lundi 8 mars 2010

match point woody allen


The man who said "I'd rather be lucky than good" saw deeply into life. People are afraid to face how great a part of life is dependent on luck. It's scary to think so much is out of one's control. There are moments in a match when the ball hits the top of the net, and for a split second, it can either go forward or fall back. With a little luck, it goes forward, and you win. Or maybe it doesn't, and you lose



Match Point s'ouvre avec ce court monologue, qui apparait comme un soliloque, de Chris Wilton (Jonathan Rhys Meyers), ancien tennisman professionnel, reconverti en professeur particulier.
Son installation presque nonchalante à Londres, son admission dans une sorte de country club, sa vie recluse entre ouvrages intellectuels et disques d'opéra, se pimente lors de sa rencontre avec Tom Hewett (Matthew Goode), fils de parents extrêmement riches, vivant une existence cossue, faite d'opéras, de brunchs, de vacances dans la résidence à la campagne.
L'amitié naissante entre les deux jeunes hommes amène Chris à rencontrer la soeur de Tom, Chloe (Emily Mortimer), femme presque parfaite, bien éduquée, sensible, à l'écoute, qui, bien évidemment s'éprend du jeune irlandais ancien tennisman professionnel.
Néanmoins, les choses de compliquent pour Chris lorsqu'il pose les yeux sur Nola Rice (Scarlett Johansson), la fiancée de Tom, somptueuse aspirante comédienne d'origine américaine, qui fait tourner les têtes plus vite que son ombre.

Woody Allen, dans son exil européen, sort Match Point en 2005, qu'il considère d'ailleurs comme un de ses meilleurs films.
En effet, le film a glané, outre diverses récompenses, bon nombre d'avis positifs et satisfaits de ce film qui est tout sauf drôle, construit comme une tragédie shakespearienne, allant du bonheur et de la satisfaction initiale à la perte irrémédiable, touchant de nombreux protagonistes.
Cela dit, c'est avec beaucoup de cynisme que la fin est envisagée, attestant de son identité de "fable noire" sur l'ascension d'un personnage atypique dans un milieu, dont finalement, son coeur veut se défaire, mais pas sa raison – ou sa folie nous pourrions même dire -, le fait d'entrer dans la vie des privilégiés et voulant y rester, étant une certitude.



Chris Wilton est difficile à cerner, dans sa totalité, sa complexité. Il oscille entre deux mondes, celui du compréhensible et celui de l'insondable, en permanence. Sa décision de venir à Londres, n'est jamais sous-entendue, ou même rendue publique. Il s'est purement et simplement retrouvé par chance dans cette ville, c'est le hasard, une aubaine qu'il ait été engagé, qu'il a croisé le chemin des Hewett, et, qu'il a plu à Chloe.
La personnalité de Wilton reste énigmatique : on ne peut deviner ce qu'il va faire, ses motivations sont occultées, on ne sait qu'une chose : il ne tient pas à retourner au stade précédent, celui où l'argent pouvait être un problème, où il fallait compter sur la chance pour avoir un boulot (plaire ou ne pas plaire à un employeur, tandis que dans sa nouvelle vie, son beau-père l'a pistonné), et où aller dans des loges privées à l'opéra relevait du rêve.

I got involved with a woman. Very nice. Family's got nothing but money

Match Point ne consiste pas en une critique de la haute société, il n'y aucun parti pris, même si certaines scènes peuvent y faire penser : lors d'un repas au restaurant, au moment de passer commande, alors que Tom et Chloe n'ont aucun souci à demander des plats, qui, par leurs noms riment avec opulence, Nola est un instant hésitante, et Chris, lui, opte pour un poulet, très simple. C'est alors que les deux enfants de la balle lui font changer sa demande, la forme est plus importante que le fond, il vaut mieux paraître qu'être.
A partir de ce moment, si on fréquente la haute, il faut se plier à ce qu'elle mange, à sa façon de concevoir le monde, ne pas exhiber son passé simple. Beaux vêtements de marque, chauffeur personnel, grand appartement surplombant la Tamise, parties de chasse.



Si Chris Wilton finit comme enchaîné à sa nouvelle condition, ce n'est pas lui qui s'y est englué : Chloé a tissé chaque fil de la toile, encourageant son père à davantage forcer le jeune homme à se sentir redevable, mais sans que la jeune femme s'en rende compte.

Nola est bien sûr similaire à Chris : elle vient du Colorado, sa mère avait des problèmes avec la bouteille, la jeune fille a les pieds sur Terre, a besoin de quelques gouttes d'alcool pour délier sa langue, et même se prêter au jeu de la séduction avec Chris. Chris et Nola sont deux victimes de leur chance, deux pantins qui ne s'en aperçoivent même pas, pour satisfaire un bonheur qui n'est pas directement de leur ressort, malgré eux parfois. Peut-on quand même parler de chance pour eux?
Il est prévisible que ces deux êtres (Chris et Nola) nouent une relation basée sur une Passion sans bornes, que Chris ne vit jamais avec Chloe, même sous une forme atténuée, alors que Nola regorge de sensualité, de désirs insolites et de parties de jambes en l'air avec Tom. Mais la surprise ne réside pas dans les ébats, mais plutôt dans la conclusion de l'histoire, brutale, mais magistrale.

So tell me, what's a beautiful young American ping-pong player doing here mingling among the British upper class?

Woody Allen, très shakespearien dans son scénario, sa réalisation, son histoire, sa présentation de personnages, avait sans doute l'intention d'évoquer à quel point la vie tient parfois à une question de chance, être au bon endroit au bon moment. Un regard sur l'accession à une haute sphère de quelqu'un de presque anonyme, et les conséquences qui en découlent, surtout lorsque le tout est vécu par un homme qui a toujours invoqué son désir d'aller plus loin, de voir plus, persuadé que la vie devait lui apporter mieux.
Match Point est une incitation à l'opéra, à la volupté de Johansson, à l'étrangeté de Rhys Meyers, et à une réflexion sur le poids de la chance dans la vie.