jeudi 22 octobre 2009

We own the night - James Gray 2007


Pour que j'écrive à propos d'un film, il faut soit que celui-ci soit le pire des navets ne méritant pas d'être vu, ou, qu'il soit un bouleversement terrible dans mon esprit, saccageant toutes mes certitudes, mes espoirs, mes attentes.

Ce film de James Gray appartient à la deuxième catégorie, bien sûr. Il y a quelque chose dans la caméra du réalisateur, dans les lignes de son scénario, dans la direction et le jeu des acteurs qui vous rend mal à l'aise, qui vous donne envie de continuer, d'arracher chaque minute du long-métrage, tel un alcoolique envers ses bouteilles remplies d'éthanol.

Tout commence dans un décor imparfait mais semblant idéal dans les yeux de Bobby (Phoenix), visiblement fou de Amada (Mendez), dans une boîte de nuit remplie de drogues. Le patron, russe, est très lié à Bobby, et leur relation ressemble à celle d'un neveu et de son oncle, ou à celle d'un fils et de son père. Dans la soirée, après s'être excusé auprès de ses amis, le jeune homme va à une petite sauterie entre flics : son frère Joseph (Wahlberg) vient d'être muté, et s'occupant de la lutte anti-drogues, il demande à Bobby de l'aider. Mais Bobby refuse.
Quelques temps plus tard, une descente dans la boîte de Bobby est menée par Joseph, dans le but d'arrêter le neveu du patron russe, un baron de la drogue, bien qu'en bout de compte les policiers repartent avec un de ses acolytes qui dès son arrivée en prison, se tranche la gorge...

James Gray ressemble à Wes Anderson par le simple fait que les deux hommes semblent attachés au thème de la vie de famille, surtout lorsque celle-ci relève d'une équation à plusieurs inconnues.
Mais la différence siège dans la manière plutôt comique de présenter les choses d'Anderson, et la façon shakespearienne de Gray de tirer les ficelles.
Ce côté dramatique ne quitte jamais le jeu des acteurs, le fil de l'histoire. On ne choisit pas sa famille, et même s'ils nous déçoivent, qu'on les méprise, il vient toujours le moment où on se tourne vers eux, car, après tout, on partage un peu plus que quelques gènes. Bobby va être transformé par un évènement touchant à sa famille, et ce à tout jamais (quand je parle de dilemmes cornéliens, de thèmes shakespeariens, il faut me croire) ; Phoenix est un virtuose, capable d'endosser le costume d'un personnage d'une complexité intéressante, tiraillé dans des décisions, des valeurs, des buts antagonistes, et, ce pour le plus grand plaisir du spectateur aimant voir de grandes histoires, de grands jeux.

On ne sort pas indemne d'un James Gray, on ne peut pas comme ça changer de sujet, passer du coq à l'âne. D'abord, parce que le sujet est un peu lourd (ici, la drogue, le sens de la famille, les relations familiales, la mort, la culpabilité), mais qu'en plus, on se trouve coincés dans un ras de marée émotionnel sans précédent, la faute à un scénario béton et une réalisation permettant de se faufiler aisément dans l'intrigue, de même en être particulièrement captivé.

James Gray a le don d'emmener hors de son siège celui qui se frotte à son cinéma : même si vous n'êtes pas spécialement attirés par les milieux russes/ukrainiens, juifs, mafieux, ou même New-York (car tous ses films parlent de ça, quand même, de peut-être pas tous les éléments mais d'au moins deux), le fond de l'histoire, la trame du héros, dans le cas de We Own The Night, le combat d'un homme pour sa famille, pour sauver ceux qu'il aime, et ce qui en découle, ne laissent guère indifférent.