce point : tout le monde est martyr de la mondialisation, de l'économie. Nous faisons en théorie la société, mais en pratique, c'est elle qui nous fait.

Même si le centre commercial est un enfer à part entière, le pire est toujours à venir : les films de Romero sont construits de la sorte : il s'agit d'une situation exponentiellement fatale, en construction perpétuelle. Il y a toujours un mouvement qui veut faire sortir, et donc, en conséquent, qui fait entrer les morts et leur permet de se nourrir des vivants, de façon abominable, gore. Pour la partie gore, Romero a pu compter sur le coup de pouce de Tom Savini, le maître du maquillage et des effets spéciaux*. Le spécialiste a même un rôle anecdotique dans le film.

Dawn of the Dead est un chef d'oeuvre du film d'horreur, qui joue sur les émotions, la peur de la solitude (car même si les personnages sont à quatre, puis à trois, ils restent seuls survivants dans un océan de zombies), l'absurdité de notre propre existence. Romero voulait, originellement, qu'à la fin de son film, tous les vivants meurent : au final, Peter, le noir, et Francine, la femme, sont les seuls survivants, même si le film s'éteint sur leur échange concernant le peu d'essence qu'il reste.

Car, en plus d'avoir un message politique, les films de Romero ont toujours une sorte de morale : les seuls qui peuvent survivre sont les vertueux, comme Peter et Francine, qui ont été les moins tentés par la société de consommation, et les risques non-nécessaires (qui mènent Roger et Steven à la mort).

dimanche 14 novembre 2010

500 days of Summer : cinq bonnes raisons de voir le film



(Ceci pue le réchauffé, j'ai déjà parlé de 500 Days of Summer, mais un nouveau visionnement m'a convaincu de réitérer mon admiration pour ce petit bijou du cinéma indépendant américain : Voici donc les 5 bonnes raisons de le voir)

1.
La première bonne raison n'est pas Joseph Gordon-Levitt. Cela aurait été bougrement trop facile, comme si j'avais dit «la coupe sixties de Zooey Deschanel est au kitsch ce que ce vieux cochon décédé d'Henri VIII était à la tyrannie ». A la place, je préfère dire que la musique du film est la première raison de s'attarder sur le film. La plus belle chanson – enfin, une des plus belles chansons – des Smiths, à savoir, There's a light that never goes out, risque de rester dans votre tête pendant des heures, grâce à la scène hautement musicale de l'ascenseur. The Temper Trap figure aussi dans le soundtrack avec le magnifique morceau Sweet Disposition. Pour le reste, citons Regina Spektor et son Us très mégalo, She & Him reprennent Please, Please, Please let me get what I want des Smiths, et les Black Lips chantent Bad Kids. Du rock, de la tendresse musicale, ce qu'il faut de romantique, d'énergique, de drôle, de triste : à l'image de l'histoire d'amour entre Tom et Summer, un régal pour les papilles gustatives, Bonux, une question de bon sens.

2.
La deuxième bonne raison n'est toujours pas Joseph Gordon-Levitt, faut pas déconner non plus, son "dat ass" ne peut pas jouer en sa faveur éternellement.
500 Days of Summer s'apprécie encore plus quand on a déjà vécu une rupture douloureuse dans sa vie. Mais si, ne fais pas l'innocent, c'est un peu comme quand Simone t'a plaqué, en prétextant qu'elle préférait Robert; tout le monde sait bien que tu as touché le fond de la bouteille de Chimay, au sens propre ce jour-là. Les ruptures font mal, surtout quand on a cru dur comme fer que l'histoire avait un hypothétique avenir, que les papillons butineraient pour toujours nos ventres transis, et nos estomac repus. Tom, le personnage masculin du film, vit plus ou moins la même chose. Comme il le dit si bien : I love how she makes me feel, like anything's possible, or like life is worth it (= J'adore comment je me sens grâce à elle, comme si tout était possible, comme si la vie en valait la peine). Cette phrase prouve bien à quel point la douleur est intense, une fois que l'histoire est finie. Mais ne vous en faites pas, 500 Days of Summer n'est pas un film pour dépressifs/de dépressifs, c'est une approche drôle et touchante d'une histoire d'amour dont il faut bien un jour se remettre, comme de la hausse du prix du pain en Belgique la semaine passée.

3.
La troisième bonne raison, c'est le couple formé par Joseph Gordon-Levitt et Zooey Deschanel : ces deux-là vont parfaitement ensemble, ils sont le Ken et la Barbie des films indépendants, les symboles sexy indé de ce monde qui tourne si vite, qui change, mais qui reste un minimum romantique. Joseph Gordon-Levitt est d'une sensibilité telle qu'on lui tendrait bien un mouchoir quand il semble être sur le point de pleurer, et Zooey Deschanel montre une certaine vulnérabilité qu'on ne soupçonnait pas dans la première partie du film (puisqu'elle paraît quand même un peu salope). Quand les deux jeunes premiers occupent l'écran, on ne désire que les voir ensemble pour toujours, tant leur duo fonctionne avec brio (pour la rime). Ils rappellent un peu tous ces gens qu'on a connu de près ou de loin, qui nous effleurent parfois encore aujourd'hui : Tom est un peu le vieux pote du lycée qu'on retrouve avec les mêmes rêves de gosses qu'il y a dix ans, et Summer, elle est la voisine mystérieuse à qui on envie le style vestimentaire. Quand je vous disais que c'était le couple Barbie-Ken (mais sans la touche Toy Story 3 pour Ken).

4.
Certaines répliques du film valent le détour. Que ce soit dans un genre tordant, style :
Tom: I liked this girl.. man I loved her. What did she do? She took a giant shit on my face. Literally. (J'aimais bien cette fille... oh putain, je l'aimais. Et qu'est-ce qu'elle a fait? Elle m'a chié sur la gueule. Littéralement)
Alison: Literally? (Littéralement?)
Tom: ...not literally. That's disgusting. Jesus, what's the matter with you? (Non, pas littéralement, c'est dégueulasse. Putain, c'est quoi ton problème?)
Le film peut flirter avec le drôle, mais quelques fois, il fait presque dans le philosophique : il y a quelques réflexions cachées sous la couche principale, des petites questions sur l'amour, la vie à deux, le Hasard, les coïncidences, tout ça :
Paul: Robin is better than the girl of my dreams. She's real. (Robin (sa copine) est bien mieux que la fille de mes rêves. Elle est réelle)
En plus d'amuser, de faire rêver, le film pose quelques questions au spectateur, ce qui est un plus non-négligeable, comme une suédoise bien roulée qui habite en face et apprécie les soirées arrosées où elle enlève sa culotte aussi aisément que Maïté présente les produits gras à la télévision.

5.
500 Days of Summer n'est pas prévisible, ne tombe pas dans les clichés habituels, ce qui signifie, que c'est potentiellement un film pour mecs (et ne dites pas que ce n'est pas bien, pour une fois que ça n'est pas du mielleux sentimental à deux francs). Malgré ce détail, il faut quand même bien avouer – comme dit au point deux – que ce film s'adresse à tous ceux qui ont connu un ou une Summer, une créature maléfique qui a arraché notre coeur avec la dynamique des fluides en nous balançant comme un vieux kleenex de tuberculeux en disant "ah non, en fait, je commande le(a) prochain(e) en catalogue en ligne, je préfère, je peux ré-expédier plus facilement, sans frais de retour".