lundi 11 juillet 2011

Midnight in Paris


Woody Allen entame avec fantaisie une nouvelle décennie de films, avec Midnight in Paris, une déclaration d'amour à la ville de Paris, et aux fantasmes.

Si ce nouveau film sent bon les macarons et les icônes parisiennes – comme les petits vendeurs de vieux livres, la Seine, la peinture, les artistes, les années 20 - , c'est pour le plaisir des yeux des amateurs de Woody Allen qui peuvent reprendre confiance en leur cinéaste adulé, après des années 2000 en dents de scie. En effet, si les années 2000 avaient commencé sur les chapeaux de roue avec Small Time Crooks en 2000, elles ne se sont pas terminées aussi bien avec You Will Meet a Tall Dark Stranger. La dernière décennie de Woody Allen a oscillé entre le génialissime (Match Point, le film shakespearien, un ovni dans la filmographie d'Allen, Whatever Works, une mine de sarcasme et d'humour corrosif qui pique où il faut) et le décevant (Vicky Cristina Barcelona qui sent le n'importe quoi, You Will Meet a Tall Dark Stranger ou comment avoir une belle brochette d'acteurs mais sans rien de croustillant, Scoop, la pâle imitation de ce qui a déjà été fait auparavant par Allen). On retiendra aussi les géniaux The Curse of the Jade Scorpion où Allen et Helen Hunt forment un duo hilarant, et Melinda and Melinda, un film en deux films, où on passe de la version tragique à la version comique avec ravissement.
Midnight in Paris était un pari : est-ce que Woody Allen allait concocter quelque chose de véritablement unique, en marge de ce qu'il avait déjà fait, comme il avait pu faire il y a quelques années avec Match Point et Everyone Says I Love You, par exemple?! Pari remporté avec succès : Midnight in Paris est un film savoureux, inattendu, délirant comme on l'attendait d'un Woody Allen.

Midnight in Paris est une ode à Paris, à la perception romantique que de nombreuses personnes ont de la ville. Cet hymne à la Ville Lumière peut également s'étendre aux femmes, à ces créatures sublimes qui mettent un baume exotique sur le coeur des hommes. On tombe amoureux d'une ville comme d'une femme : en la voyant, de loin, de près, en sentant sa douceur, en se délectant de sa beauté, de son sourire. Et on se sent terriblement enivré en sa compagnie qu'on recherche inlassablement.

Gil Pender, de sa condition scénariste hollywoodien, se rend avec sa future épouse Inez – et les parents de celle-ci – à Paris. Si au début tout semble presque parfait, les choses se gâtent quand Gil tombe amoureux de la ville au point de vouloir y vivre, pour le plus grand malheur d'Inez qui préfère Malibu, et surtout, lorsqu'un ami pédant d'Inez, Paul, fait son apparition. En parallèle, Gil, par hasard, après les douze coups de minuit, se retrouve dans les années 20, sa période préférée de l'histoire de Paris, y rencontre les grandes figures artistiques de l'époque, et tombe amoureux d'une femme aux antipodes d'Inez.

Mais qu'est-ce que Woody Allen a fumé pour faire ce film? On ne sait pas, et peu importe, le résultat est grandiose. Si, le jour, le personnage de Gil Pender, un type nonchalant, se trimballe avec un enthousiasme névrosé dans les rues de la capitale française en compagnie de sa délicieuse physiquement et vicieuse mentalement future épouse, la nuit, notre héros se fond dans un Paris fantasmé, fantasmant, hallucinant, halluciné, qui emporte loin de tout, à l'époque du Dada, du surréalisme, des poètes, des femmes bien habillées. Un ravissement visuel, scénaristique, comme on en avait rarement vu. L'idée de montrer un Ernest Hemingway, un Luis Buñuel, un Pablo Picasso, un F. Scott Fitzgerald, comme on ne les imaginait pas, ça, c'est une idée novatrice à mille lieues de ce qu'on pouvait sensiblement attendre.
Mais le plus du film c'est le personnage de Gil Pender. Woody Allen a encore une fois écrit son personnage principal à son image en bon Dieu créateur : les mêmes obsessions, la même nonchalance, les mêmes névroses, la même maladresse. Si Allen avait quarante ans de moins, il aurait sûrement joué Gil Pender avec toutes ses mimiques, ses attitudes hilarantes. Néanmoins, Owen Wilson livre une prestation digne de son maître lorsque ce dernier jouait encore dans ses films, il y a quelques années (sa dernière prestation était en 2006, dans Scoop). Et Wilson est d'autant plus impressionnant qu'il forme un couple parfaitement atypique avec la tyrannique Rachel McAdams (à qui les rôles de garce/pétasse vont comme un gant), et un tandem pétillant avec Marion Cotillard.

Sans vouloir en dire plus, Midnight in Paris est un des meilleurs films de Woody Allen, un des plus enthousiastes, des plus féeriques, qui plaira à tous ceux qui savent ce que c'est de tomber amoureux d'une ville, ou d'une femme.