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Comme a été résumé un peu partout le propos du film Le premier jour du reste de ta vie, il s’agit de cinq séquences, cinq instants-clefs, cinq courants d’air dans un ordre chronologique, cinq moments décisifs dans la vie de cinq individus, cinq personnes de la même famille : le père, Robert (joué par Jacques Gamblin), la mère, Marie-Jeanne (jouée par Zabou Breitman), le frère aîné, Albert (joué par Pio Marmai), le frère au milieu, Raphaël (joué par Marc-André Gondrin), la petite dernière, Fleur (jouée par Déborah François).
Néanmoins, ces cinq évènements particuliers, même s’ils sont présentés du point de vue d’un personnage en particulier, présentent l’évolution des autres : il y a une continuité entre ce qu’on a vu et qu’il nous reste à voir, chaque personnage mérite de l’attention dans chaque partie : ainsi, le spectateur n’est pas oublié lorsqu’une intrigue se complique, il a déjà pu l’envisager car on esquissait une possibilité avant. Certains éléments reviennent d’ailleurs, tout au long des cinq moments, que ce soit le fait que le père n’arrête jamais de fumer, qu’un des fils se sente mal aimé de son père (comme son père envers le grand-père), que l’autre fils par sa position du milieu, soit à la dérive, à la recherche de repères. Qu’on ne me fasse pas dire que le film est en tous points prévisible, ou stéréotypé, mais plutôt, qu’il dresse des portraits, des scènes auxquelles on peut s’identifier volontiers, car les protagonistes existent dans des circonstances connues, des moments de la vie qu’on taxe de « crise de l’adolescence » ou « crise de la quarantaine », « crise d’identité ».
Résumer l’histoire ne sert à rien, le charme serait rompu, et cela serait fort dommage. Cela dit, sans risquer de tomber dans la case « spoiler », on peut quand même indiquer quelques clins d’œil : le film s’ouvre sur l’année 1988 (avec le départ du fils aîné pour la vie sans parents qui écoute l’Aventurier d’Indochine), Fleur est « grunge » et fan de Nirvana à l’époque où les Come as you are étaient chantés par un blondinet aux jeans sales. Le premier jour du reste de ta vie arrive avec brio à enchevêtrer tragique, comique, dramatique : dosé très justement, on ne passe pas instantanément du rire aux larmes, mais on alterne les émotions, justement, sans s’emballer, en laissant le spectateur s’immiscer légèrement dans l’univers, sans qu’il se sente non plus trop impliqué. Certains personnages sont plus drôles que d’autres, d’autres plus attachants : particulièrement le père, qui, finalement, ne dit pas grand-chose, reste (trop) souvent flegmatique mais qui, par son jeu décapant, semble ressentir un tas de choses sur lesquelles on ne peut mettre de nom. Le personnage de Raphaël, tel qu’il est exploité dans le film, est un beau phénomène d’une certaine complexité psychologique. En revanche, le seul reproche concerne Albert, dans sa façon d’être qui n’arrive pas vraiment à amener une quelconque sympathie, ou même empathie.
Outre le bon casting qui est vraiment toujours à la hauteur, et les moments drôles (ou même ceux moins drôles), Le premier jour du reste de ta vie reste un bon moment en perspective, faisant parfois très pièce de théâtre (puisqu’on soigne cinq personnages à l’extrême, on les façonne tant qu’on peut, au mieux qu’on peut). Quant à la teneur du scénario, on pourrait en parler encore longtemps : si l’identification marche tellement bien, c’est parce qu’il s’agit de conjonctures réalistes, non pas stéréotypées, mais véridiques : les premiers chagrins d’amour ne sont pas ridicules ou, à l’opposé, d’un dramatique presque suicidaire, les relations père-fils très compliquées sont présentées avec neutralité, ne cherchant pas à pointer du doigt un coupable, et les relations mère-fille, explosives, montrent que la maturité arrive toujours, après la puberté.
Après Ma vie en l’air, Rémi Bezançon signe une chronique sur le thème de la famille, orchestrée en cinq phases décisives, jonglant avec des idées de maturation, d’évolution, de confiance, d’amour et d’humour lorsque le dramatique ne s’en mêle pas.
Extrait
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